Marie de France, n° 44 La femme et son amant D’un vilein cunte que gueita dedenz sun hus, si espia. Un autre humme vit sur sun lit, od sa femme fist sun delit. […] » Dunc li ad la femme respundu : « Quei avez vus, beau sire amis ? » — « Un autre humme, ceo m’est avis, sur le lit vus tint embracee. » Dunc dis la femme tut curucee : « Bien sai », fet ele, « n’en dust mie, que ceo est vostre vielle folie ; tu vels mençoinge tenir a veire. » — « Jel vi », fet il, « sil dei bien creire. » — « Fous es », fet ele, « si tu creiz pur verité quan que tu veiz. » As mains le prent, od li l’en meine a une cuve d’ewe pleine ; dedenz la cuve le fist garder. […] Chescun deit meuz creire e saver ceo que sa femme li dit pur veir, que ceo que cis faus oilz veient, que par veüe le foleient. » Par cest essample nus devise que [mult] meuz vaut sen e quointise e plus aïde a meinte gent que sis aveirs ne si parent.
La Femme noyée. Je ne suis pas de ceux qui disent, Ce n’est rien ; C’est une femme qui se noye. […] Ce que j’avance icy n’est point hors de propos ; Puisqu’il s’agit dans cette Fable D’une femme qui dans les flots Avoit fini ses jours par un sort déplorable, Son Epoux en cherchoit le corps, Pour luy rendre en cette avanture Les honneurs de la sepulture. […] Ce mary donc leur demandant S’ils n’avoient de sa femme apperçu nulle trace ; Nulle, reprit l’un d’eux ; mais cherchez-la plus bas ; Suivez le fil de la riviere.
Marie de France, n° 25 La femme qui fit pendre son mari De un humme cunte li escriz que mort esteit e enfuïz ; sa femme demeine grant dolur [de]sur sa tumbë nuit e jur. […] La prude femme l’esgarda, grant joie fist, si li otria que ele fera sa volenté. […] La prude femme li respundi : « Desfuium mun barun d’ici, puis sil pendum la u cil fu : si n’ert jamés aparceü.
Xanthus fait un present d’Esope à sa femme. […] Comme s’il n’estoit pas bon à voir, que vous me dédaignez, et que vous voulez avoir une autre femme que moy. […] » repartit Esope, « Tu t’arrestes donc à l’amour d’une femme » […] A ces mots, Esope frappant du pied. « O Dieux », s’écria-t’il, « le Philosophe Xanthus se laisse gouverner par sa femme ! […] A ces mots, la femme de Xanthus ne sçachant que répondre, et n’y pouvant contre-dire, elle se tourna vers son Mary, pour luy demander où il avoit pris ce beau gibier ?
Quelques jours apres, Xanthus voyant qu’il ne pouvoit fléchir sa femme, ny faire sa paix avec elle, si fort elle estoit fâchée, luy envoya quelques uns de ses Alliez, pour l’obliger à revenir au logis. […] Ce qui fit qu’Esope s’adressant à luy : « Seigneur », luy dit-il, « tu ne te fâcheras point, si tu me veux croire, Car je sçay le vray moyen de faire en sorte, que demain avant qu’il soit nuict, ta femme revienne icy bien viste, et de son bon gré ». […] Le valet ayant appris ces belles nouvelles, laissa là Esope, et monté qu’il fût en la chambre, il fit sçavoir à la femme de Xanthus, ce que l’autre venoit de luy dire. Ce ne fust pas sans une grande émotion, qu’elle reçeut ce message, qui luy donna si fort l’allarme, qu’en mesme temps elle courut droit à son Mary, et se mit à crier bien fort contre luy, disant entr’autres choses : « Je ne sçay pas comme tu l’entends, mais je suis bien asseurée, ô Xanthus, qu’il ne t’est pas loisible de te marier à une autre femme durant ma vie ». Voylà quelle fut l’invention d’Esope, qui trouva moyen de rappeller en la maison la femme de Xanthus, comme auparavant il l’avoit aussi trouvé, pour l’en faire sortir.
Marie de France, n° 73 Le mulot qui cherche à se marier Jadis fu [si] enorguilliz li mulez, que resemble suriz, qu’il ne voleit en sun parage, en sun semblant, en sun lignage femme quere, qu[e]’il preisist ; jamés n’avera femme, ceo dist, s’il ne la treve a sun talent. […] Li venz respunt : « Tu as failli ; femme n’averas pas ici. […] Unc[es] ne le poi depescer ne par vent[er] afiebl[i]er ; e me rebut si fort ariere que n’ai talent ke le requere. » Li mulez li respundi tant : « De ta fille n’ai dunc talant ; ne dei plus bas femme choisir que a mei ne deie apurtenir ; femme prendrai a bon eür. […] Ja ne saveras si luinz aler que tu puisses femme trover que meuz seit a tun ues* eslite ke la suricette petite. » Issi avient as orguillus, as surquidez, as envïus, que requerent qu’il ne devereient : la revertent* u ne vodreient.
