Or encore que ce blasme touche generalement les hommes, et qu’ils s’attribuënt l’honneur de toutes leurs entreprises, au lieu de le donner à Dieu, qui est la vraye source et la legitime cause de tout ce qu’il y a de bien et d’honneste dans le monde ; Encore, dis-je, qu’ils soient tachez presque tous de ceste orgueilleuse espece d’ingratitude, si est-ce qu’il y en a qui s’y portent d’une inclination particuliere, et dérobent artificieusement l’estime des autres pour se la transferer. […] Quand on n’en use pas ainsi, on redouble sa honte, au lieu de grossir son estime : on sert de risée à ceux qu’on demande pour admirateurs : bref, on passe pour plus impertinent que la Mouche d’Esope, qui se vante d’avoir fait toute la poussiere de la lice.
La vipère ayant remporté la victoire leur adressa des reproches : elles avaient, disait-elle, promis de combattre avec elle, et, pendant la bataille, au lieu de la secourir, elles n’avaient fait que chanter.
C’est pourquoy l’Ours de ceste Fable, au lieu de dire à l’oreille du Voyageur, ne t’accompagne plus d’un tel Amy, eût eu plus de raison de luy donner ce conseil ; ne t’accompagne de personne sous l’esperance d’en estre aymé. […] Or pour revenir à nostre moralité, il y a quelque chose en ceste Fable, qui ne s’accommode pas bien à l’experience de nostre siecle : car au lieu de nous representer l’infidelité de quelqu’un, qui dans les ennuys de la pauvreté, du bannissement, ou de la disgrace d’un Prince, delaisse ingrattement celuy qu’il se vante d’aymer, Esope nous rapporte icy l’exemple d’un homme, qui abandonne son Amy dans le peril de la mort ; ce qui doit estre plustost imputé à peur, qu’à perfidie.
D’ailleurs, selon la maxime des Philosophes, une chose est maintenuë par les mesmes causes dont elle est produite, puis que la conservation est une maniere de seconde production ; Or le commencement ou la source des Republiques, c’est la sincerité d’autant que toutes les fois que deux ou trois mesnages s’assemblent en mesme lieu, et en mesme façon de vivre, il faut que ce soit, pource qu’ils se fient les uns aux autres, et qu’ils n’ont pas mauvaise opinion de ceux avec qui ils entrent en societe ; autrement ils se fuyroient comme ennemis, au lieu de se rechercher comme freres.
Il luy trouve le poux émeu de vengeance, ou de haine ; il le cognoist enflammé de passion, ou rafroidy dans l’amour des choses honnestes ; Et toutes-fois au lieu de luy conseiller celles qui luy sont proffitables, il adhere lâchement aux opinions de son Malade, et crainct plustost de le mettre en colere.
N’attendons de ce Sanglier irrité que des paroles, au lieu de sang. […] Car si elle estoit excessive, au lieu d’un contraste esgal entre les deux agents, ce seroit la soudaine destruction de l’un des deux : comme en un brasier allumé, si l’on n’y verse qu’une petite goutte d’eau, cela n’est pas capable de renforcer la violence du feu, à cause de la petitesse du sujet qu’on oppose à son activeté ; D’ailleurs si l’on y en jette une grande quantité, la flamme en sera bien-tost esteincte, au lieu de se reschauffer, n’étant pas capable de resister à une si forte oppression.
mon bel ami, reprit l’un d’eux, ce n’est pas à présent qu’il fallait dire cela, alors que cela ne sert plus à rien ; c’est quand il pouvait encore en profiter que tu devais lui donner ce conseil. » Cette fable montre que c’est au moment où ils en ont besoin qu’il faut prêter son aide à ses amis, au lieu de faire l’habile homme, quand leurs affaires sont désespérées.
Mercure, au lieu de donner celle-là, Leur en décharge un grand coup sur la teste.
Mais il arriva de bonne fortune, qu’Hermippus, qui lui avoit toujours esté ami, témoigna qu’il l’estoit encore à ce besoin, car au lieu de le mettre à mort, il le tint si bien caché dans un tombeau, où il le nourrit secrettement, que nul ne s’en apperçeut.
Jugez, je vous prie, si ce n’est pas une belle satisfaction à ces miserables, au lieu de treuver la recompense de leurs travaux, d’estre payez d’ingratitude, et de risée, et encore par la personne du monde, qu’ils ont le plus obligée.
