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2. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Subtile response d’Esope, touchant les superfluitez que la Nature rejette. Chapitre XVIII. »

Alors quand tu verras tout le peuple assemblé à ce spectacle, apres que tu seras assis, commande que l’on te remplisse une tasse d’eau ; Puis l’ayant prise, demande à celuy qui a les gages, quelles sont vos conventions, et le demande tout haut, afin qu’il n’y ait personne en la compagnie qui ne l’entende. Que s’il advient qu’il te responde que tu és demeuré d’accord de boire toute l’eau de la Mer, t’addressant alors au Peuple ; “Hommes Samiens”, diras-tu, “il n’est pas que vous ne sçachiez bien que les Fleuves se vont rendre dans la Mer ; or est il qu’il a esté accordé entre nous, que je boirois la Mer seule, et non les Rivieres qui entrent dedans. […] Apres donc que tout le Peuple se fût assemblé au rivage de la Mer, pour voir l’issuë de ceste entreprise, et que Xanthus eust dit et executé de poinct en poinct ce qu’Esope luy avoit enseigné, le Peuple s’en estonna, et le loüa grandement. Ainsi l’escolier se confessa vaincu, et se jettant aux pieds de son Maistre, il le pria que la gajeure demeurât nulle : ce que Xanthus luy accorda tres-volontiers, à la requeste du Peuple.

3. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XX. Des Colombes, et du Faucon leur Roy. »

Aussi la premiere fin de l’establissement des Roys a esté pour contenir les Peuples en l’observation de ce qui est honneste et vertueux. […] Cela soit dit seulement pour les Monarchies Electives : car quant à celles qui ont authorisé d’âge en âge le droict de la succession, il est absolument necessaire de n’en pas sortir, à cause des inconvenients qui s’y rencontrent, et du zele devotieux que les Peuples ont à certaines familles ; comme l’eurent jadis les Romains aux descendans d’Auguste, les Egyptiens aux Ptolomées, les Perses aux arriere-nepveux de Darius ; et de nôtre temps les François à la Royale Tyge de Bourbon, les Espagnols à la Maison d’Austriche, et les Turcs à la famille des Othomans. Ceste faute neantmoins, en matiere d’eslection, n’a pas laissé d’estre commune à divers Peuples du monde, comme aux Agrigentins, lors qu’ils mirent Phalaris en une condition éminente par dessus eux, et porterent bien-tost apres la peine de leur imprudence, quand par ses horribles cruautez il faillist à rendre sa Ville deserte de gents de bien, et la peupla presque toute d’assassins. […] Par où l’on peut voir, qu’il arrive assez souvent à des Peuples Electifs, d’eslever à la domination des Roys dépravez, qui vivants avecque leur Peuple, comme s’il les devoit tousjours chasser, mettent le bien public dans l’indifference, et n’ont pour object que leur seureté particuliere.

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