Cela se prouve par toutes les inductions des choses crées ; par la commune opinion des hommes, par les proverbes, et par les raisons. […] Or cela ne se peut pas dire des richesses, qui sont le sujet de ce Discours, pource que la jouyssance en est materielle, et partant, selon nostre opinion, l’excez en peut estre vicieux. […] Elle ne craint ny le feu, ny l’eau, ny les tortures : Sa nature est au dessus de toute souffrance corporelle : rien ne la peut subvertir que le Peché, ce qui est non seulement une opinion du Christianisme, mais encore de la Philosophie Moralle, dont j’appelle à tesmoins les Peripateticiens, le Maistre desquels a mis l’Ethique au plus haut poinct où puisse arriver ceste Science dans l’opinion des hommes.
Si le plus aggreable fruict de l’amitié consiste en sa durée, quelle perseverance doit-on attendre d’un faux Amy, qui change à tout coup d’opinions, et comment nous sera fidele celuy qui ne le fût jamais à personne ?
D’ailleurs, selon la maxime des Philosophes, une chose est maintenuë par les mesmes causes dont elle est produite, puis que la conservation est une maniere de seconde production ; Or le commencement ou la source des Republiques, c’est la sincerité d’autant que toutes les fois que deux ou trois mesnages s’assemblent en mesme lieu, et en mesme façon de vivre, il faut que ce soit, pource qu’ils se fient les uns aux autres, et qu’ils n’ont pas mauvaise opinion de ceux avec qui ils entrent en societe ; autrement ils se fuyroient comme ennemis, au lieu de se rechercher comme freres.
Mais il y en a un nombre presque infiny d’autres, qui se meslent de contre-faire les plus relevez de condition, pour imprimer en l’ame des Peuples une pareille opinion de leur credit et de leur puissance. […] A cela sont sujets entre les autres les mauvais Poëtes, qui recitent leurs Poëmes apres ceux dont ils ne sont qu’aprentifs : Les ignorants Peintres, qui opposent leurs peintures à celles de Michel l’Ange, ou du Titian : Les inutiles Autheurs, qui n’ont pour but que la vaine gloire, et une infinité d’autres Esprits que la bonne opinion d’eux-mesmes met quelquesfois aussi bas, qu’ils se croyent bien hautement eslevez.
Il luy trouve le poux émeu de vengeance, ou de haine ; il le cognoist enflammé de passion, ou rafroidy dans l’amour des choses honnestes ; Et toutes-fois au lieu de luy conseiller celles qui luy sont proffitables, il adhere lâchement aux opinions de son Malade, et crainct plustost de le mettre en colere.
En mesme temps se sentant poursuivy des chiens, il se jetta dans une forest espaisse, où ses cornes se prirent aux branches d’un arbre, et ce fut alors, que se dédisant de son opinion, il se mit à loüer ses jambes, et à blasmer ses cornes, qui avoient esté cause de sa prise.
Car soit que nous soyons coûpables, ou qu’ils ayent conçeu quelque fausse opinion de nous, tant y a qu’ils se plaisent quelquesfois à destruire leur propre ouvrage.
La mesme chose arriva, mais plus effroyablement, en la personne de ce fameux Docteur, que toute l’Université de Paris reputoit pour sainct personnage, et qui toutesfois, Dieu le permettant ainsi, se leva du cercueil par trois fois, pour publier sa condemnation, et des-abuser luy-mesme les hommes de l’opinion qu’ils avoient de sa saincteté.
Encore que la pluspart des choses nous devienne precieuse par l’opinion, et que nous desirions ardamment la possession d’un bien, plustost que d’un autre, pour estre plus sortable à nostre inclination, ou, possible, plus rare, et plus difficile à rencontrer : si est-ce qu’en chaque sujet il ne laisse pas d’y avoir un prix veritable ; que nous y mettons, ou selon l’excellence de la chose, ou selon la necessité que nous avons de nous l’acquerir.
