L’on peut appliquer à ceste Fable deux belles Allegories, l’une Politique, et l’autre Moralle, comme, de dire que le riche devenu pauvre se rend tellement esclave des biens du monde, qu’il est esperonné d’une perpetuelle avarice, retenu par la bride de la chicheté, interdit de la possession d’une chose qui luy appartient, et reduit enfin au mesme destin de ce Cheval, qui reçoit bien le plaisir de voir abattu son Ennemy, mais il y perd la liberté, et trouve que toute la Victoire se tourne au profit de celuy qui le monte.
Alors n’estant plus propre à la course ny à la parade, il fût despouïllé de son riche harnois, et vendu à un chartier. […] Que si cela ne suffit, tournons la medaille, et nous en verrons encore des preuves en la personne de Jugurtha, de Persée, de Mithridates, Roy de vingt-deux Royaumes, et de plusieurs autres Princes, de qui les Sceptres et les Couronnes servirent anciennement de riches trophées au Capitole, et de precieuses marques d’honneur au grand Empire Romain.
Quel honneur est-ce à un homme riche et bien qualifié, de venir à bout d’un petit ennemy, qui n’a non plus de force qu’un vermisseau, et qui succumbe au premier coup qu’on luy porte ?
Les Pauvres qui font les Riches, les Roturiers qui se disent Nobles, et les insolents qui veulent passer pour discrets, courent la mesme fortune que ceux-cy : leur artifice peut quelquefois surprendre l’esprit, mais il est impossible qu’on ne le descouvre bien tost aprés.
Tesmoin Rome, qui n’a pû jamais perir que par les discordes Civiles, et qui ayant vaincu toutes les Nations, est morte à la fin par sa propre force : Tesmoin Athenes, qui ne perdit la liberté qu’apres que les infideles Orateurs l’eurent presque toute divisée, et que chacun d’eux eust attiré une portion de la Ville au party où il estoit le plus enclin ; Tesmoin encore la riche succession d’Alexandre, qui se défit par le partage des heritiers.
La serpent al vilein preia e par amur li demanda que leit li aportast suvent deus feiz le jur par tel covent que grant sen li enseignereit e ke riche hume le fereit ; si li mustra sun estre, u fu e u lung tens aveit jeü, dedenz une piere cavee u ele s’esteit arestee.
Aussi est-il vray que des divers personnages que cet Autheur leur fait joüer si plaisamment sur ce theatre, j’ay tiré de riches secrets de la Nature, de la Morale, et de la Politique ; comme vous verrez dans les Discours que j’ay formez là dessus selon l’occurrence des matieres.
C’est ainsi que la pluspart des Riches d’aujourd’huy font accroire aux pauvres qu’ils ont manqué de respect envers eux, et choqué leur autorité, combien que leur ame toute simple ne soit nullement capable de malice, et qu’ils n’ayent failly au respect, qu’à faute de le bien cognoistre.
Si vous estes beau, elle s’abandonnera possible au plus laid : Si vous estes riche, elle aymera mieux les pistolles d’autruy que les vostres. Si vous estes beau, riche, et discret, elle aura pour vous une aversion naturelle.
Au contraire, il envieroit leur bonne fortune, et la jugeroit preferable à celle des Riches.
Ainsi se pouvoit on plaindre d’une Laïs, d’une Lamie, d’une Flore, et d’une infinité d’autres, qui faisoient mestier d’engloutir les possessions de leurs Amants, et de les abandonner, quand un plus riche ou plus beau se presentoit.
Or est-il qu’il falloit bien qu’ils jugeassent tres-licite celuy que l’on fait à la Cour des Princes, veu que l’un des deux devint riche auprés d’Alexandre, et l’autre auprés de Denys.
Voylà combien peu les toucherent les delices et les mollesses des riches, au lieu que si apres une vie faineante et voluptueuse nous nous voyons d’avanture dépourveus de commoditez, cela nous seroit moins supportable, que la pluspart des maux qui nous pourroient assaillir d’ailleurs.
Comme on le menoit ainsi à la mort, il leur disoit en s’y en allant. « Au temps que les bestes parloient, le Rat ayant fait amitié avec la Grenoüille, luy voulut donner à souper, et l’amena pour cét effect au Cellier d’un riche homme, où il y avoit quantité de viandes, l’invitant à se saouler par ces mots qu’il luy reïteroit, “Mange m’amie Grenoüille”.
Mais je me trompe bien fort, Monseigneur , Cette mesme Gloire est le vray Prix où vous aspirez ; Elle seule vous tient lieu d’un tresor inestimable ; Vous ne voulés point de Toison plus riche ; Et de la façon que vous en opiniastrés la Conqueste, il paroist visiblement que toutes les faveurs de la Fortune sont au dessous de vostre Vertu.
Tacite et Suétone nous montrent les riches constamment accusés par Séjan et souvent condamnés et dépouillés. […] Cet affranchi, entré dans une carrière moins ingrate que la sienne, avait pu, pendant la vie de Tibère, devenir riche et puissant, et l’on conçoit que Phèdre, se croyant poursuivi par Séjan, ait pu, avant même d’avoir été condamné, lui adresser le troisième livre de ses fables. […] En mourant, elle laissa une riche bibliothèque qui fut achetée par le pape Alexandre VIII, et ses livres entrèrent au Vatican. […] À cette époque, un jeune Hollandais, riche et savant, parcourait l’Europe. […] Lorsqu’il en fut tiré, ce fut pour être livré à des mains ignorantes ; on y mit même pour titre : Perotti fabulæ, au lieu de Veterum fabularum epitome ; et ce fut sous ce titre inepte qu’il fut porté, dix autres années après, sur le catalogue des manuscrits provenant de la riche bibliothèque Farnèse.