Du Singe, et du Renard. Le Singe voulant persuader au Renard de luy donner une partie de sa queuë, pour en couvrir son derriere, luy fit entendre que cela l’incommodoit par trop, au lieu que pour son regard il en tireroit ensemble de l’honneur, et du profit. Mais le Renard luy dit pour response, qu’il n’en avoit point plus qu’il ne luy en falloit, et qu’il aymoit beaucoup mieux baleyer la terre de sa queuë, qu’en couvrir les fesses d’un Singe. […] Quant au refus que le Renard fait au Singe de la moitié de sa queuë, on le peut interpreter en deux façons, à bien, et à mal, et de toutes les deux il est aisé d’en tirer de l’instruction.
Le Renard ayant la queuë coupée. Un vieux Renard, mais des plus fins, Grand croqueur de Poulets, grand preneur de Lapins ; Sentant son Renard d’une lieuë, Fut enfin au piege attrapé.
Du Renard, et du Leopard. Le Renard, et le Leopard, disputoient ensemble de leur beauté. Ce dernier loüoit hautement sa peau tachetée de diverses couleurs ; Ce que le Renard ne pouvant dire dire de la sienne, ny la preferer par consequent à celle du Leopard ; « J’advoüe », luy dit-il, « que tu as quelque raison de ce costé-là ; mais en recompense, l’advantage que j’ay sur toy, qui n’est pas petit, c’est d’avoir l’esprit madré, et non pas le corps ».
Le Loup plaidant contre le Renard pardevant le Singe. […] Un Renard son voisin, d’assez mauvaise vie, Pour ce pretendu vol par luy fut appellé. […] Aprés qu’on eut bien contesté, Repliqué, crié, tempesté, Le Juge instruit de leur malice, Leur dit : Je vous connois de long-temps, mes amis ; Et tous deux vous payrez l’amende : Car toy, Loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ; Et toy, Renard, as pris ce que l’on te demande.
Du Lion, et du Renard. Le Lion devint malade une fois, et fût visité de toutes les autres bestes horsmis du Renard. […] A tous ces termes de compliment, le Renard ne fit point d’autre response, sinon qu’il luy souhaittoit un recouvrement de santé, et que pour cét effet il prieroit les Dieux immortels ; Mais que pour le demeurant, il luy-estoit impossible de l’aller trouver, pource, disoit-il, que je ne puis voir qu’à regret les traces des animaux qui t’ont visité ; Car il ne s’y en remarque pas une qui soit tournée en arriere, et qui ne regarde ta caverne. […] Il n’y a que le seul Renard de sage : il n’y a que luy de judicieux. […] Or d’autant que cela dépend de la prudence, et que ceste Vertu n’a pas tous-jours des regles certaines, joinct que dans les divisions de la Moralle, on ne peut donner des instructions pour ce qui est d’examiner les fourberies ; il me semble que pour les éviter, il doit suffire à l’homme bien advisé, de prendre soigneusement garde aux actions de ceux qu’il soupçonne, y procedant de telle sorte qu’à la maniere du Renard, il s’embarrasse avec eux le moins qu’il pourra, principalement en visites, et en compliments.
Le Coq et le Renard. […] Frere, dit un Renard adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Paix generale à cette fois. […] Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire.
Du Renard, et du Loup. Le Renard tombé dans un puits, en danger d’estre noyé, pria le Loup, qui estoit en haut, de luy jetter une corde, pour le retirer de ce peril. « Pauvre malheureux ! […] » « Ce n’est pas maintenant le temps de jaser », repliqua le Renard : « quand tu m’auras tiré d’icy, je te raconteray le tout par ordre ».
Le Renard, le Singe, et les Animaux. […] Le Renard seul regretta son suffrage ; Sans toutefois montrer son sentiment. […] Le Renard dit au nom de l’assistance : Pretendrois-tu nous gouverner encor ; Ne sçachant pas te conduire toy-même ?
Le Renard et le Bouc. […] Après qu’abondamment tous deux en eurent pris, Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous compere ? […] Le Renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous luy fait un beau sermon Pour l’exhorter à patience.
