Le Coq ayant apperçeu fortuitement une pierre precieuse en un fumier qu’il grattoit ; « Dequoy me peut servir », dit-il, « d’avoir trouvé une chose si belle et si nette ?
Mais je m’esgare, sans m’en apperçevoir, hors de mon sujet, et n’ayant entrepris que de monstrer combien la Volupté nuist à l’Estude des Sciences, je fais voir insensiblement par ces Histoires, que les sçavans hommes sont capables des plus hautes entreprises, et de la parfaite Vertu, qui ne consiste pas moins à exterminer les Usurpateurs, qu’à bien servir les Roys legitimes.
Voylà le moyen dont ils se servent pour satisfaire à leur animosité, qui n’est toutesfois pas moindre interieurement, que celle des autres hommes.
Ce qu’il faut faire en toutes façons, s’il est possible, à cause que ceste peine estant de la nature fort ennuyeuse, elle est en cela pire que toutes les autres, qu’elle ne peut servir de satisfaction à nos crimes, pource qu’elle en est elle-mesme un insupportable.
Quant à leurs affaires particulieres, je trouve que c’est une action de prudence, de ne s’y entre-mettre pas aisément, mais de se servir d’une honneste excuse, et en rejetter le refus sur son incapacité.
Le renard répondit : « C’est une commission pénible et difficile que celle dont tu me charges ; pourtant je t’y servirai encore. » Alors, comme un chien de chasse, il suivit la trace du cerf, ourdissant des fourberies, et il demanda à des bergers s’ils n’avaient pas vu un cerf ensanglanté. […] Quant à moi, je ne veux servir que toi. » En abusant ainsi le malheureux, il le décida à venir de nouveau.
Car ils se trouvent d’ordinaire embroüillez dans les propres menées de ceux qu’ils ont servis, et sont pour la pluspart, le propre suject de leurs infidelitez.
Les Grenoüilles estans en pleine liberté, prierent Jupiter de leur donner un Roy ; Mais luy se mocqua d’une si sotte demande : Ce refus neantmoins ne servit qu’à les rendre importunes ; De maniere que se voyant sollicité de plus en plus, il fût contrainct de leur accorder leur priere.
Après, on leur servit à manger.
En quoy, il me semble que pour un vain plaisir de mentir, l’on perd une chose bien precieuse, à sçavoir la Foy ; Action certes d’un tres-mauvais mesnager, et d’un imprudent, puis-qu’il n’y a rien de si commode en tout le commerce de la vie, que de passer pour veritable, autant pour servir ses amis, que pour son interest propre.
En quoy certes il ne sert de rien, ny d’alleguer Aristote, qui ne déconseille point la Vengeance, ny de dire que ce n’est pas estre injurieux que de repousser un outrage. […] Mais Esope fournit bien une autre raison aux Courages Vertueux, pour leur servir de consolation, quand les Meschants les affligent ; C’est qu’il feint la Perdrix mesme mal traittée par les Coqs, en leurs contentions mutuelles, d’où il luy fait prendre sujet de s’appaiser.
A quoy j’adjousteray le raisonnement, qui pour estre en nous tres-imparfaict, ne laisse pas toutes-fois de contenir quelque chose d’excellent et de grand par dessus tout ce qui est dans le monde : Or que la beauté du corps nous rende semblables aux animaux, cela se découvre assez en ce que la leur consiste comme la nostre, et en couleur, et en proportion ; Et ne sert de rien de dire, qu’ils n’ont pas les traits de leur corps semblables aux nostres, puis qu’il est certain que nous ne leur ressemblons pas, ny du visage, ny de la stature.
Que si l’on m’objecte à cela, que le vice de lascheté estant pernicieux à l’Estat, quand il ne meriteroit point de soy-mesme un rigoureux chastiment, si est-ce qu’à cause de la consequence, il y faudroit proceder le plus severement qu’il seroit possible, pour empescher à l’advenir tous les jeunes hommes de tomber en pareil inconvenient ; A cela je responds, qu’un poltron executé à mort, est enlevé hors de la presence des Vivants, et ne sert point d’un si bel exemple, pour destourner la jeunesse d’une pareille faute, que quand il demeure parmy nous chargé d’opprobres et d’infamie ; Car alors il resveille incessamment la memoire de son supplice, et prend en horreur l’action qui le luy a pû causer.
Or soit qu’ils le fissent, pour ce qu’ils apprehendoient les incommoditez du dernier âge, où possible pour publier avecque plus d’efficace leurs sages maximes, et qu’à ce besoin ils se servissent des biens qui frappent l’esprit du Peuple d’un certain respect accompagné de docilité ; tant y a, comme j’ay dit, qu’ils ne voulurent s’enrichir que sur le tard, quoy qu’il leur fût bien aisé de le faire plustost, veu l’estime particuliere que faisoient d’eux les plus grands Princes de leur siecle.
Il advint donc qu’il prit avec elles une Cigongne, qui se sentant attachée par le pied, pria le Laboureur de la laisser aller, luy remonstrant qu’elle n’estoit ny Gruë ny Oye, mais bien Cigongne, et par consequent le plus debonnaire de tous les autres Oyseaux, qui avoit accoûtumé de servir ses parents pieusement, sans les abandonner jamais en leur vieillesse.
