Cela se pourroit encore prouver par l’invention qu’il a faite des Arts, par les Sciences, par la prudence de son élection, par la Conjecture, par la Vertu qu’il a de deliberer, et par mille autres parties, dont les Animaux sont entierement dépourveus. […] Ayant doncques à discourir de la Vertu, son intention n’a pas esté de mettre en jeu des Creatures capables de discours, mais il a voulu seulement estaller les serieuses maximes de la Moralle, sous l’écorce de plusieurs Fables ou fictions, affin de sucrer la pillule aux hommes foibles, et leur faire gouster la sincerité de ses enseignements, par le divertissement qu’apportent les Fables. […] Or bien que la veritable Poësie, c’est à dire celle que nous enseigne la Vertu, sous les Fables celestes et humaines, ait beaucoup d’avantage sur un œuvre pareille à la nostre, si est-ce que celle-cy la devance en quelque façon, principalement en la briefveté de la Fable, en l’abondance du suc ou des bonnes choses, et ainsi du reste.
Préface de la première édition Je me propose de publier, en faisant précéder les textes de leur histoire et de leur critique, tout ce qui reste des œuvres des fabulistes latins antérieurs à la Renaissance. C’est une vaste tâche que personne encore ne s’est imposée, et qui, je le crains du moins, m’expose à être un peu soupçonné de présomption. Pour me prémunir contre un pareil soupçon, je désire expliquer comment j’ai été conduit à l’assumer. De tous les auteurs anciens qui guident les premiers pas de l’enfant dans l’étude de la langue latine, Phèdre est celui qui lui laisse les plus agréables souvenirs. Ses fables sont courtes, faciles à comprendre et intéressantes par l’action qui en quelques vers s’y déroule.