» disoit-il en gemissant, « ceux que j’ay autresfois des-obligez, me font maintenant du mal, et je treuve qu’ils ont raison ; Mais ce qui me fasche le plus c’est que les autres à qui j’ay fait du plaisir, au lieu de me rendre le semblable, me hayssent, sans en avoir du sujet.
Car ces Ambitieux au lieu de demeurer arbitres, comme ils en avoient esté maintes-fois requis, usurperent les propres biens dont ils ne devoient estre que les Juges.
puis qu’au lieu de rechercher ardemment les occasions d’obliger, elles se divertissent au contraire à faire du mal, et rendent à leurs Prochains des déplaisirs qu’ils ne pourront jamais reparer.
Le Loup contemploit du haut d’un Rocher deux Chiens, qui au lieu de se tenir en paix prés du troupeau qu’ils avoient en garde, s’entre-battoient, et se deschiroient à belles dents.
Le Renard se voulant sauver du danger qui le menaçoit, sauta sur une haye, qu’il prit à belles pattes, avec que tant de malheur, qu’il se les perça d’espines Comme il se veid ainsi blessé, tout son recours fût aux plainctes. « Perfide Buisson », dit-il, « je m’estois retiré vers toy, pensant que tu m’ayderois ; mais au lieu de le faire, tu as rendu mon mal pire qu’il n’estoit ». « Tu t’abuses », luy respondit le Buisson, « car c’est toy-mesme à qui rien n’eschappe, qui m’as voulu prendre par les mesmes ruses que tu pratiques envers les autres ».
Mais au lieu de le delivrer, ils le mirent en prison, pour avoir, disoient-ils, commis un sacrilege bien manifeste ; et d’une commune voix ils le condamnerent à mourir.
Car de dire que ce fût une haute resolution d’aymer mieux mourir que souffrir un Tyran, c’est ce qu’on ne peut alleguer pour sa deffense, veu que s’il avoit à se precipiter à une mort certaine, pour ne voir le Peuple Romain en subjection, il le pouvoit faire beaucoup mieux du temps de Cesar, au lieu de changer foiblement de party, et se laisser conduire à la bonne fortune du Vainqueur.
Car les hommes, au lieu de ne s’appliquer qu’à la juste loüange qui est deuë à l’action de mediocrité, pource que la Vertu ne consiste qu’en elle seule, ont outre passé le poinct du milieu, et sont venus à loüer l’extrême, non pas celuy qui demeure au deçà de la mediocrité, mais cét autre, qui s’estend au delà de ses limites.
Ce qui doit asseurément obliger les hommes, non seulement à ne point mespriser ceux qui semblent imparfaicts, mais encore à estre contents de leur condition, et à remercier Dieu des biens qu’ils possedent, au lieu de se plaindre de ceux qu’ils n’ont pas.
Un enfant déroba à l’école les tablettes de son camarade et les apporta à sa mère, qui, au lieu de le corriger, le loua.
Il n’eust pas cheminé long-temps dans une affreuse solitude, où il s’estoit lancé, qu’il veid venir à luy un Lion d’excessive grandeur, mais si peu furieux, qu’au lieu de le menacer avec un terrible rugissement, il sembloit tout au contraire luy faire des submissions, et le flatter doucement avec une action de suppliant, jettant de temps en temps de hauts cris, qui tesmoignoient apparemment une douleur excessive.
Mais quant aux desseins des hypocrites, qui sous un pretexte de probité n’aspirent qu’à la richesse et à l’interest, nous ne devons point douter que Dieu ne se mocque de leur fausse apparence, et qu’il ne prenne soin de les chastier, au lieu de répandre sur eux ses benedictions.
Les Livres sont des amis qui ne trompent point ; on y peut voir l’Image de la Verité, que les hommes vivants ne nous transmettent qu’à travers des rideaux : c’est là qu’il est raisonnable de s’exprimer, au lieu de faire comme le Corbeau, qui se persuade non seulement d’estre blanc, mais encore de bien chanter, et laisse tomber la proye en la gueule de son flatteur.
MONSEIGNEUR, Je devrois craindre sans doute, de choquer la bien-seance ; et par la hardiesse que je prends d’aborder vostre Personne, sans avoir l’honneur d’en estre connu ; pour le peu d’apparence qu’il y a, qu’au lieu de quelque Histoire serieuse, je vienne vous presenter un Livre de Fables.