S’il advient doncques au Pere, ou bien à la Mere, de commettre une action vicieuse devant leur Enfant, asseurément il l’imitera bien-tost apres, et ce d’autant plus aisément, qu’il ne sçaura pas faire la difference du bien et du mal, et ne sera point détourné par l’imagination de pecher, qui sert quelquesfois de divertissement aux hommes faits.
A ces mots le marchand luy commanda de salüer ses compagnons, et d’entrer plus avant dans le logis ; mais comme il se fût mis en estat de le faire : « Vrayment », dirent ils entr’eux, « c’est un grand malheur à nostre Maistre, d’avoir achepté un valet si monstrueux, et si difforme que celuy-cy, et il semble proprement qu’il ne l’ait pris que pour servir de mal-encontre et de sortilege dans sa maison ».
Mais en fin il arriva que le malheureux Androde fût recogneu, et reconduit à son ancien Maistre, qui apres plusieurs inhumanitez exercées contre luy, le destina pour dernier supplice à servir aux spectacles des bestes farouches.
Par mesme moyen, avec ce qu’il praticque les encensements et les sacrifices, comme ils sont décrits en la vieille Loy, il a bien encore l’effronterie de profaner les sacrez Mysteres du Nouveau Testament, et se servir d’estolles et d’eau-beniste.
Car en la possession des biens temporels, nous ny trouvons que les avantages qui sont en une hâche, à l’égard du Charpentier, puis qu’elle n’est autre chose qu’un outil pour en user, et que tous les biens du monde non plus ne sont considerables, que tant qu’ils servent à nostre commodité, et sont les instruments de nostre aise.
C’est ainsi que l’impuissance mesme sert quelquesfois de support aux hommes, comme il se void en la petitesse de ce Rat, qui le fait échapper, en se mocquant de la poursuitte du Taureau.
S’ils ne les ayment point, à quoy leur a servi pour la tranquillité de la vie, de s’estre associez avec elles ? […] Avec quelle grace peut-il mentir et souspirer devant la Beauté qu’il veut servir ?
Car Esope ayant si bien fait parler les Animaux, ce seroit, à mon advis, un manquement à nostre livre, de ne traicter point de leur façon de discourir, et de n’examiner pas jusques à quel poinct peut s’estendre la portée de leur entendement, pour en tirer une consequence de ce que nostre Autheur attribuë à la Nature, et sçavoir par mesme moyen pourquoy il s’est voulu servir de l’introduction des bestes, pour apprendre la sagesse aux hommes. […] Mais ces raisons laissées à part, nous dirons avec les Chrestiens, et avec les Peripateticiens, que le seul homme est capable de discourir, et que toutes les actions que nous admirons aux animaux, procedent de l’instinct naturel, qui est en eux, et qui se sert de leurs cinq sens, de leur imagination, et de leur memoire, si ce n’est que Dieu les éleve miraculeusement à la faculté de parler, comme il fit à l’Asnesse de Balaam ; et en ce cas là, nous n’aurions besoin que d’un acquiescement d’esprit, et d’une creance humble et soubmise. […] Quant aux voix des animaux, je crois bien qu’elles sont un signe naturel de leurs appetits, mais non pas un signe d’institution, comme les paroles ; Par exemple, ce n’est pas d’un consentement universel que les Loups ont accoustumé de hurler de telle ou telle sorte, d’y adjouster tant d’articles, et d’élancemens de voix, mais c’est que la Nature leur a imprimé certains sons, qui servent de marques à leurs appetits, et sont cognus non seulement des animaux de leur espece, mais encore des autres. […] Il n’est donc pas à propos de s’imaginer qu’ils le fassent par art ; mais il est bien à croire que si nostre Esope n’eust point eu de plus excellent sçavoir, que celuy qu’on luy attribuë d’avoir entendu le langage des bestes, nous ne serions pas maintenant en peine de luy servir de Mythologistes.
Ces paroles mirent en desordre Xanthus, qui toutesfois pour s’en servir comme d’une excuse envers sa femme ; « Ne vois tu pas », luy dit il, « que ce dequoy tu m’accuses n’est point ma faute, mais de celuy qui a apporté ceste viande ?
L’impertinente vanité du Corbeau sert d’exemple à une infinité de gents, qui se laissent miserablement affiner aux Flatteurs, pour adherer trop niaisement aux loüanges qu’ils leur donnent : car à force d’estre enyvrez par leurs complaisances, ils prennent une opinion si excessive de leurs propres merites, qu’il leur est fort mal-aisé de se recognoistre.
Toutes les raisons mises cy-devant, et tournées au sens contraire, peuvent servir à ceste verité, à sçavoir, que la forte complexion fait les hommes genereux, et entreprenants ; que l’exercice rend le sang meilleur, que la sobrieté de l’enfance se confirme en l’aage avancé ; et bref, qu’une jeunesse qu’on ne flatte point est capable de toute Vertu.
Ce qui nous apprend que les hommes qui s’ayment par trop, et qui semblent faire gloire de mespriser autruy, enchantez par la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mesme, ne sont dans le monde que des Plantes inutiles, Dieu nous ayant fait naistre pour servir nostre Prochain, et l’assister charitablement.