Les tiens et toy pouvez vaquer Sans nulle crainte à vos affaires ; Nous vous y servirons en freres. […] Et ce m’est une double joye De la tenir de toy.
» — « Un autre humme, ceo m’est avis, sur le lit vus tint embracee. » Dunc dis la femme tut curucee : « Bien sai », fet ele, « n’en dust mie, que ceo est vostre vielle folie ; tu vels mençoinge tenir a veire. » — « Jel vi », fet il, « sil dei bien creire. » — « Fous es », fet ele, « si tu creiz pur verité quan que tu veiz. » As mains le prent, od li l’en meine a une cuve d’ewe pleine ; dedenz la cuve le fist garder.
Par mi un champ, u il passa, current aprés tut li pastur ; li chiens le hüent tut entur : veit le gupil, ki le cok tient ; mar le guaina si par eus vient ! […] Quant li gupilz s’est reguardez, mut par se tient enfantillé, que li cocs l’ad si enginné ; de maltalent e de dreit’ ire la buche cumence a maudire, ke parole quant devereit taire.
Le marché ne tint pas ; il fallut le resoudre : D’interests contre l’Ours, on n’en dit pas un mot. L’un des deux Compagnons grimpe au faiste d’un arbre ; L’autre, plus froid que n’est un marbre, Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent ; Ayant quelque part oüy dire Que l’Ours s’acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ny ne respire.
Marie de France, n° 34 Le roi des singes Un empereres nurri ja un singe que forment ama, e li singes bien atendeit quanque as humes fere veeit, cum l’empereür vit servir, e ses festes li vit tenir, cum tuz le tiendrent a seignur. […] Dunc prist femme, si ot enfanz, e tient festes riches e granz.
Cil vot mustrer raisnablement que bien li deit tenir covent, quant pur lui ne fu mespreisez ne pur l’autre plus avilez ; unc nel cunut ne vel vit mes. Li vileins li ad dit aprés qu’il ne deit tenir sun esgart, kar il nel vit fors de l’une part ; pur ceo l’aveit demi preisié qu’il n’en veeit fors la meité ; ne pot mie d’un oil veeir quei li chevals deveit valeir.
En Salerne fui vereiment, si vus unt li mire mandé, ki oïrent vostre enfermeté, que un lu seit escorcié tut vifs, si seit li sanc en la pel mis sur vostre piz desque a demain : de vostre mal vus rendra sain. » Le lu pernent, kë ileoc fu ; vif l’escorcent, tant l’unt tenu ; al lïun unt la pel bailé. […] « Tes guanz », fet il, « vei depescez Autre feiz seez chastïez que autre ne deiz par mal tenir, que sur tei deive revertir. » Tel purchace le mal d’autrui que cel meme revient sur lui, si cum li lus fist del gupil, qu’il voleit mettre en eissil.
Les Fanfarons tout de mesme, ont beau porter leurs longues espées, faire les Rodomonts dans les ruës, morguer les uns et les autres, alonger leurs pas, et affermir leur contenance, s’ils n’ont autant de cœur que de mine ils ne tiennent rien. […] Le seul Hypocrite, qui cache la malice et l’impieté sous le voile d’une fausse devotion, est capable de tenir les personnes plus long temps abusées, à cause que l’exercice de la Vertu n’est pas sujet à la censure des hommes, mais à celle de Dieu : Son espreuve se fait au Ciel, et non pas en terre. […] Cela s’est remarqué manifestement en la vie de Jeanne de la Croix, qui tint l’Espagne comme enchantée durant une longue suitte d’années ; jusques là que l’Empereur Charles V. luy communiquoit ses plus importantes entreprises, et les recommandoit aux prieres de Celle qu’il jugeoit Saincte, et qui estoit en effect une Pecheresse tres-infame.
Marie de France, n° 23 La chauve-souris De un lïun dit que assembla tutes les bestes e manda, ki aloënt sur quatre piez ; e li egles ad purchaciez tuz les oisels quë eles unt e que volent en l’eir lamunt : bataille deivent od li tenir. […] Autresi est del traïtur que meseire vers sun seignur a ki il deit honur porter e leauté e fei garder ; si sis sires ad de li mestier, as autres se veut dunc ajuster, a sun busuin li veut faillir e od autres se veut tenir ; si sis sires vient el desus, ne peot lesser sun mauveis us ; dunc vodreit* a lui returner : de tutes pars veut meserrer, si honur en pert e sun aveir e repruver en unt si heir, a tuz jurs en est si hunis cum fu dunc la chalve suriz que ne deit mes par jur voler, në il ne deit en curt parler.
Esope se mit alors à foüiller prés d’une motte de terre, esloignée de luy d’environ quatre pas, et y trouva le thresor, dont il estoit question : S’estant mis en mesme temps en devoir de le donner à Xanthus : « Tiens », luy dit-il, « voila dequoy : il ne reste plus, sinon que tu me tiennes promesse ». « Je ne suis pas si fol de le faire », respondit Xanthus, « si premierement tu ne m’expliques ces lettres, car ce me sera une chose plus precieuse de les entendre, que de posseder tout l’or, que tu sçaurois jamais trouver ». « A cela ne tienne », reprit Esope ; « Sçache donc, que celuy qui cacha ce thresor dans la terre, comme sçavant qu’il estoit, s’avisa d’y faire graver ces lettres, qui joinctes ensemble, forment un sens qui est tel.
