On le queste, on le lance, il s’enfuit par un trou, Non pas trou, mais troüée, horrible et large playe Que l’on fit à la pauvre haye Par ordre du Seigneur ; car il eust esté mal Qu’on n’eust pû du jardin sortir tout à cheval.
Il renferme toujours son conte en quatre Vers ; Bien ou mal, je le laisse à juger aux Experts.
Certo io sarei da chi più mi conosce Tenuta pazza, se ciò far volessi, E lasciar le mie cose irsene a male, Attendendo a l’altrui con tanta noia.
Tu ne sçais donc pas, que si je pisse en marchant, je le fais exprés, pour éviter trois grands maux ? » « Quels maux ?
« Pource », respondit Esope, « qu’on a accoustumé de tirer le laict à la Brebis, et de luy tondre la laine, ce qui est cause qu’elle suit paisiblement, et se laisse prendre par les pieds, ne se doutant point qu’on luy vueille faire du mal, ny qu’elle doive rien endurer plus que l’ordinaire. […] Au contraire, oubliant à l’instant tout le mal que l’on luy peut avoir fait, elle applaudit à son Maistre, et le caresse de la queuë.
Il luy a dit luy-mesme ce qu’il falloit, pour l’asseurer, et luy a tesmoigné son mespris par la moderation de sa colere : En cela semblable aux grands courages, qui n’aspirent qu’aux vengeances malaisées, et ne se resolvent pas librement à tirer raison d’une personne lasche, et mal estimée. […] A cela se peut encore rapporter l’indifference d’Aristide, lors qu’un idiot de Villageois luy vint dire du mal de luy-mesme ; Et la patience de Cesar, et de Philippe de Macedoine, quand leurs ennemis les poursuivoient, avecques des livres diffamatoires, et des outrages publics.
Mais pour avoir couru trop viste, elle le froissa contre une pierre, dont il mourut : Comme au contraire, cét autre qu’elle portoit sur ses espaules, et qui luy estoit indifferent, s’échappa sans recevoir aucun mal. […] N’est-ce point leur vouloir du mal que de leur rendre naturelles de si pernicieuses habitudes ; et ne peut-on pas bien dire avecque le doux Bertaud, C’est hayr que d’aymer ainsi.
Si elle s’attache donc simplement à l’action, celle-cy estant mauvaise, ne doit faire rougir que son Autheur, et non pas l’Innocent qu’on a mal traitté. […] Quel si grand mal y a-t’il en une offence, qu’un homme bien Vertueux n’en puisse digerer d’avantage ? […] Mais Esope fournit bien une autre raison aux Courages Vertueux, pour leur servir de consolation, quand les Meschants les affligent ; C’est qu’il feint la Perdrix mesme mal traittée par les Coqs, en leurs contentions mutuelles, d’où il luy fait prendre sujet de s’appaiser.
» Cette fable montre qu’il faut se garder particulièrement de ceux qui ne craignent pas de faire du mal même à leurs proches.
Alors le loup reprit : « Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t’en mangerai pas moins. » Cette fable montre qu’auprès des gens décidés à faire le mal la plus juste défense reste sans effet.
Cette fable peut s’appliquer aux envieux qui consentent à souffrir eux-mêmes des maux qu’ils font.
Quant au principal but qu’Esope se propose, J’y tombe au moins mal que je puis.
Un homme pauvre, étant malade et mal en point, promit aux dieux de leur sacrifier cent bœufs, s’ils le sauvaient de la mort.
Ainsi la calomnie de si meschants valets paroissant à découvert aux yeux de leur Maistre, il commanda qu’ils fussent dépoüillez tous nuds, pour estre foüettez ; Et ce fust alors que l’experience leur fit cognoistre la verité de ce bon mot, que tel veut faire du mal à autruy, qui s’en fait à soy-mesme sans y penser.
Or outre le mal qui nous vient de ne croire un bon amy, qui nous conseille fidellement, il en arrive souvent un autre plus considerable que celuy-là, à sçavoir, que nous perdons presque tousjours l’amitié de celuy qui entreprend de nous exhorter, à cause que se voyant si peu digne de creance envers nous, il se rebutte aisément de nostre praticque, et ne peut souffrir la plus part du temps que nous le tenions pour suspect en sa veritable affection.
Tu as raison, luy respondit le Paysan, mais la Colombe que tu poursuyvois n’aguere ne t’avoit point fait de mal aussi.
