Les Roys avoient en ce temps-là paix ensemble, et en ce commun repos ils se visitoient souvent par lettres, s’envoyant les uns aux autres des questions Sophistiques : Ce qu’ils faisoient à telle condition que ceux qui les pouvoient soudre, rendoient les autres leurs tributaires, selon qu’il estoit accordé entre eux : Comme au contraire, ceux qui n’y pouvoient respondre, payoient le tribut eux-mesmes. […] Avecque cela, il estoit cause, que ce mesme Prince reçevoit de grands tributs, pource qu’il envoyoit à son nom plusieurs questions aux autres Roys, qui ne les pouvoient decider.
Est-il bien possible qu’en une nuict, le chat dont il est question, soit allé d’Egypte en Babylone ? […] » Par ceste responce, il se mit si bien dans l’esprit du Roy, qu’il l’estima grandement pour son sçavoir, et pour sa prudence : de maniere qu’un peu apres, ayant fait venir de la ville d’Eliopolis un bon nombre d’hommes sçavants, fort versez aux questions Sophistiques, il se mit à les entretenir sur la suffisance d’Esope, et voulut que luy-mesme fust de la partie, en un festin où il les avoit invitez. […] Esope l’oyant ainsi parler ; « Vrayment », dit-il, « voila une fort belle question, et dont les enfans de nostre pays rendroient raison. […] Le lendemain apres que Nectenabo eust fait appeller ceux de son conseil ; « Sans mentir », leur dit-il, « j’ay belle peur que l’esprit d’Esope ne nous fasse tributaires du Roy Lycerus ». « Avant que cela soit », respondit un de l’assemblée, « je suis d’advis que nous luy proposions des questions, que nous-mesmes n’avons jamais sçeuës, ny ouyes » […] Ces paroles du Roy leur firent à l’instant changer d’opinion, et dire les uns aux autres, nous n’en sçavons rien, et n’en avons jamais ouy parler. « Tant mieux encore », adjoûta Esope ; « et s’il est ainsi, comme vous l’asseurez, vostre question est vuidée ».
Il n’est pas question de redire icy les advantages que la beauté de l’ame emporte sur celle du corps.
Un jour la puce faisait au bœuf cette question : « Que t’a donc fait l’homme pour que tu les serves tous les jours, et cela, grand et brave comme tu l’es ?
Il y était question de pâture, je veux dire de foi, d’orge et de paille.
Comme il fut donc question de servir sur table, Esope ayant vuidé les pieds dans le plat, et Xanthus en voyant cinq. « Qu’est cecy », dit-il, « en voy-la plus que je n’en ay fait achepter ». « Il est vray » respondit Esope, « et voicy comment.
Comme il fut donc question de le partager, ainsi qu’il avoit esté conclu entr’eux, chacun voulut emporter ce qui luy appartenoit.
Celui-ci ayant répondu qu’il était le Serment et qu’il marchait contre les impies, il lui posa une seconde question : « Après combien de temps reviens-tu d’habitude dans les villes ?
Par exemple, le Prince abaisse et diminuë sa haute condition, et augmente en quelque façon celle du Favory, quand il est question de luy communiquer un secret, encore telle espece de bien veüillance est presque tousjours sujette à une fin dangereuse, si le Favory ne se gouverne avec beaucoup de prudence ; ce qui ne procede que de l’extrême inégalité des deux Amis, et par consequent il faut necessairement qu’il y ait de la proportion entre l’un et l’autre.
Pour ce qui est de l’autre poinct, dont ceste Fable nous peut instruire, à sçavoir que les Ennemis reconciliez à faux, ne demandent qu’un pretexte pour nous attaquer, c’est une question de fait, qui a plus besoin d’exemples que de raisons.
Bref, il n’y a celuy qui pour paroistre universel en la cognoissance des choses, ne mette effrontément sur le tapis des questions sur des matieres où il n’est aucunement versé, et où mesme, quand il auroit beaucoup d’estude, son naturel l’empescheroit de profiter.
Jamais il ne faut attendre de bons offices des personnes que nous avons des-obligées, comme dit fort à propos le Renard dont il est question.
Durant ces choses, apres que ceux qui estoient du festin se fûrent bien échauffez à boire, et qu’on eust proposé plusieurs questions d’une part et d’autre, il y en eut un parmy eux qui plus curieux que ses compagnons ; « Quand sera-ce », leur demanda-t’il, « qu’il y aura d’estranges divisions et de grands desordres parmy les hommes ? […] En suitte de ceste question, il y en eust un qui demanda, pourquoy la Brebis ne crioit point quand on la menoit à la boucherie, au lieu que le Pourceau faisoit un estrange bruict ?
Comme il fut question de porter ce tribut, Le Mulet et l’Asne s’offrirent, Assistez du Cheval ainsi que du Chameau.