L’Asne cependant s’alla imaginer que c’estoit à cause de luy qu’il fuyoit, et persuadé par ceste bonne opinion de soy mesme, il se mit à courir apres ; et comme il l’eust poursuivy si loing, que le Lion ne devoit plus craindre le chant du Coq, ne pouvant l’ouyr ; cét Ennemy, qui fuyoit naguere, retourna sur ses pas, et le devora. « Miserable et insensé que je suis !
C’est cela mesme qui les rend querelleux en compagnie, pource qu’ils veulent imprimer une opinion de leur fierté, et prevenir les esprits des hommes avecque le son des paroles hardies, ce qu’ils ne font neantmoins que lors qu’ils se voyent en estat d’estre empeschez, ou separez, si d’avanture des outrages il en falloit venir aux mains.
Ce qui estant hors de doute en l’opinion de tout le monde, ce seroit destruire la nature du don que de le rendre forcé ; et par consequent, il est permis d’inferer qu’une cession contraincte n’est pas un present, et que la chose ainsi cedée est encore de nostre legitime possession.
Car la confusion qui suit les pompes de ces gents-là, est partagée à ceux qui les ont causées, ou qui ont pris la moindre part à leur intelligence ; Et comme en matiere d’opinions, il ne faut pas se laisser charmer aux specieuses maximes, mais rechercher la solide verité, et choisir plustost à dire les choses vrayes, que les subtiles ; De mesme aux amitiez que nous voulons establir, il ne faut pas tant donner à l’esclat et à la monstre exterieure, qu’à la vraye et parfaite vertu de l’ame.
La source, à mon advis, en est tirée de bien plus loing, à sçavoir de la Metempsicose de Pythagore, qui ayant publié par toute l’Italie, que les ames humaines passoient d’un corps à l’autre jusques à la fin des siecles, donna sujet à ceste opinion, et fist croire à beaucoup de gents, que les esprits vertueux avoient leur retraicte asseurée dans des corps aggreables et tranquilles, comme sont le Cygne, la Brebis, et quantité d’autres ; que les genereux ranimoient des Aigles ou des Lions, et que les Malicieux avoient à devenir Renards, les Voluptueux, Pourceaux, les Bien-advisez, Elephants, les Fideles, Chiens, les Ingenieux, Singes, et ainsi des autres ; Puis il disoit, que ces mesmes ames rentroient dans des corps humains, et revenoient faire une course en leur premiere lice, continüant de cette sorte jusqu’à l’entiere revolution des siecles, qu’ils appelloient la Grande Année, à sçavoir celle-là qui ramenoit les choses à leur premier poinct, et faisoit revenir en mesme estat, en mesme circonstance, et en mesme progrez toutes les actions de la vie. […] On dit que nostre Esope estoit de ceste opinion, et qu’il étoit l’homme de son temps qui sçavoit le mieux expliquer les voix des bestes, et les chants des oyseaux. […] Ce passage mesme de David, où il est dit que les Cieux racontent la gloire de leur Createur, peut contribuër à ceste opinion, avec une infinité d’autres preuves tirées de l’Escriture. […] Mais c’est trop nous arrester à la preuve de ceste opinion. […] D’ailleurs, il estoit à propos d’aller au devant de l’opinion de ceux, qui pouvoient dire qu’Esope n’eust jamais fait debitter ses moralitez à des animaux reptiles, volatiles, et quadrupedes, s’il ne les eût creu capables de raisonnement.
Que si l’on me dit que c’est ruyner une veritable amitié, à cela je respondray, que les vrayes amitiez, comme dit Aristote, estant fondées sur l’opinion de la Vertu, l’on n’en sçauroit faire de veritable avec un Vicieux, et par consequent on n’en aura terminé qu’une fausse, qui n’est pas une action meschante ny malheureuse, mais plustost judicieuse et raisonnable.
