Or quoy que le procedé que tiennent ordinairement ceux qui veullent accabler l’Innocence, soit en tout temps des-agreable à Dieu et aux hommes ; si est-ce que les plus artificieux ont accoustumé de le colorer d’un faux pretexte de justice, imitant le Loup de ceste Fable, qui imposoit au malheureux Aigneau d’avoir troublé l’eau de la riviere pendant qu’il beuvoit, quoy que la delicate bouche de cét animal ne peut faire beaucoup d’agitation, eu égard à la distance qui estoit entre l’un et l’autre. […] Autant en arrivoit-il sous le Regne de Denys, et de Phalaris, qui formoient de fausses plainctes contre ceux qu’ils hayssoient, et dont ils avoient pour suspecte l’authorité. […] Que si davanture on resiste en quelque façon à leurs injustices, la Bille du Gentil-homme s’eschauffe ; il menace, il fait des procez, il aposte de faux tesmoins, et persecute l’innocence jusques à une entiere destruction.
Devinant leur artifice, le boucher dit : « Vous pouvez m’échapper par un faux serment ; mais à coup sûr vous n’échapperez pas aux dieux. » Cette fable montre que l’impiété du faux serment reste la même, quelque habileté qu’on mette à la sophistiquer.