Le Cerf se mirant dans une claire fontaine, prenoit plaisir à loüer ses grandes cornes, comme au contraire il se vouloit mal d’avoir les jambes si gresles et si deliées.
ce peuple qui se pique D’estre le plus subtil des peuples d’aujourd’huy, A si mal entendu la volonté suprême D’un testateur !
Mespreiser ne deit nul sun dreit, si ceo n’est mal, ki k[e]’il seit.
Quant au banquet des deux Rats, il est tout évident qu’il ne signifie autre chose, que le parfaict avantage, qu’a une tranquille pauvreté sur une richesse mal asseurée, telle qu’ordinairement elle se rencontre dans les Cours des Grands, et dans les affaires publiques. […] Que si l’on m’objecte que ses delices sont moins precieuses, moins cheres, et plus mal assaisonnées, je l’advoüeray ; mais aussi sont-elles plus seures et plus naturelles.
Mais pour response à ces objections, la Fourmy disoit, que pour son particulier elle se contentoit fort de son extraction, qui n’estoit pas si vile que la Mouche la faisoit ; qu’une demeure arrestée luy plaisoit autant qu’à elle une façon de vivre inconstante, et mal asseurée ; que les grains de bled dont elle se nourrissoit, et l’eau des fontaines, luy sembloient d’aussi bon goust, qu’à son ennemie ses pastez et ses vins delicieux ; qu’au reste elle joüyssoit de tous ces biens par un honneste travail, et non par une infame paresse. […] Elles aboutissent toutes deux à conclurre qu’une honneste mediocrité joincte au repos et à l’asseurance, est preferable aux pompes et aux richesses mal establies.
Mais si laissant à part toutes ces Histoires, qui sont si fameuses dans l’Antiquité, nous en voulons alleguer de plus recentes ; Où trouvera t’on de fortune plus diversement meslée de bien et de mal que celle de l’Empereur de Trebizonde, de Bajazet, de Solyman, de François I. de Charles V. et de plusieurs autres ? […] Cela nous apprend à souffrir patiemment nos afflictions par l’espoir d’une future prosperité ; et à n’estre si altiers par la jouyssance des biens presents, que de n’apprehender pas les maux à venir : C’est à quoy nous convie le sage Esope, par l’exemple de ce Cheval temeraire et presomptueux, qui dés le lendemain de son triomphe, fût attaché à la charruë, et assujetty aux risées de l’Asne, qu’il avoit si fort mesprisé le jour precedent.
Cela n’est pas mal imaginé, luy répondit le Lion ; Mais si les Lions avoient des Sculpteurs et des Peintres comme les hommes en ont, tu verrois en peinture, et en marbre beaucoup plus d’hommes étouffez par des Lions, que tu ne verrois de Lions étouffez par des Hommes. […] Il faut donc, s’il veut dire le vray, qu’il s’adonne à raconter des choses indifferentes ; Et en ce cas là, outre qu’il peut estre mal adverty, on luy demandera tous-jours de qui il tient ces memoires, et trouvera-t’on à la fin qu’ils viennent ordinairement de personnes amies ou ennemies : veu que les indifferentes ne se peineroient pas beaucoup pour s’en instruire.
Ce fût pour cela qu’un ancien Roy, à qui l’on vint rapporter qu’il avoit esté trompé d’une grande somme de deniers par un Cretois, voulant monstrer à ce Perfide, que ce mal luy estoit advenu par une lascheté naturelle, « Il a fait le Cretois », dit-il, « et j’ay fait le Roy ».
Mais laissons pour le present ces monstrueux exemples d’Avarice, et venons au remede du mal, apres en avoir monstré l’extremité. […] Nous les rencontrons tous-jours dans les ruës tous debiffez et mal propres, s’ils sont de condition d’estre bien vestus ; à pied, s’ils sont de qualité d’aller en carrosse ; mal suivis, si leur naissance merite des Pages ; bref, il n’y a rien de si contemptible que le train de leur vie, rien de si chetif que leur habillement, rien de si mal en ordre que leurs maisons. […] Car plus il possedera de richesses, et plus il aura de compte à rendre, s’il les employe mal.
Et le loup mal en point dit : « Je l’ai bien mérité ; car pourquoi, ayant appris de mon père le métier de boucher, ai-je voulu, moi, tâter de la médecine ?