Du Renard, et des Raisins. Le Renard ayant découvert quelques grappes de Raisins, qui commençoient à meurir, eust envie d’en manger, et fit son possible pour en avoir. […] C’est la feinte qu’Esope attribuë à son Renard, qui ne pouvant manger des Raisins, disoit qu’ils n’estoient pas encore meurs.
Le Corbeau et le Renard. […] Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flateur Vit aux dépens de celuy qui l’écoute.
Du Renard, trahy par le Coq. Le Renard avoit tué beaucoup de Poules à un Paysant, qui pour se venger tendit des lacs, et le prit. […] Comme en effect, il courut droit à son Maistre, et luy dit, que le Renard estoit pris. […] Jamais il ne faut attendre de bons offices des personnes que nous avons des-obligées, comme dit fort à propos le Renard dont il est question.
De la Grenoüille, et du Renard. […] Les autres bestes la creurent d’abord, horsmis le Renard, qui se mocquant d’elle ; « Comment se peut-il faire », dit-il, « que cette Villaine qui a la bouche si pasle et si livide, sçache des remedes aux maladies ? […] » En effet, ce trait de raillerie que luy donna le Renard, ne fut pas mauvais : car la Grenoüille a les lévres de couleur bleüe, et toutes flestries. […] Car la Grenoüille y est mocquée par le Renard, de ce qu’elle s’attribuë une gloire qui ne luy est aucunement deuë, et veut passer parmy les autres bestes pour tres-sçavante en la Medecine. […] Mais je me contente d’en avoir touché quelque chose cy dessus, et prenant l’affaire par un autre biais, il me suffit de m’arrester à la response du Renard, qui conseille à la Grenoüille de se guerir elle-mesme de la déformité de ses lévres pasles et livides.
Du Renard, et des Chasseurs. […] Le Bucheron luy monstra donc sa petite loge, où le Renard entra tout incontinent, et s’alla cacher en un coing. Cependant voylà venir les Chasseurs, qui demanderent au Bucheron s’il n’avoit point veu le Renard. […] Le Renard sortit en mesme temps du logis, sans rien dire au Bucheron, qui le blâma de ceste incivilité, luy reprochant qu’il luy avoit sauvé la vie, et que neantmoins il s’en alloit, et ne l’en remercioit point. Mais le Renard qui l’ouyt, luy respondit de fort bonne grace en se retournant, « Hola, mon amy, je n’aurois eu garde de m’en aller, comme tu dis, sans te remercier, si ta main, tes actions, tes mœurs, et ta vie, eussent esté semblables à tes paroles ».
Du Singe, et du Renard. En une assemblée que firent jadis les bestes sauvages le Singe sauta si joliment, qu’il fust creé Roy, presque par le consentement de toute la compagnie Mais le Renard envieux de cette nouvelle dignité s’avisa de le mener en une fosse, où il venoit de remarquer un lopin de chair attaché à des lacs ; Comme il le vid tout auprés ; « tu sçais bien », luy dit-il, « que les thresors appartiennent aux Roys. […] Le Singe, sans marchander d’avantage, creut le Renard, et entra follement dans la fosse, où il tomba aussi-tost dans les pieges. Comme il se sentit pris, et trompé si vilainement, il se mit fort en colere, et en imputa toute la faute au Renard, qui sans s’esmouvoir autrement de ses paroles : « O pauvre fol », luy dit-il de fort bonne grace, « qu’avecque peu de raison tu as crû meriter un empire sur autruy, puis que tu n’as sçeu commander à toy-mesme ». […] Il feint donc que le Singe est creé Roy par les autres animaux, à cause de la gentillesse de ses gambades : puis il assujettit ce nouveau Roy aux malicieuses finesses du Renard, qui le fait le joüet de tout son Peuple.
De l’Aigle, et du Renard. […] L’Aigle bâtist donc son nid sur un haut arbre, auprés duquel le Renard fit sa terriere, et mit ses petits dedans. […] Alors les poussins de l’Aigle, qui ne pouvoient encore voler, sentans l’ardeur de la flamme, se laisserent cheoir à terre, où toutesfois ils ne furent pas long-temps : car le Renard, qui estoit en bas, se jetta sur eux incontinent, et les engloutit en la presence de leur mere. […] Nous l’avons veuë, il n’y à pas long-temps, joüer le rolle d’un Prince genereux, mais trop confiant, qui se laisse decevoir aux conseils d’autruy ; et nous la voyons maintenant tromper le Renard, avec qui elle avoit juré une estroicte confidence. […] Aussi voyons-nous, que la vengeance suit incontinent son peché, et que les cris du Renard esmeuvent la colere des Dieux.