Ne te separe jamais d’avecque ta femme, de peur qu’elle ne vueille faire essay d’un autre homme que de toy : Car les femmes tiennent cela de leur sexe d’estre naturellement volages, et moins portées au mal quand on les sçait avoir par la flatterie : Ne preste point l’oreille à des paroles legeres, et ne parle que fort peu. […] Chasse de ta maison le Médisant, et tiens pour certain, qu’il ne manquera point de rapporter et tes paroles, et tes actions.
Marie de France, n° 5 Le chien et le fromage Par une feiz, ceo vus* recunt, passoit un chien desur un punt ; un fourmage en sa buche tient ; quant en mi le puncel [par]vient, en l’ewe vit l’umbre del furmage ; purpensa sei en sun curage que aveir les voleit amduis.
Maistre Renard par l’odeur alleché Luy tint à peu prés ce langage : Et bon jour, Monsieur du Corbeau.
Forment li peise del leal, quë hume ne tient ses fez a mal.
Là, se plaçant en face de l’oracle, il demanda si l’objet qu’il tenait dans sa main était vivant ou inanimé. […] Mais le dieu, reconnaissant son artificieuse intention, répondit : « Assez, l’homme ; car il dépend de toi que ce que tu tiens soit mort ou vivant. » Cette fable montre que la divinité défie toute surprise.
Zeus lui dit : « Si tu avais frappé le premier qui t’a marché dessus, le deuxième n’aurait pas essayé d’en faire autant. » Cette fable montre que ceux qui tiennent tête aux premiers qui les attaquent se rendent redoutables aux autres.
Il tint conseil de guerre, envoya ses Prevosts ; Fit avertir les animaux : Tous furent du dessein ; chacun selon sa guise.
Dés qu’il fut en son sanctuaire, Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie ou non ?
Marie de France, n° 67 Le corbeau qui trouve des plumes de paon Del corbel cunte ki trova par un chemin, u il ala, plumes e pennes d’un poün, si s’esguarda tut envirun : plus vil se tient nul oisel pu ceo qu’il ne se vit si bel.
Plus se tint vil que nule beste, quant autresi n’esteit cornuz e qu’il esteit si poi creüz.
Cette fable s’applique à un homme qui tient des propos mensongers.
Un voyageur qui passait dans un désert rencontra une femme solitaire qui tenait ses yeux baissés. « Qui es-tu ?
Pur ceo chastie le sené que hum ne deie mal cunseil creire ne mençunge tenir pur veire.
Un berger, qui faisait rentrer ses moutons à l’intérieur de l’étable, allait enfermer avec eux un loup, si son chien, qui s’en était aperçu, ne lui eût dit : « Comment toi, qui tiens à la vie de tes moutons, fais-tu entrer ce loup avec eux ?
Pour vous, dit-il, dont la peau Est plus dure que la mienne, Je ne vois rien qui vous tienne.
Mais le lascher en attendant, Je tiens pour moi que c’est folie ; Car de le ratraper il n’est pas trop certain.
Ce n’est donc pas étre bien conseillé que de mandier le secours d’un puissant Prince, et particulierement lors que les Estats de celuy qui le requiert sont à sa bien-seance, si ce n’est qu’on le tienne de long-temps pour si Vertueux, ou qu’on ayt esprouvé si peu de nouveaux desseins en la nation dont il est Chef, que l’on puisse apparemment prendre là dessus une juste et parfaite confiance. […] Que s’il est bon au mauvais de se conserver par cét autre moyen, qui est de tenir les deux Puissances en jalousie, et noüer une intelligence tantost avec l’une et tantost avecque l’autre, c’est dequoy je laisse la decision aux Politiques, et suis d’advis cependant de passer à la Fable suyvante.
A quoy principalement ont accoustumé d’avoir esgard tous les Poëtes, qui traittent de matieres Comiques, ou qui tiennent du Tragique, ou mesme de l’Epique. Or bien qu’il y ait plusieurs ressemblances, et conformitez d’où l’on peut tirer le sujet des fables ; Il me semble neantmoins qu’il s’en trouve trois principales, dont la premiere consiste en operations, qui ne sont pas naturelles ; comme on pourroit dire de la ressemblance de l’homme à la Chimere, non pas touchant la figure exterieure, mais quant aux operations representées par ce monstre imaginaire, dont le devant tient du Lyon, le milieu de la Chevre, et le derriere du Dragon ; par où il nous est enseigné, que la pluspart du temps les hommes se laissent conduire ou par l’apetit irascible, ou par le Concupiscible, ou par leur propre fantaisie, et leur imprudence. […] Telle est la fable de Prothée Dieu marin, par les transformations duquel nous est figurée la matiere premiere, qui se change d’une forme en l’autre, ainsi que l’expliquent presque tous les Philosophes ; Il est vray qu’à le prendre moralement cela peut s’entendre des hommes, qui tiennent de la Divinité, et qui neantmoins se changent, par maniere de dire, en bestes irraisonnables et en pierres mesme, toutes les fois qu’ils se laissent emporter à leurs passions brutales, et qu’insensibles à leur devoir, ils negligent ingratement le culte de leur Createur. […] Que s’il y a quelque chose à blasmer en la pluspart des fictions Poëtiques, c’est à mon advis quand il arriue que ceux qui en sont les Autheurs, inventent des Fables, qui à le prendre à la lettre, tiennent du des-honneste, et de l’impie mesme ; A cause de quoy le divin Platon les bannit entierement de sa Republique, comme contraires à la pieté et aux bonnes mœurs, combien que d’ailleurs il les estime grandement, pour la gentillesse de leurs inventions.