D’un Homme qui avoit deux femmes. […] Si nous avons une parfaitte asseurance de la chasteté d’une femme, les autres ne sont pas d’humeur à le croire. […] Car, ou ils aiment leurs femmes, ou ils ne les aiment point aprés le mariage. […] Cela estant, ô la glorieuse action que d’épouser une femme qu’on aime passionnément ! […] D’ailleurs, quelle peine ne nous donnera point une telle femme, par des soupçons tous-jours violents, et la pluspart du temps legitimes ?
L’Yvrogne et sa femme. […] Un jour que celui-cy plein du jus de la treille, Avoit laissé ses sens au fond d’une bouteille, Sa femme l’enferma dans un certain tombeau. […] ma femme est-elle veuve ?
Marie de France, n° 45 Encore la femme et son amant D’un autre vilein voil [i]ci cunter quë od s femme vit aler vers la forest sun dru od li. […] Sa femme leidist e blasma ; e la dame li demanda pur quei parlast issi vers li ; e ses baruns li respundi qu’il ot veü sun lecheür ki li fist hunte e deshonur, e aler od li vers la forest. […] Pur ceo dit hum en repruver que femmes seivent enginner ; les vezïez e li nunverrrable unt un art plus ke li deable.
Marie de France, n° 95 La méchante femme et son mari D’un vilein cunte ki aveit une femme qu’il mut cremeit, kar ele esteit mut felunesse, de male part e tenceresse. […] A sa femme les ruve aler e li prier que ele lur dunast, kar pis lur sereit, s’il i alast. Cil unt a la femme preié, puis li unt dit e cunseillé que sis sire pas nel voleit.
Chambry 88 Γυνὴ καὶ ἀνὴρ <μέθυσος> – La femme et l’ivrogne. […] Une femme avait un ivrogne pour mari. […] » dit l’ivrogne. « C’est moi qui viens apporter à manger aux morts », répondit la femme. Et lui : « Ne m’apporte pas à manger, mon brave, apporte-moi plutôt à boire : tu me fais de la peine en me parlant de manger, non de boire. » La femme, se frappant la poitrine s’écria : « Hélas !
Li vilein, quant vient a meisun, a sa femme cunte la raisun qu’il ot oï de la serpent. […] Par maltalent, par dreitë ire, a sa femme cumença a dire : « Femme », fet il, « cunseille mei ! […] Tel amur e tel bienvoillance cum entre nus devum aveir, sanz mal fere, sanz mal voleir, icest otrei que nus aiums, si ke jamés ne nus creüms. » Issi est suvent avenu : de pluseurs femmes est sceü que si cunseillent lur seignur ke lur reverte a deshonur ; meinte femme cunseille a feire ceo dunt a plusurs nest cuntraire. Sages hum ne deit pas entendre ne a fole femme cunseil prendre, cum fist icist par sa vileine, dunt il ot puis travail e peine : mut [e]ust grant aveir guainé, si ele ne l’eüst forscunseillé.
A Deu requist qu’il li eidast e que sa femme cunseillast e ses enfanz e nului plus ; ceste preere aveit en us. Sovent le dist od si haut cri que un autre vilein l’entendi, si li respunt hastivement : « Deus te maudie omnipotent, ta femme e tes enfanz petiz, e nuls autres ne seit maudiz !
Durant ces choses, Esope voyant qu’il n’y avoit point de subtilité qui fust capable de le tirer d’un si grand mal-heur, tout ce qu’il pouvoit faire pour son allegement, c’estoit de se plaindre dans la prison : Ce que voyant un de ses amis, qu’on appelloit Damas, il luy demanda la cause de sa plaincte, qu’Esope luy fit cognoistre en ces termes. « Une femme », dit-il, « ayant depuis peu ensevely son mary, s’en alloit tous les jours à son tombeau, qu’elle arrosoit de ses larmes : Il arriva cependant qu’un certain paysan, qui labouroit la terre assez prés de là, fust surpris de l’amour de ceste femme : ce qui fut cause que delaissant et bœufs et charruë, il s’en alla droict au tombeau ; où s’estant assis, il commença de pleurer comme elle. La femme en ayant voulu sçavoir la cause ; “Ce que je pleure”, luy respondit le païsan, “c’est pour soulager le mal que je ressents de la perte que j’ay faite de ma femme, qui n’estoit pas moins honneste, que belle”. “Un pareil accident m’est arrivé”, adjousta la femme. […] Car je n’auray pas moins d’amour pour toy, que j’en avois pour ma femme ; Je veux croire aussi, que de ton costé tu m’aymeras comme tu as aymé ton mary”. […] A ce bruict la femme accourut à luy ; Et le voyant ainsi lamenter : “Quoy”, luy dit-elle, “tu pleures encore ?”