Du Loup, et du Renard. Le Loup ayant fait des provisions pour un assez long-temps, menoit une vie oysive, quand le Renard qui s’en apperçeut le fût visiter, et luy demanda la cause de son repos. […] Ce procedé du Loup dépleut au Renard, qui bien fasché de n’estre venu à bout de ses intentions, s’addressa finement à un Berger, et luy conseilla de s’en aller à la taniere du Loup, l’asseurant qu’il luy seroit facile d’accabler cét ennemy, pource qu’il ne se doutoit de rien, et ne se tenoit point sur ses gardes. Le Berger s’en alla donc assaillir le Loup, et fit si bien qu’il le tua, tellement que par cette mort le Renard demeura Maistre, et de la taniere, et de la proye. […] Mais ce Traistre ne porta guere loing la peine de son forfaict, non plus que l’infidele Renard ; Car il fût puny de la façon qu’il le meritoit, et se trouva compagnon de la disgrace qu’il avoit procurée.
Le Renard et la Cicogne. […] Il luy falut à jeun retourner au logis ; Honteux comme un Renard qu’une Poule auroit pris, Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Du Renard, et de la Cigongne. Le Renard ayant invité la Cigongne à souper, versa sur la table tout ce qu’il avoit de viande ; Mais d’autant qu’elle estoit liquide, la Cigongne n’en pouvoit prendre avec son long bec : si bien que le Renard la mangea toute. Elle cependant se retira honteuse et faschée ensemble, de se voir ainsi trompée ; Toutesfois pour en avoir sa revenche, elle retourna quelques jours apres, et convia son hoste à disner : Elle luy servit donc quantité de bonnes viandes dans un grand bocal de verre ; Mais pource que l’entrée estoit fort estroicte, le Renard en eust seulement la veuë, et n’en peût jamais gouster : comme au contraire, il fut bien aisé à la Cigongne de tout manger. […] Te crois-tu si remply de finesse, ô fallacieux Renard, que de pouvoir tromper impunément les gents accorts, sans courir fortune d’estre toy mesme affiné ?
Du Renard, et du Bouc. Le Renard et le Bouc ayans grande soif descendirent dans un Puis, où quand ils eurent bien beu, il ne fût plus question que de s’en tirer. Le Bouc en estoit des-jà fort en peine, et regardoit de tous costez, lors que le Renard luy dit ; « Prends courage, mon bon amy, je viens de m’adviser d’une invention, par le moyen de laquelle nous pourrons tous deux sortir d’icy ? […] Le Bouc creut ce conseil, et executa de poinct en poinct tout ce que luy dit son Compagnon, si bien que par ce moyen le Renard sortit. […] Mais le Renard se mocquant de luy ; « ô pauvre Bouc », luy dit-il, « si tu avois autant de sens dans la teste, que tu as de barbe au menton, tu ne fusses jamais décendu dans le Puits, que tu n’eusses premierement bien pensé aux moyens d’en sortir ».
De la Belette, et du Renard. Le Renard tout amaigry de faim, entra fortuitement dans un clos à blé par une ouverture fort estroicte, d’où pensant sortir apres s’estre bien soulé, il ne le pût faire, à cause que son ventre l’en empescha, pour estre un peu trop enflé. […] Car ce Renard, qui entre fort aisément par l’ouverture d’une cloison, quand il a le corps déchargé de graisse, que peut-il signifier plus à propos, si ce n’est que l’acquisition de la science n’est pas mal-aisée aux personnes deliées, et déprises de toutes voluptez superfluës. […] Au contraire, pour revenir à la seconde partie de la Fable, le Renard dés qu’il s’est enflé le ventre, ne peut repasser par la mesme ouverture par où il avoit passé auparavant ; Nous enseignant par là, qu’aussi-tost que nos esprits sont abestis apres les voluptez, et qu’ils s’abandonnent à l’excés des convoitises corporelles, avec ce que tous leurs mouvements sont retardez, leur vivacité se diminuë, et se tourne en une importune pesanteur.
Le Renard et les Raisins.