Ceste Fable me met en l’esprit une opinion que j’ay presque tous-jours euë touchant les Anciens ; à sçavoir, que les plus sages d’entr’eux n’ont creu la pluralité des Dieux que par feinte, affin de s’accommoder à la brutalité du Peuple.
Conformément à cela les premiers Instituteurs de la Noblesse Françoise estoient bien de l’opinion d’Aristote et des Romains, quand ils mettoient la vraye vaillance à se hazarder à tous les perils où nostre profession nous appelle : mais ils croyoient que ces dangers estoient seulement reglez par le commandement du Prince et du General d’Armée ; c’est à dire, qu’il ne falloit hazarder sa vie qu’à la guerre, pour la deffence de sa Patrie, et pour le service de son Roy.
Mais je suppose qu’elle vive comme une Vestale, et que le Mary ne soit point jaloux ; tousjours est il travaillé d’une autre espece de douleur, à sçavoir de celle qui se fonde sur l’opinion : car il faudroit vivre en un siecle plus modeste que celuy-cy, ou dans une Republique de Lacedemone, pour n’estre point sujet à la calomnie. […] D’ailleurs, sa grande jeunesse opposée aux vieilles années de son Mary, entretient l’opinion de tout le monde, qui n’en peut avoir que de sinistres soupçons, à bien considerer la difference de leurs deux âges.
L’impertinente vanité du Corbeau sert d’exemple à une infinité de gents, qui se laissent miserablement affiner aux Flatteurs, pour adherer trop niaisement aux loüanges qu’ils leur donnent : car à force d’estre enyvrez par leurs complaisances, ils prennent une opinion si excessive de leurs propres merites, qu’il leur est fort mal-aisé de se recognoistre.
Ce qui nous apprend que les hommes qui s’ayment par trop, et qui semblent faire gloire de mespriser autruy, enchantez par la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mesme, ne sont dans le monde que des Plantes inutiles, Dieu nous ayant fait naistre pour servir nostre Prochain, et l’assister charitablement.
D’où l’on peut conclurre aisément, qu’il est moins pernicieux de manquer de parole aux Bons qu’aux Meschants, encore qu’à la verité ce soit une chose indigne d’un homme bien né de tomber en cét inconvenient envers qui que ce soit, si ce n’est d’avanture qu’il y ait un avantage si grand en cela, qu’il soit hors de toute proportion ; encore est-il necessaire, à mon opinion, qu’il se rapporte à la gloire de Dieu, ou à l’utilité publique.
Premierement elle s’advoüe moins noble à l’opinion du monde, que n’est la Mouche.
Car toute verité estant une, et par tout semblable à soy-mesme ; il faut necessairement qu’en une question de faict, de deux diverses opinions il y en ait tous-jours une de fausse, et que bien souvent toutes les deux le soient ensemble.
Ces paroles du Roy leur firent à l’instant changer d’opinion, et dire les uns aux autres, nous n’en sçavons rien, et n’en avons jamais ouy parler. « Tant mieux encore », adjoûta Esope ; « et s’il est ainsi, comme vous l’asseurez, vostre question est vuidée ».
Les voix et les opinions des hommes sont-elles quelque chose au prix des jugements de Dieu, qui agissent tous en faveur de la probité ?
Sur la vie de l’auteur, comme sur ses œuvres, ils ont émis les opinions les plus divergentes. […] Je ne saurais partager entièrement l’opinion de Scheffer. […] Le Peletier ne fit pas connaître l’opinion du savant attendu. […] Ici, malgré ma déférence pour l’auteur, je suis obligé de m’écarter de son opinion. […] Mais telle n’était pas l’opinion d’Orelli.
Les Poëtes nous ont judicieusement figuré ceste verité par la conqueste de la toison d’or où le Nautonnier Tiphis fût à leur opinion le premier de tous les hommes, qui osa se commettre à la mercy de la Mer, et fier à un peu de bois l’esperance de son salut.