Il semble qu’Esope ait voulu dire par ceste Fable, qu’il ne faut point se fier aux paroles d’une femme. […] Tels et semblables sont les discours qu’on a tenus contre les femmes, et que l’on tient encore aujourd’huy, sur le débris de leur affection, ou sur la dureté de leur resistance. […] Bref, c’est l’accomplissement de la Nature humaine que le Masle, au lieu que la femme luy doit ceder, soit quant aux conditions de l’esprit, soit pour la force du corps. […] La raison en est fondée sur ce que le temperamment des femmes, comme estant créé pour recevoir, ne contient pas tant de vigueur ny d’activeté ; au contraire il est détrempé de beaucoup d’humide, et par consequent plus mol que la constitution de l’homme. […] Les tettons mesmes, s’avalent par l’âge, et sont composez d’une chair mollasse et glandugineuse, prouvent infailliblement cette humidité, qui se rencontrant avec excez dans le temperament des femmes, semble alentir de necessité leur chaleur naturelle, et les rendre moins capables que les hommes de toutes les bonnes choses.
Alors Xanthus parlant tout bas à sa femme, « fay luy », dit-il, « ce que je te commanderay, et ne manque point, affin que je trouve un sujet de bien estreiller Esope ». Apres ces choses, « ma femme (dit-il tout haut) mets de l’eau dans un bassin, et en lave les pieds de nôtre hoste ». […] La femme de Xanthus fist donc le commandement de son Mary, et mit de l’eau dans un bassin, pour laver les pieds de son hoste. […] Là dessus, il fist derechef signe à sa femme de luy obeyr, à cause d’Esope, et commanda en mesme temps, qu’on luy apportast des fagots, ausquels il mit le feu, et tira sa femme auprés, avec apparence de l’y vouloir jetter. […] » Et à mesme temps s’addressant à Xanthus, « Seigneur », luy dit-il, « si tu juges qu’il y ait de la raison en ce chastiment, attends un peu que je sois allé jusqu’à mon logis, et à mon retour, je t’ameneray ma femme pour la brusler avecque la tienne ».
Marie de France, n° 102 La femme et la poule Une femme se seeit ja devant son us, si esgarda cum[e] sa geline gratot e sa vïande purchaçot ; mut se travaillot tut en jur.
Cependant la femme de Xanthus bien fâchée de voir que son Mary ne l’aymoit pas tant, qu’il n’aymât encore d’avantage une chienne, entra dans sa chambre, où toute desolée, elle protesta de n’avoir jamais sa compagnie. […] Voila le reproche que reçeut Xanthus, qui en estant tout hors de soy ; « Asseurément », dit-il, Esope m’a fait encore quelque tour de son mestier : Puis retournant à sa femme ; « A ce que je voy », reprit-il, « tu me voudrois bien faire accroire que je suis yvre ; Mais ne l’es-tu point toy-mesme qui me tiens de si fâcheux langages ? […] Surquoy Xanthus s’estant enquis de sa femme, si elle n’avoit rien reçeu : « Rien du tout », dit-elle « Mais toy mesme (reprit Esope parlant à son Maistre) à qui m’as-tu ordonné de faire ce present ? […] Il falloit donc bien, ce me semble, Seigneur, que tu me disses, Esope porte cecy à ma femme, et non pas à ma bien aymée ». Ces paroles mirent en desordre Xanthus, qui toutesfois pour s’en servir comme d’une excuse envers sa femme ; « Ne vois tu pas », luy dit il, « que ce dequoy tu m’accuses n’est point ma faute, mais de celuy qui a apporté ceste viande ?
Marie de France, n° 6 Le mariage du soleil Par essample fet ci entendre que li soleil volt femme prendre. […] Les creatures s’asemblerent ; a la Destinee en alerent, si li mustrerent del soleil que de femme prendre quert cunseil.
Chambry 49 Chambry 49.1 Ἀνὴρ καὶ γυνὴ <ἀργαλέα> – Le mari et la femme acariâtre. […] Un homme avait une femme qui était rude à l’excès envers tous les gens de la maison. […] femme, reprit-il, si tu étais mal vue de ceux qui sortent les troupeaux au point du jour et ne rentrent que le soir, que devait-ce être de ceux avec qui tu passais tout le jour ?