Esope se mit alors à foüiller prés d’une motte de terre, esloignée de luy d’environ quatre pas, et y trouva le thresor, dont il estoit question : S’estant mis en mesme temps en devoir de le donner à Xanthus : « Tiens », luy dit-il, « voila dequoy : il ne reste plus, sinon que tu me tiennes promesse ». « Je ne suis pas si fol de le faire », respondit Xanthus, « si premierement tu ne m’expliques ces lettres, car ce me sera une chose plus precieuse de les entendre, que de posseder tout l’or, que tu sçaurois jamais trouver ». « A cela ne tienne », reprit Esope ; « Sçache donc, que celuy qui cacha ce thresor dans la terre, comme sçavant qu’il estoit, s’avisa d’y faire graver ces lettres, qui joinctes ensemble, forment un sens qui est tel.
Il en prit ainsi aux Grecs partialisez ensemble, qui neantmoins se rejoignirent enfin avec une parfaite concorde, quand il fût question de repousser la redoutable armée du Roy Xerxes ; dequoy ils ne vindrent à bout, qu’à l’ayde de leur bonne intelligence.
Il est icy question de retirer sa parole, quand on l’a donnée par force, en quoy certes il y a plus de malheur que de peché.
Il est question à la fin de decreter tout le bien pour quelques haillons, et de laisser aller un heritage assez raisonnable entre les mains des persecuteurs.
Suyvant quoy pour transferer ceste question des choses petites aux grandes, ceux qui gardent, ou qui deffendent des Places pour les Roys, ne peuvent jamais treuver de grace auprés de leurs Maistres, si tant est qu’ils les rendent plustost qu’il ne leur est commandé, c’est à dire, en une extrême necessité, quand mesme ils n’auroient point de confidence avec l’ennemy, et n’auroient failly que par la seule lascheté, qui neantmoins de soy n’est pas punissable de mort, mais bien d’infamie.
Le Renard et le Bouc ayans grande soif descendirent dans un Puis, où quand ils eurent bien beu, il ne fût plus question que de s’en tirer.
Il appartient plustost aux Jurisconsultes, qu’aux Philosophes moraux de vuider ceste question ; à sçavoir, si ceux qui ont esté en la compagnie des meschants, doivent porter la peine comme eux du crime qu’ils ont commis.
Une autre fois Xanthus s’estant mis à banqueter avecque des Philosophes, comme ils furent un peu avant dans le vin, diverses questions s’émeurent entr’eux touchant plusieurs choses ; ce qui donnoit des-jà bien à penser à Xanthus, qui ne sçavoit presque où il en estoit.
Je me souviens à ce propos d’avoir leu, qu’au commencement des choses, quand il fût question d’establir en châque lieu une forme de Gouvernement, les Peuples jetterent d’abord leurs yeux sur les belles personnes, pource qu’elles frappent ordinairement avec esclat, l’imagination de ceux qui les considerent.
Il faut seulement sçavoir, s’il est le plus asseuré ; en quoy je diray avec Esope, qu’il l’est en effet, et que les ruses ne font qu’advancer la ruyne de leur Autheur, si ce n’est d’avanture quand il est question de s’opposer aux pieges d’un Ennemy, et de chercher son salut dans la contre-finesse.
Que s’il est question de venir à la source de ce mal, l’on cognoistra que tels Voleurs, sur qui la justice des hommes s’exerce, ne tombent d’ordinaire en ceste disgrace, que pour n’avoir esté bien repris en leur Enfance, comme le remarque fort à propos nostre sage Phrygien.
Que s’il estoit question de confirmer ceste verité par des exemples anciens, il faudroit dépoüiller l’Histoire de l’Histoire mesme et transporter icy des volumes entiers, pour ne faire voir qu’une partie des Perfidies que l’Avarice nous cause. […] Mais quand il est question de limiter cét usage, ils en font la taxe si haute, et si démesurée, que selon leur conte, pour estre à son aise il faudroit avoir les thresors de Cresus. […] A quoy si l’on m’objecte, que ces gents là sont Barbares, premierement je mettray en question, si leur rusticité ne vaut pas mieux que nostre luxe.
Car toute verité estant une, et par tout semblable à soy-mesme ; il faut necessairement qu’en une question de faict, de deux diverses opinions il y en ait tous-jours une de fausse, et que bien souvent toutes les deux le soient ensemble.
Je me souviens à ce propos d’avoir ouy alleguer ce mesme exemple avec beaucoup d’autres, en une dispute où il estoit question de sçavoir, si les Animaux ont l’usage du discours plus imparfaictement que nous, ou plustost si ce n’est que la force de leur memoire, joincte aux sens corporels, qui les rend capables de plusieurs choses, semblables aux consequences et au raisonnement des hommes. […] Je m’estendrois plus au long sur un si ample sujet, n’estoit que ma diggression a esté trop importune, et peut-estre hors de saison, bien qu’à la verité l’austere reprehension des Vices, que nous avons faite en tous les Discours precedents, nous semblast permettre en celuy-cy de prendre quelque espece de recreation, soit au recit de ces Histoires, soit en proposant une si aggreable question. […] Il nous declare encore plus expressément l’importance du bon conseil, lors qu’estant question de terminer quelque haute affaire, ou de sortir d’un grand peril, il le fait tous-jours accompagner luy et son fils Telemaque, de la Déesse Minerve, qui preside à la Prudence.