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2. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 121 » p. 108

Chambry 121 Ζεὺς καὶ ἄνθρωποι — Zeus et les hommes. […] Zeus, ayant modelé les hommes, chargea Hermès de leur verser de l’intelligence. […] Il arriva par là que les hommes de petite taille, remplis par leur portion, furent des gens sensés, mais que les hommes de grande taille, le breuvage n’arrivant pas dans tout leur corps, eurent moins de raison que les autres. Cette fable s’applique à un homme grand de taille, mais dépourvu d’esprit.

3. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 57 » p. 311

Chambry 57 Ἄνθρωποι καὶ Ζεὺς — Les hommes et Zeus. […] On dit que les animaux furent façonnés d’abord, et que Dieu leur accorda, à l’un la force, à l’autre la vitesse, à l’autre des ailes ; mais que l’homme resta nu et dit : « Moi seul, tu m’as laissé sans faveur. » Zeus répondit : « Tu ne prends pas garde au présent que je t’ai fait, et pourtant tu as obtenu le plus grand ; car tu as reçu la raison, puissante chez les dieux et chez les hommes, plus puissante que les puissants, plus rapide que les plus rapides. » Et alors reconnaissant le présent de Dieu, l’homme s’en alla, adorant et rendant grâce. Tous les hommes ont été favorisés de Dieu qui leur a donné la raison ; mais certains sont insensibles à une telle faveur et préfèrent envier les animaux privés de sentiment et de raison.

4. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — XIII. Le Cheval s’estant voulu vanger du Cerf. » p. 269

De tout temps les Chevaux ne sont nez pour les hommes. […] Or un Cheval eut alors different Avec un Cerf plein de vîtesse, Et ne pouvant l’attraper en courant, Il eut recours à l’Homme, implora son adresse. L’Homme luy mit un frein, luy sauta sur le dos, Ne luy donna point de repos Que le Cerf ne fust pris, et n’y laissast la vie. Et cela fait, le Cheval remercie L’Homme son bienfaiteur, disant : Je suis à vous, Adieu. […] Non pas cela, dit l’Homme, il fait meilleur chez nous : Je vois trop quel est votre usage.

5. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 165 » p. 131

Un homme ayant attrapé un choucas et lui ayant lié la patte avec un fil de lin, le donna à son enfant. Mais le choucas, ne pouvant se résigner à vivre avec les hommes, profita d’un instant de liberté pour s’enfuir et revint à son nid. Mais le fil s’étant enroulé aux branches, l’oiseau ne put s’envoler et, se voyant sur le point de mourir, il dit : « Je suis bien malheureux : pour n’avoir pas supporté l’esclavage chez les hommes, je me suis sans m’en douter privé de la vie. » Cette fable pourrait se dire des hommes qui, en voulant se défendre de médiocres dangers, se sont jetés à leur insu dans des périls plus redoutables.

6. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 140 » pp. 105-105

Quand Zeus créa l’homme, il ne lui accorda qu’une courte existence. Mais l’homme, tirant parti de son intelligence, quand vint l’hiver, se bâtit une maison et y vécut. Or un jour le froid étant devenu violent et la pluie s’étant mise à tomber, le cheval, ne pouvant y durer, vint en courant chez l’homme et lui demanda de l’abriter. Mais l’homme déclara qu’il ne le ferait qu’à une condition, c’est que le cheval lui donnerait une partie des années qui lui étaient départies. […] L’homme répondit de même qu’il ne le recevrait pas, s’il ne lui donnait un certain nombre de ses propres années ; le bœuf en donna une partie et fut admis.

7. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 98 » p. 247

Un homme qui avait l’habitude de faire passer l’eau, le voyant perplexe, s’approcha, le prit sur ses épaules, et le transporta complaisamment de l’autre côté. […] Il y songeait encore, lorsque l’homme, apercevant un autre voyageur qui ne pouvait traverser, courut à lui et le passa. Alors Diogène, s’approchant du passeur, lui dit : « Je ne te sais plus gré de ton service ; car je vois que ce n’est point le discernement, mais une manie qui te fait faire ce que tu fais. » Cette fable montre qu’à obliger les gens de rien aussi bien que les gens de mérite, on s’expose à passer non pour un homme serviable, mais pour un homme sans discernement.

8. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LIX. Du Lion, et de l’Homme. »

Du Lion, et de l’Homme. Le Lion et l’Homme voyageoient ensemble, et comme ils devisoient en passant chemin, c’estoit à qui se priseroit d’avantage. Voila cependant qu’ils rencontrerent certaines colomnes de marbre, et un pied-estail, où se voyoit en relief un homme qui estouffoit un Lion. Alors l’Homme se tournant vers son compagnon ; Asseurément, luy dit-il, tu peux bien voir par cecy, que les hommes sont beaucoup plus forts que les Lions, et que toutes les autres bestes. Cela n’est pas mal imaginé, luy répondit le Lion ; Mais si les Lions avoient des Sculpteurs et des Peintres comme les hommes en ont, tu verrois en peinture, et en marbre beaucoup plus d’hommes étouffez par des Lions, que tu ne verrois de Lions étouffez par des Hommes.

9. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 124 » pp. 312-312

Zeus ayant enfermé tous les biens dans un tonneau, le laissa entre les mains d’un homme. Cet homme, qui était curieux, voulut savoir ce qu’il y avait dedans ; il souleva le couvercle, et tous les biens s’envolèrent chez les dieux. Cette fable montre que l’espérance seule reste avec les hommes, qui leur promet les biens enfuis.

10. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 59 » pp. 284-284

Chambry 59 Chambry 59.1 Ἄνθρωπος καὶ λέων <συνοδεύοντες> – L’homme et le lion voyageant de compagnie. […] Un lion voyageait un jour avec un homme. Ils se vantaient à qui mieux mieux, lorsque sur le chemin ils rencontrèrent une stèle de pierre qui représentait un homme étranglant un lion. Et l’homme la montrant au lion dit : « Tu vois comme nous sommes plus forts que vous. » Le lion répondit en souriant : « Si les lions savaient sculpter, tu verrais beaucoup d’hommes sous la patte du lion. » Bien des gens se vantent en paroles d’être braves et hardis ; mais l’expérience les démasque et les confond.

11. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 1 » p. 274

Là, ils demandèrent à Zeus comment ils devaient se comporter avec les hommes. Le dieu leur dit de se présenter aux hommes, non pas tous ensemble, mais l’un après l’autre. Voilà pourquoi les Maux, habitant près des hommes, les assaillent sans interruption, tandis que les Biens, descendant du ciel, ne viennent à eux qu’à de longs intervalles.

12. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « AU LECTEUR. Sur le sujet des Fables. »

La Raisonnable est celle où l’on feint l’homme estre autheur de quelque chose qu’on se figure ; La Morale, qui tasche d’imiter la façon de vivre des Creatures raisonnables : La Meslée, qui comprend ensemble ce qui est pourveu de raison, et qui ne l’est pas : La Propre, qui par l’exemple des bestes, et des choses inanimées demonstre tacitement ce que l’on veut enseigner, comme fait Esope en toutes ses Fables ; Et la tres-propre, qui convient aux hommes, et aux fabuleuses Deïtez, en ce qui regarde les actions. […] Secondement, on tire les fables de la ressemblance de la Nature, et des operations ensemble, comme ce qu’on feint des hommes et des Dieux sous l’une et l’autre forme ; Et troisiesmement, des operations qu’on attribuë aux feintes Divinitez, et aux Creatures humaines. […] J’obmets que ceste fable se peut encore expliquer du petit monde, à sçavoir de l’Homme, en qui sous les noms de Celius, de Saturne, de Jupiter, et de Pluton nous pouvons entendre la partie Divine, la Contemplative, l’Œconomique, et la Terrestre. […] A cecy se rapporte à peu près une Fable bien plaisante, qui dit, que les hommes autrefois doubles, furent coupez en deux pour punition de leur humeur altiere et trop insolente : et c’est d’où procede que dans la diversité de ses humeurs, l’homme veut du mal à l’un, et qu’il ayme l’autre, à cause qu’il le croit sa moitié, comme se l’imagine le Poëte Aristophane. […] Voila quelle est la speculation de ceste fable, qu’Aristote Prince des Peripateciens explique moralement des Choleriques, et des courages aguerris, qu’il dit estre de complexion plus amoureuse que ne sont les autres hommes.

13. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCIV. Du Taureau, et du Bouc. »

Voicy l’exemple de la moins supportable lascheté qui puisse tomber en l’esprit d’un homme, à sçavoir de courir sus à un Malheureux. […] Ils vous tiennent noircis de tous les vices du monde, si vous ne possedez hautement la bonne volonté d’un homme, et encore d’un homme bien souvent imparfaict, et mal conseillé. […] Ce n’est donc pas estre blâmable que de les appeller lâches, puis que c’est faire supercherie à un homme de ne le point attaquer ouvertement, ny tout seul, mais en fougue, et avec une pluralité d’ennemis. Ceste mauvaise methode est ordinaire à ceux qui nous persecutent en nostre affliction, qui sont par consequent les hommes du monde que nous devons le plus apprehender, à cause que nos autres ennemis ne sont redoutables qu’entant qu’ils nous ameinent ceux-cy.

14. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — IV. Le Jardinier et son Seigneur. » p. 

Cette felicité par un Lievre troublée, Fit qu’au Seigneur du Bourg nostre homme se plaignit. […] Je vous en déferay, bon homme, sur ma vie : Et quand ? […] Bon homme, c’est ce coup qu’il faut, vous m’entendez, Qu’il faut foüiller à l’escarcelle. […] Chacun s’anime et se prépare : Les trompes et les cors font un tel tintamarre, Que le bon homme est étonné. […] Le bon homme disoit : Ce sont là jeux de Prince : Mais on le laissoit dire ; et les chiens et les gens Firent plus de degât en une heure de temps, Que n’en auroient fait en cent ans Tous les Lievres de la Province.

15. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXVI. De deux Hommes, et d’un Asne. »

De deux Hommes, et d’un Asne. Deux hommes passants par des lieux deserts, trouverent fortuitement un Asne en leur chemin ; Ils commencerent alors à debattre à qui l’auroit, et le meneroit en sa maison, chacun d’eux s’imaginant que la Fortune luy eust envoyé cette belle rencontre. […] Quant à ces deux Compagnons, qui se debattent imprudemment pour une chose qui ne leur appartient pas, ils me remettent en memoire une infinité d’hommes pernicieux, qui font gloire de se rendre de mauvais offices, jusques là mesme, que de la langue ils en viennent souvent aux mains, et tout cela pour un advantage qui ne leur est pas destiné, mais que le Ciel reserve à d’autres qu’à eux.

16. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Esope ameine à son Maistre un homme niais, et sans soucy. Chapitre XVI. »

Esope ameine à son Maistre un homme niais, et sans soucy. […] Ayant jugé d’abord, que c’étoit là l’homme qu’il luy falloit, pource qu’il recognût à sa mine qu’il n’avoit point de soucy, ny beaucoup de sens, il s’en approcha le conviant à venir disner avecque son Maistre. […] », dit-il : « C’est l’homme sans soucy », respondit Esope. […] Ce que voyant l’homme sans soucy ; « Pour moy », disoit-il, « je trouve ceste viande cuite comme il faut, et si bonne à mon goust, qu’il ne luy manque rien, ce me semble, pour estre bien assaisonné. […] Xanthus oyant ainsi parler ce bon homme, et voyant qu’il n’y avoit point de malice en son fait, s’en estonna grandement, et dit à Esope ; « Vrayment tu n’as pas eu mauvaise raison d’appeller cét homme exempt de soucy, car il l’est en effect ; Voila pourquoy, pour l’avoir si bien rencontré, mesme pour m’avoir vaincu, tu reçevras la recompense que tu merites.

17. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre troisiéme. — X. Le Lion abattu par l’Homme. » p. 284

Le Lion abattu par l’Homme. On exposoit une peinture, 
Où l’Artisan avoit tracé
 Un Lion d’immense stature
 Par un seul homme terrassé.


18. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 358 » p. 272

Chambry 358 Ψύλλα καὶ ἄνθρωπος — La puce et l’homme. […] Un jour une puce incommodait un homme sans relâche. […] » Elle répondit : « C’est notre façon de vivre ; ne ma tue pas ; car je ne puis pas faire grand mal. » L’homme se mit à rire et lui dit : « Tu vas mourir tout de suite, et de ma propre main ; car quel que soit le mal, petit ou grand, il faut absolument l’empêcher de se produire. » Cette fable montre qu’il ne faut pas avoir pitié d’un méchant, quel qu’il soit, fort ou faible.

19. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 359 » p. 273

Un jour la puce faisait au bœuf cette question : « Que t’a donc fait l’homme pour que tu les serves tous les jours, et cela, grand et brave comme tu l’es ? Moi, au contraire, je déchire impitoyablement sa chair et je bois son sang à pleine bouche. » Le bœuf répondit : « J’ai de la reconnaissance à la race des hommes ; car ils m’aiment et me chérissent, et me frottent souvent le front et les épaules. […] reprit la puce, pour moi ce frottement qui te plaît est le pire des malheurs, quand il m’arrive par hasard d’être prise entre leurs mains. » Les fanfarons de paroles se laissent confondre même par un homme simple.

20. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XI. L’homme, et son Image. » p. 

L’homme, et son Image. […] Un homme qui s’aimoit sans avoir de rivaux,
 Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde. […] Nostre ame c’est cet Homme amoureux de luy-mesme.


21. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 301 » pp. 265-265

Chambry 301.3 Aliter — Πέρδιξ καὶ ἄνθρωπος — La perdrix et l’homme. […] Un homme, ayant pris à la chasse une perdrix, allait la tuer. Elle le supplia en ces termes : « Laisse-moi vivre ; à ma place je te ferai prendre beaucoup de perdrix. – Raison de plus pour te tuer, repartit l’homme, puisque tu veux prendre au piège tes camarades et tes amis. » Cette fable montre que l’homme qui trame des machinations contre ses amis tombera lui-même dans les embûches et le danger.

22. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Partement d’Esope, et son arrivée en Lydie. Chapitre XXIV. »

Comme ils furent arrivez en Lydie, Esope se presenta devant le Roy, qui s’estant mis en colere ; « Voyez », dit il, « si ce n’est pas une chose estrange, qu’un si petit homme m’ait empesché de subjuguer une si grande Isle ?  […] Il y eust jadis un homme, qui s’amusant à prendre des sauterelles, qu’il tuoit à l’instant, il prit aussi une Cigale, qu’il voulut tuer de mesme ; ce que voyant la Cigale, “ô homme”, luy dit-elle, “ne me donne point la mort : Je ne fais aucun dommage aux blez, et ne t’offence en chose quelconque ; au contraire je resjoüis les passans par l’agreable son qui se forme du mouvement de mes aisles : Tu ne trouveras donc rien en moy, que le chant”. […] Je t’en dis de mesme, ô grand Roy, et soubmis à tes pieds, je te prie de ne me point faire mourir sans cause, car je ne suis pas homme qui veüille nuire à personne, et si l’on peut blasmer quelque chose en moy, c’est qu’en un corps chetif et difforme, je loge une ame qui ne sçauroit rien flatter ».

23. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 48 » p. 306

Chambry 48 Ἀνὴρ <δηχθεὶς ὑπὸ μύρμηκος> καὶ Ἑρμῆς — L’homme mordu par une fourmi et Hermès. […] Un jour un vaisseau ayant coulé à fond avec ses passagers, un homme, témoin du naufrage, prétendait que les arrêts des dieux étaient injustes, puisque, pour perdre un seul impie, ils avaient fait périr aussi des innocents. […] Alors Hermès lui apparut, et le frappant de son caducée, lui dit : « Et maintenant tu n’admettras pas, toi, que les dieux jugent les hommes comme tu juges les fourmis ? 

24. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 264 » p. 237

Chambry 264 Ὄνον ἀγοράζων — L’homme qui achète un âne. […] Un homme qui avait dessein d’acheter un âne, le prit à l’essai, et l’ayant amené parmi ses ânes à lui, il le plaça devant le râtelier. […] Comme il ne faisait rien, l’homme lui passa un licol, l’emmena et le rendit à son propriétaire.

25. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCVII. Du Tygre, et du Renard. »

» « Je n’en sçay rien », respondit le Tygre, « si ce n’est que par la playe, qui est fort grande, je juge à peu prés qu’il faut que ce soit un homme ». […] Par ces mots de raillerie il vouloit monstrer, qu’en matiere de valeur il ne faut jamais donner des loüanges excessives à certains hommes, estant veritable que l’on ne voit point de si mauvais garçon, qui ne puisse facilement rencontrer son Maistre. […] D’où il s’ensuit qu’il est aisé à l’homme industrieux de les surmonter, et de rendre son esprit victorieux sur les forces Ennemies. […] En quoy Scanderbeg a merité plus de loüange que tous les autres hommes des siecles passez, et des nostres, puis qu’avec un Camp volant, qui n’a jamais passé dix mille hommes, il a perpetuellement battu les armées du grand Seigneur, dont la moindre estoit composée de trente mille Soldats, et quelques-unes alloient jusques à soixante et dix mille. […] Car en ce cas là on auroit plus de raison de l’appeller supercherie, qu’adresse loüable, et permise aux hommes valeureux.

26. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 44 » p. 278

Chambry 44 Ἄνδρες <δύο περὶ θεῶν ἐρίζοντες> - Les deux hommes qui disputent des dieux. […] Deux hommes disputaient qui des deux dieux, Thésée ou Hercule, était le plus grand.

27. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 58 » pp. 283-283

Chambry 58 Chambry 58.1 Ἄνθρωπος καὶ ἀλώπηξ — L’homme et le renard. […] Un homme avait de la rancune contre un renard qui lui causait des dommages. […] Or c’était le temps de la moisson, et l’homme suivait, en déplorant sa récolte perdue.

28. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — VII. Le Singe et le Daufin. » p. 73

Un Daufin le prit pour un homme, Et sur son dos le fit asseoir, Si gravement qu’on eust crû voir Ce chanteur que tant on renomme. […] Nostre Magot prit pour ce coup Le nom d’un port pour un nom d’homme. […] Il l’y replonge, et va trouver Quelque homme afin de le sauver.

29. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXIII. De l’Arbre, et du Roseau. »

Ceste verité est si cognuë de tous les hommes, qu’ayant passé en proverbe parmy nous, elle contient le plus grand secret de la prudence, à sçavoir, de s’accommoder au temps. […] En suitte dequoy, il faut que nous le considerions, en qualité d’homme officieux, et qui a dessein de faire quelque chose pour le commerce du monde, comme ont fait autresfois plusieurs hommes extraordinaires, qui ont esté dans le perpetuel employ des affaires ; tels que furent jadis Zoroaste, Trismegiste, Platon, Aristote, Plutarque, et une infinite d’autres, à qui estoient commises les plus importantes charges des grands Estats. […] Ces distinctions estans supposées pour la clarté de ce Discours, je dis que par l’Allegorie de nostre Fable, Esope n’a pas entendu ceste derniere espece de Sages, et qu’il n’a non plus voulu parler du Sage consideré selon soy mesme, mais plustost à l’egard des autres hommes. […] Pouvoit-on dire que ce grand homme eût fléchy sous l’apprehension d’une guerre, ou qu’il eût descheu de son ordinaire égalité ? […] Sa cheute apprend donc aux hommes d’affaires à ne s’ahurter jamais contre un puissant Ennemy, mais à gauchir et esquiver adroittement ses attaques, s’ils veulent que leurs desseins ayent un heureux, succés.

30. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — De la response qu’Esope fist à un Juge. Chapitre XVII. »

Esope estant donc retourné vers son Maistre ; « Seigneur », luy dit-il, « tu peux aller aux estuves, si tu veux, car je n’y ay veu qu’un seul homme ». […] Mais comme il y fust arrivé, y trouvant du monde à la foule, « Qu’est-cecy », luy dit-il, « ô menteur Esope, ne m’as tu pas asseuré que tu n’as veu ceans qu’un homme ?  […] J’ay remarqué en mesme temps qu’il est survenu un certain homme, qui plus advisé que les autres, pour s’empescher d’y heurter contre, comme eux, l’a ostée de sa place, et l’a mise ailleurs, Pour ceste seule raison, j’ay dit que je n’avois veu qu’un homme aux estuves, comme faisant plus d’estat de celuy-cy, que de tous les autres ensemble ».

31. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 306 » pp. 73-73

Or donc un homme qui naviguait avait avec lui un singe. […] Un dauphin l’aperçut, et, le prenant pour un homme, il se glissa sous lui, le soutint et le transporta vers la terre ferme. […] Le singe, croyant qu’il voulait parler d’un homme, dit que oui, et que c’était même un de ses intimes amis. […] Cette fable vise les hommes qui, ne connaissant pas la vérité, pensent en faire accroire aux autres.

32. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXV. De la Nourrice, et du Loup. »

Mais ayant dessein de parler d’elles en Philosophe, et non pas en Poëte, ny en homme enflammé d’Amour et de colere, je ne leur donneray point des loüanges si excessives, ny des blâmes si desobligeants ; et diray seulement, que supposé qu’en tout le genre humain l’Ame soit égale, et que neantmoins elle produise ses effets differamment, selon les corps où elle est infuse, et les organes qu’elle y rencontre, il arrive presque tousjours que l’homme surpasse la femme, et en grandeur de courage, et en force de jugement. […] La raison en est fondée sur ce que le temperamment des femmes, comme estant créé pour recevoir, ne contient pas tant de vigueur ny d’activeté ; au contraire il est détrempé de beaucoup d’humide, et par consequent plus mol que la constitution de l’homme. […] Le mesme paroist encore en la longueur de leurs cheveux, que la Nature ne boucle point comme aux hommes, marque infaillible de moiteur, et non de vivacité. Les tettons mesmes, s’avalent par l’âge, et sont composez d’une chair mollasse et glandugineuse, prouvent infailliblement cette humidité, qui se rencontrant avec excez dans le temperament des femmes, semble alentir de necessité leur chaleur naturelle, et les rendre moins capables que les hommes de toutes les bonnes choses. […] Elles me pardonneront neantmoins si en matiere de constance et de fermeté, je les treuve un peu suspectes, et de beaucoup inferieures aux hommes.

33. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 299 » p. 239

Un homme qui avait reçu un dépôt d’un ami projetait de l’en frustrer. […] Dès lors l’homme jura le lendemain sans hésiter qu’il n’avait pas reçu le dépôt. […] L’homme récrimina : « Tu m’as déclaré, dit-il, que tu ne revenais qu’au bout de trente ans, et tu ne m’accordes même pas un jour de sécurité. » Le Serment repartit : « Sache bien que, quand on veut m’agacer, j’ai l’habitude de revenir le jour même. » Cette fable montre que Dieu n’a pas de jour fixe pour punir les impies.

34. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CVI. Du Satyre, et du Voyageur. »

En suitte de cela, ils se mirent tous deux à table, où la premiere chose que fist l’Estranger, fût de soufler sa boüillie : Ce que voyant le Satyre, il en voulut derechef sçavoir le sujet ; Et comme il eust appris que c’estoit pour la refroidir, ne pouvant plus souffrir un tel Hoste dans sa cabane, « Sors de ceans », luy dit-il, « car je ne suis pas d’humeur à m’accommoder avec un homme qui se contre-dit ainsi en ses paroles ». […] L’action de ce Satyre nous advise de n’admettre à nostre table un homme double en paroles. […] En effect, comment nous pouvons nous fier à une personne qui est mille fois le jour double à soy-mesme, et comment adjouster foy à la parole d’un homme qui n’en a point ?

35. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — XX. L’Avare qui a perdu son tresor. » p. 225

Je demande à ces gens, de qui la passion Est d’entasser toûjours, mettre somme sur somme, Quel avantage ils ont que n’ait pas un autre homme ? […] L’homme au tresor caché qu’Esope nous propose, Servira d’exemple à la chose. […] Voilà mon homme aux pleurs ; il gémit, il soûpire, Il se tourmente, il se déchire.

36. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XLIX. De la Belette, et du Renard. »

Aussi aprenons-nous dans les Histoires, que les plus excellents hommes de lettres ont esté maigres, et secs ; Tesmoin Aristote, Virgile, Homere, et une infinité d’autres. […] Car, disoient-ils, comment pourroit s’exercer aux hautes et sublimes meditations un homme abruty dans l’oysiveté, qui ne s’étudie qu’à contenter les sens corporels, et ne donne rien aux operations de l’ame. Pour ceste mesme raison Jules Cesar souloit dire, qu’il n’apprehendoit point les hommes gras comme Crassus, mais bien les décharnez, et les maigres, comme Brutus ; par où il vouloit monstrer, sans doute, que la magnanime pensée d’affranchir l’Estat de sa sujection, ne pouvoit pas tomber dans un corps enflé de delices, et assouvy de voluptez ; mais que telle entreprise n’appartenoit qu’aux personnes subtiles et Philosophiques. […] Trasibule tout de mesme avoit fort bien estudié ; Et le Corinthien Timoleon ayant acquis la liberté à sa Patrie, par la mort de son propre frere, demeura jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans hors la ville de Corinthe, à vacquer incessamment à l’Estude, en attendant que l’occasion de delivrer la Sicile le tirast derechef de son repos, pour le conduire aux plus belles actions, qu’homme de sa nation eût jamais executées. Mais je m’esgare, sans m’en apperçevoir, hors de mon sujet, et n’ayant entrepris que de monstrer combien la Volupté nuist à l’Estude des Sciences, je fais voir insensiblement par ces Histoires, que les sçavans hommes sont capables des plus hautes entreprises, et de la parfaite Vertu, qui ne consiste pas moins à exterminer les Usurpateurs, qu’à bien servir les Roys legitimes.

37. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 73 » pp. 46-46

Comme l’homme serrait sur lui son vêtement, il l’assaillit avec plus de force. Mais l’homme incommodé encore davantage par le froid, prit un vêtement de plus, si bien que, rebuté, Borée le livra au Soleil. Celui-ci tout d’abord luisit modérément ; puis, l’homme ayant ôté son vêtement supplémentaire, le Soleil darda des rayons plus ardents, jusqu’à ce que l’homme, ne pouvant plus résister à la chaleur, ôta ses habits et s’en alla prendre un bain dans la rivière voisine.

38. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LX. De la Puce, et de l’Homme. »

De la Puce, et de l’Homme. Uu homme se sentant mordre par une puce ; « Qu’est-ce qui me picque icy ?  […] Elle voulut s’excuser alors, alleguant qu’elle estoit de ce genre d’animaux que la nature avoit destinez à vivre comme elle ; Surquoy le priant tres-instamment de la laisser, puis qu’aussi bien elle ne pouvoit luy faire beaucoup de mal ; « Tu t’abuses », luy respondit l’homme en soubs-riant ; « et c’est pour cela mesme que j’ay sujet de te vouloir tuer, pource qu’il ne faut offencer personne, ny peu, ny prou ». […] Ainsi le sage Phrygien a eu beaucoup de raison de faire dire à l’homme de ceste fable, que plus l’animal estoit petit, moins il luy falloit pardonner, pour estre digne de plus grand blâme, et capable de moindre resistance.

39. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXIII. Des Coqs, et de la Perdrix. »

Quelle raison aura donc l’homme de bien de se plaindre, si la raison luy fait cognoistre que sa fortune est plus souhaittable que celle de son Ennemy ? […] Si c’est la honte des hommes, qu’il sçache que l’insolence du Médisant ne le peut aucunement noircir d’infamie. […] Les voix et les opinions des hommes sont-elles quelque chose au prix des jugements de Dieu, qui agissent tous en faveur de la probité ? […] Quel si grand mal y a-t’il en une offence, qu’un homme bien Vertueux n’en puisse digerer d’avantage ? […] il faudra qu’il endure patiemment la mort, et il s’affligera pour la mauvaise action d’un simple homme ?

40. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 109 » pp. 88-88

Hermès, voulant savoir en quelle estime il était parmi les hommes, se rendit, sous la figure d’un mortel, dans l’atelier d’un statuaire, et, avisant une statue de Zeus, il demanda : « Combien ?  […] Apercevant aussi une statue qui le représentait, il présuma qu’étant à la fois messager de Zeus et dieu du gain, il était en haute estime chez les hommes. […] si tu achètes les deux premières, je te donnerai celle-ci par-dessus le marché. » Cette fable convient à un homme vaniteux qui ne jouit d’aucune considération chez autrui.

41. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 178 » pp. 64-64

Chambry 178 Chambry 178.1 Κυνόδηκτος — L’homme mordu par un chien. […] Un homme mordu par un chien courait de tous côtés, cherchant quelqu’un pour le guérir. […] À quoi le blessé répondit : « Mais, si je fais cela, je serai fatalement mordu par tous les chiens de la ville. » Pareillement, si vous flattez la méchanceté des hommes, vous les excitez à faire plus de mal encore.

42. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXIV. Du Singe, et du Renard. »

Je ne raporteray pas tant l’Alegorie de ceste Fable à l’envie et à la malignité du Renard, qu’à l’impertinence des autres animaux tant pource qu’aux discours precedents j’ay assez parlé contre les personnes envieuses du bien d’autruy, qu’à cause qu’il me semble veritablement qu’Esope luy fait joüer icy le personnage d’un homme sage et consideré, plustost que d’un meschant ; et qu’au contraire il represente en la sottise des autres animaux, celle que commettent fort souvent les hommes, à sçavoir de donner les grandes charges aux mal habiles. […] Quand donc les Peuples estoient encores grossiers, et mal policez, ils déferoient la Couronne à la seule beauté corporelle, comme insensibles aux charmes de l’autre, ou plustost pource que la beauté de l’ame n’estoit pas encore en lustre, à cause de l’ignorance des hommes, et de leur raisonnement. […] Toutesfois ces hommes n’avoient pas encore assez fait de progrés dans le discours : Ils ne s’estoient pas encore portez assez avant dans l’estude des Arts, pour occuper le souverain commandement par prudence, plustost que par une autre raison. […] Il escheut donc aux plus forts d’oster la possession des choses aux beaux hommes, et de se faire Roys eux-mesmes, par une maniere de tyrannie. Mais le monde se raffinant peu à peu, commença d’avoir en haine ceux qui regnoient par la force, comme il avoit auparavant mesprisé les autres, qui ne regnoient que par la beauté ; de façon que les hommes sages, c’est à dire, ceux qui parvindrent à une plus haute cognoissance des choses, conspirerent à debusquer les forts, et à les jetter dans des pieges, d’où toutes leurs fougues, ny toutes leurs violences ne les sçeurent jamais tirer.

43. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCII. De deux Amis, et de l’Ours. »

Apres qu’il s’en fût allé, et que celuy qui estoit monté sur l’arbre en fût décendu, il voulut railler son Compagnon, et l’enquist de ce que l’Ours luy avoit dit à l’oreille : Mais ce pauvre homme ayant un juste sujet de le tancer ; « Il m’a conseillé », luy respondit-il, » de ne me mettre jamais en chemin avec un tel Amy ». […] Sur quoy il seroit à propos de se priver de la compagnie des hommes, de peur d’y rencontrer de la Perfidie, car il est presque necessaire que ceux qui nous hantent, usent avec nous de fourberie, et de quelque déguisement, tant ce malheureux siecle est engagé dans la corruption. […] Cét exemple ne me semble donc pas estre la vraye peincture de ce que les hommes ont accoustumé de praticquer en nos jours. […] Mais qu’en une occasion pareille à ce que j’ay dit cy-dessus, à sçavoir quand on est persecuté d’un Grand, ou affligé de maladie, ou accablé de misere, ou confiné dans une prison, ou entre les mains des Sergents, on esprouve de fidelles et durables amitiez ; c’est, à mon advis, une chose qui arrive rarement, et qui ne se trouve que parmy les hommes extraordinaires. […] Car nous ne voyons pas arriver souvent qu’un homme de bien devot et religieux devienne profane, si son zele est grand et veritable, ny qu’une vraye amitié se destruise par le temps, et par les disgraces de la Fortune, depuis qu’elle est une fois bien conçeuë, et profondement enracinée.

44. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 260 » p. 355

» Elle répondit : « Parce que, dans les temps anciens, le mensonge ne se rencontrait que chez un petit nombre d’hommes ; maintenant il est chez tous, quoi qu’on entende et quoi qu’on dise. » La vie devient mauvaise et pénible pour les hommes, lorsque le mensonge prévaut sur la vérité.

45. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XIII. Du Corbeau, et du Renard. »

Car il se figure assez que la premiere action qu’il feroit en ce cas là, seroit de le chasser d’auprés de luy, et d’appeller à sa place un homme sincere et veritable. […] Quant à ce dernier poinct, il y a si peu d’hommes qui soient touchez d’une si juste et honneste consideration, qu’à peine s’en treuvera t’il un seul parmy des miliers ; Et pour le premier, l’experience fait voir aux Grands, qu’ils se trompent fort de croire qu’ils soient purement et veritablement aymez. […] Car pour nostre regard, il se peut faire que nous soyons esblouys de sa majesté, ou saisis de la crainte de ses jugements, qui sont deux conditions capables d’empescher l’amitié d’homme à homme, et ne sont compatibles qu’avecque l’amitié de l’homme à Dieu ; au lieu que le Prince nous peut regarder, sans estre frappé de peur, n’y d’esblouyssement. […] Car l’esprit de l’homme se porte bien aisément de l’honneste et du delectable à l’utile, principalement si le profit qu’il pretend est compatible avecque la probité. […] Les Livres sont des amis qui ne trompent point ; on y peut voir l’Image de la Verité, que les hommes vivants ne nous transmettent qu’à travers des rideaux : c’est là qu’il est raisonnable de s’exprimer, au lieu de faire comme le Corbeau, qui se persuade non seulement d’estre blanc, mais encore de bien chanter, et laisse tomber la proye en la gueule de son flatteur.

46. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 9 » pp. 277-277

L’hirondelle engageait le rossignol à loger sous le toit des hommes et à vivre avec eux, comme elle-même. Le rossignol répondit : « Je ne veux point raviver le souvenir de mes anciens malheurs : voilà pourquoi j’habite les lieux déserts. » Cette fable montre que l’homme affligé par quelque coup de la fortune veut éviter jusqu’au lieu où le chagrin l’a frappé.

47. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Du Pays, et de la condition d’Esope. Chapitre J . »

Je sçay qu’il s’est trouvé plusieurs grands hommes, de qui la plume excellente s’est employée à nous mettre par écrit l’estat des choses du monde, et leurs naturelles revolutions, affin d’en pouvoir laisser quelque memoire à la posterité. […] Doncques cét excellent homme, qui durant sa vie se proposa dans l’esprit l’image d’une Republique de Philosophes, et qui ne mit pas tant la Philosophie dans les paroles, que dans les actions, fut de condition servile, et natif d’Ammorion, ville de Phrygie, que l’on surnommoit la grande. […] Car la Nature ayant fait naistre Esope d’un Esprit libre, la Loy des hommes livra son corps à la servitude.

48. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LV. Du Vautour, et des autres Oyseaux. »

Le Vautour de ceste Fable imite la cruauté de certains hommes dénaturez, qui sous l’apparence d’une courtoisie empruntée, rendent de pernicieux offices aux Innocents, et font mourir quelquesfois ceux qui se fieroient en eux de leur propre vie. […] Quelle honte, ô bon Dieu, que des hommes créez sociables par la Nature, et susceptibles de bien-veillance, se servent des actions les plus humaines en apparence pour executer des cruautez inoüyes, et les plus tragiques effects de leur vengeance ? […] Pour mieux en oster la desfiance, on met jusqu’aux baisers en usage ; Tesmoin le plus execrable de tous les hommes, la perfidie duquel osa bien s’attaquer à Iesus Christ, qui luy representa l’horreur de son crime par ces paroles. « Amy, pourquoy t’en es-tu venu trahir le Fils de l’Homme avec un baiser ?  […] Mais diray-je, sans que les cheveux me herissent sur la teste, que parmy les hommes il s’en est trouvé de si execrables, que de se vouloir servir de la saincte Hostie, pour donner la mort à leurs Ennemis, en mesme temps que Dieu se donnoit à Eux pour vivifier leur ame ?

49. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — De quelles viandes Esope traicta les Hostes de Xanthus. Chapitre XIV. »

» « Nenny », respondit Esope. « Vilain bout d’homme », continüa Xanthus, « ne t’avois-je pas commandé d’achepter tout ce que tu trouverois de bon, et d’excellent ?  […] Mais je voudrois bien sçavoir, s’il y a rien de meilleur que la Langue, en ceste vie mortelle : Nenny, sans doute, puis qu’il n’est point de doctrine, ny point de Philosophie, qui par son moyen ne soit enseignée aux hommes. Par elle nous donnons et reçevons : Par elle on fait des harangues, des prieres, des compliments : on plaide des causes : on paroist éloquent : on traicte les mariages : on bastit les villes : on pourvoit à la seureté des hommes : Et pour le dire en un mot, par elle mesme nostre vie se maintient : par où l’on peut voir qu’il n’y a rien de meilleur que la langue ».

50. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXII. Du Loup, et de la Truye. »

Car encore que l’homme du monde qui a le plus d’habitude au vice, ne soit pas incapable d’une action vertueuse, si est-ce qu’il deshonore en quelque façon les gents de bien, lors qu’il les approche pour les assister, à cause qu’il rend leur Vertu suspecte, et semble la vouloir faire dépendre de sa malice. Ce fut pour cela que les Ephores de Sparte eurent jadis bonne grace lors qu’en oyant un advis salutaire qui leur estoit proposé par un Meschant, ils s’adviserent de le faire dire au peuple par un homme de bien, comme ne voulant pas que la conservation de Lacedemone fust deuë à une personne indigne du nom de Sparte, ny que ceste Republique qui avoit pris naissance dans la vraye et parfaite probité, reçeût aucun avantage de son contraire. Il me seroit bien aisé d’alleguer d’autres Histoires de grands et excellents Personnages qui ont refusé l’amitié des Vicieux, bien qu’elle leur semblast étre profitable dans le monde, et reputé leur loüange à blasme, comme fist un ancien Philosophe, qui sçachant qu’un homme fort desbordé disoit tousjours du bien de luy ; « Et moy », dit-il, « je me plais à le blasmer incessamment ».

51. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XVI. Du Lion, et du Rat. »

Je laisse à part les Histoires, qui démonstrent la recognoissance des hommes envers les hommes, et combien il a valu à quelques-uns d’avoir esté courtois et officieux. Il faudroit alleguer des volumes entiers, pour la preuve de ceste mesme recognoissance, qui ne me semble que trop commune d’homme à homme, puis qu’elle a passé jusques aux animaux. […] Voicy le Lion hoste de l’homme, voicy l’homme, Medecin du Lion.

52. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 2 » p. 99

Un homme, ayant fabriqué un Hermès de bois, l’apporta au marché et le mit en vente. […] — C’est que moi, répondit-il, j’ai besoin d’un secours immédiat, et que lui n’est jamais pressé de procurer ses bienfaits. » Cet apologue convient à un homme bassement intéressé et qui ne se soucie même pas des dieux.

53. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 131 » p. 111

Il répondit : « Si je détourne les yeux de lui, c’est qu’au temps où j’étais parmi les hommes, je le voyais presque toujours acoquiné aux méchants. » Cette fable pourrait se conter à propos d’un homme enrichi par la fortune, mais méchant de caractère.

54. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XVII. L’Homme entre deux âges, et ses deux Maistresses. » p. 31

L’Homme entre deux âges, et ses deux Maistresses. Un homme de moyen âge,
 Et tirant sur le grison,
 Jugea qu’il étoit saison
 De songer au mariage.


55. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — VIII. L’Homme et l’Idole de bois. » p. 285

L’Homme et l’Idole de bois. […] Bien plus, si pour un sou d’orage en quelque endroit S’amassoit d’une ou d’autre sorte, L’homme en avoit sa part, et sa bourse en souffroit.

56. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 61 » pp. 285-285

Chambry 61 Chambry 61.1 Ἄνθρωπος καταθραύσας ἄγαλμα — L’homme qui a brisé une statue. […] Un homme avait un dieu de bois, et, comme il était pauvre, il le suppliait de lui faire du bien. […] L’homme le ramassa et s’écria : « Tu as l’esprit à rebours, à ce que je vois, et tu es un ingrat ; car, quand je t’honorais, tu ne m’as point aidé, et maintenant que je viens de te frapper, tu me réponds en me comblant de bienfaits. » Cette fable montre qu’on ne gagne rien à honorer un méchant homme, et qu’on en tire davantage en le frappant.

57. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Esope instruit Ennus, et luy donne des preceptes pour vivre en homme de bien. Chapitre XXVII. »

Esope instruit Ennus, et luy donne des preceptes pour vivre en homme de bien. […] Ne te separe jamais d’avecque ta femme, de peur qu’elle ne vueille faire essay d’un autre homme que de toy : Car les femmes tiennent cela de leur sexe d’estre naturellement volages, et moins portées au mal quand on les sçait avoir par la flatterie : Ne preste point l’oreille à des paroles legeres, et ne parle que fort peu. […] Ne te repens jamais d’estre homme de bien.

58. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 258 » p. 175

Or, ayant levé les yeux vers le platane, ils se dirent l’un à l’autre : « Voilà un arbre qui est stérile et inutile à l’homme. » Le platane prenant la parole : « Ingrats, dit-il, au moment même où vous jouissez de ma bienfaisance, vous me traitez d’inutile et de stérile. » Il en est ainsi chez les hommes : certains sont si malchanceux que, même en obligeant leurs voisins, ils ne peuvent faire croire à leur bienfaisance.

59. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 304 » pp. 266-266

Jadis Prométhée, ayant façonné les hommes, suspendit à leur cou deux sacs, l’un qui renferme les défauts d’autrui, l’autre, leurs propres défauts, et il plaça par devant le sac des défauts d’autrui, tandis qu’il suspendit l’autre par derrière. Il en est résulté que les hommes voient d’emblée les défauts d’autrui, mais n’aperçoivent pas les leurs.

60. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 215 » p. 152

Un brigand, ayant assassiné un homme sur une route, et se voyant poursuivi par ceux qui se trouvaient là, abandonna sa victime ensanglantée et s’enfuit. […] Et le mûrier lui dit : « Je ne suis pas fâché de servir à ton supplice : c’est toi en effet qui as commis le meurtre, et c’est sur moi que tu en as essuyé le sang. » Il arrive souvent ainsi que des hommes naturellement bons, quand ils se voient dénigrer par des calomniateurs, n’hésitent pas à se montrer méchants à leur égard.

61. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre sixiéme. — XVIII. Le Chartier embourbé. » p. 291

Le pauvre homme estoit loin De tout humain secours. […] Oüy, dit l’homme.

62. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 46 » pp. 34-34

Chambry 46 Chambry 46.1 Ἀνὴρ ἀδύνατα ἐπαγγελλόμενος — L’homme qui promet l’impossible. […] Un homme pauvre était malade et mal en point. […] » Cette fable montre que les hommes font facilement des promesses qu’ils n’ont pas l’intention de tenir effectivement.

63. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 115 » pp. 68-68

Deux hommes qui se haïssaient naviguaient sur le même vaisseau ; l’un s’était posté à la poupe et l’autre à la proue. Une tempête étant survenue et le vaisseau étant sur le point de couler, l’homme qui était à la poupe demanda au pilote quelle partie du navire devait sombrer la première. « La proue, » dit le pilote […] « Alors, reprit l’homme, la mort n’a rien de triste pour moi, si je dois voir mon ennemi mourir avant moi. » Cette fable montre que beaucoup de gens ne s’inquiètent aucunement du dommage qui leur arrive, pourvu qu’ils voient leurs ennemis endommagés avant eux.

64. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 350 » pp. 39-39

Comme le gui venait de pousser, l’hirondelle, sentant le danger qui menaçait les oiseaux, les assembla tous et leur conseilla avant tout de couper le gui aux chênes qui le portaient ; mais si cela leur était impossible, de se réfugier chez les hommes et de les supplier de ne pas recourir à l’effet de la glu pour les attraper. […] Alors elle se rendit chez les hommes et se présenta en suppliante. […] Il arriva ainsi que les autres oiseaux furent pris et mangés par les hommes, et que seule, l’hirondelle, leur protégée, nicha même sans crainte dans leurs maisons.

65. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXV. Du Renard, trahy par le Coq. »

En effect, si c’est presque une foiblesse d’esperer un vray service de ceux qui se disent nos amis, veu la grande tromperie qui se trouve d’ordinaire parmy les hommes, n’est ce pas une espece de manie d’en attendre de nos Ennemis, ou pour le moins de ceux qui le devroient estre ? Est-il bien possible que nous ayons oublié nos actions jusques-là, que de ne nous souvenir plus du sujet que nous pouvons avoir donné à un homme, de se plaindre de nous ? […] Mais quand mesme il y auroit des hommes assez heroïques pour une semblable action, nous ne pourrions les employer, sans chocquer la bien-seance.

66. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XIV. Simonide préservé par les Dieux. » p. 522

Chacun estant en belle humeur,
 Un domestique accourt, l’avertit qu’à la porte
 Deux hommes demandoient à le voir promptement.
 […] Ces deux hommes estoient les gemeaux de l’éloge.
 […] Chacun cria miracle ; on doubla le salaire
 Que meritoient les vers d’un homme aimé des Dieux.


67. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXI. De la Fourmy, et de la Cigale. »

S’il ne reste aux vieillards pour le soulagement de leurs chagrins, que le repos et le respect dont la jeunesse est obligée de leur donner des témoignages continuels, n’est-ce pas une maniere de desespoir à ces pauvres gents, de se voir accueillis d’une inquietude necessiteuse, et abandonnez au mespris de tous les autres hommes ? […] Ce Prince des Poëtes ayant pris naissance de parents incognus, et passé toute sa vie en l’étude des lettres hors de sa Province, et mesme estant privé du plus agreable de nos sens, à sçavoir de la veuë, se trouva sur le declin de son âge, accueilly d’une pauvreté si grande, qu’il estoit reduit à la mercy des autres hommes, pour trouver du pain, et ne mangeoit que ce qui luy estoit charitablement donné. […] Voylà l’exemple de deux hommes, qui ont eu l’esprit assez fort pour souffrir en patience une pauvre et contemptible vieillesse. […] Ils eurent encore un grand advantage sur les autres, en ce que la plus espineuse de toutes les circonstances en telle nature d’accidents, estant celle qui nous fait tomber de la vie paresseuse à la penible, ces excellents hommes n’y trouverent point ceste difficulté. […] Ce qu’ils font asseurément d’un pur zele, et non par aucune consideration humaine, comme gents qui ne mendient que pour l’amour de Jesus-Christ, et qui rejettent bien loing ceste honte, dont Cardan veut qu’ils ne soient affranchis, qu’à cause du general consentement des hommes.

68. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXIII. De la Fourmy, et de la Mouche. »

Quant à ceste liberté de voler dans les airs, que la Mouche s’attribuë, celle-cy l’impute à legereté, donnant à entendre par là, que les hommes qui vont dans le grand air, c’est à dire qui se jettent dans la haute volée, sont pour l’ordinaire sujets à l’inconstance. […] Car c’est une maxime reçeuë parmy tous les gents d’esprit, que l’homme qui ne desire point une chose, n’est pas moins heureux, que celuy qui la possede. […] Ce que mesme ne des-advoüeront pas les Courtisants, ny les hommes engagez dans les plus importantes affaires d’un Estat, du moins si les corruptions où ils sont tous les jours enveloppez, leur laissent assez de vertu dans l’ame, pour dire au vray leurs sentiments. Aussi voyons nous que les grands hommes, qui ont pris le plus de part aux choses importantes et malaisées, sont ceux là mesme qui ont aussi le plus estimé la vie tranquille, et qui l’ont mise dans leurs escrits en un plus haut poinct de loüange et d’approbation. […] Je ne sçay donc point quelle peut estre la cause du mescontentement de ces grands hommes.

69. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XLV. Du Loup, et du Chien. »

Socrate, Platon, et Diogene, preschoient l’obeyssance au Magistrat ; Et Jesus-Christ mesme, quoy qu’il fust Dieu, et le plus parfaict des hommes tout ensemble, n’a pas laissé de déferer au Commandement des Puissances terriennes, pour nous apprendre à le faire sans murmurer. […] A ceste occasion nous disons à fort bon droict, que celuy-là n’est pas digne de la santé, qui en abuse trop imprudemment, et que les richesses sont mal deües à l’homme qui en est prodigue, ou qui n’en fait part à personne. Or c’est perdre les principaux avantages de l’homme, que de rechercher la servitude. Car, comme les Chrestiens et les Payens mesme l’asseurent, ce qui fait differer l’homme des animaux, et qui luy donne de l’avantage par dessus eux, c’est la liberté de vouloir, et d’agir, causée par le raisonnement et par la volonté. […] D’ailleurs, tandis que son entendement est presque tous-jours occuppé à raisonner sur les intentions des autres, à conçevoir leurs commandements, et à digerer les moyens de les mettre en execution : il se dérobe le loisir d’entretenir ses propres pensées, et cesse par consequent d’estre veritablement homme.

70. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CIV. De la Corneille, et de la Cruche. »

On dit que nostre Esope estoit de ceste opinion, et qu’il étoit l’homme de son temps qui sçavoit le mieux expliquer les voix des bestes, et les chants des oyseaux. […] Or n’est-ce pas assez pour définir l’homme, de dire qu’il est un Animal ; autrement nous pourrions inferer, qu’il est un Chien, un Cerf, ou un Leopard. […] Ce qui ne se peut faire sans le discours, qui est l’instrument de la cognoissance ; le discours donc appartient à l’homme, et non pas aux autres Animaux. […] Par où, sans doute, cét excellent homme nous veut apprendre, que la Prudence sans la Force peut beaucoup, comme au contraire la Force sans la Prudence ne peut rien. […] Avec elle jamais un homme n’a esté des-honoré pour un longtemps, ny un Estat perdu tout à fait.

71. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 159 » pp. 122-122

Et lui, sur le point d’être immolé par eux, les pria de le relâcher, alléguant qu’il était utile aux hommes, en les éveillant la nuit pour leurs travaux. « Raison de plus pour te tuer, s’écrièrent-ils ; car, en éveillant les hommes, tu nous empêches de voler. » Cette fable fait voir que ce qui contrarie le plus les méchants est ce qui rend service aux gens de bien.

72. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 267 » pp. 182-182

Un homme, ayant mis une statue de dieu sur le dos d’un âne, le conduisait à la ville. […] il ne manquait plus que cela, de voir un âne adoré des hommes. » Cette fable montre que ceux qui font vanité des avantages d’autrui prêtent à rire à ceux qui les connaissent.

73. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XVIII. La Chate metamorphosée en Femme. » p. 50

Un homme cherissoit éperdument sa Chate ; Il la trouvoit mignonne, et belle, et delicate ; Qui miauloit d’un ton fort doux. […] Cet Homme donc par prieres, par larmes, Par sortileges et par charmes, Fait tant qu’il obtient du destin, Que sa Chate en un beau matin Devient femme, et le matin mesme Maistre sot en fait sa moitié.

74. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — La mort d’Esope. Chapitre XXX. »

Comme on le menoit ainsi à la mort, il leur disoit en s’y en allant. « Au temps que les bestes parloient, le Rat ayant fait amitié avec la Grenoüille, luy voulut donner à souper, et l’amena pour cét effect au Cellier d’un riche homme, où il y avoit quantité de viandes, l’invitant à se saouler par ces mots qu’il luy reïteroit, “Mange m’amie Grenoüille”. […] Mais il n’y fust pas plustost entré, qu’ils l’en retirerent tous irritez, et le menerent au lieu du supplice, où auparavant qu’arriver, il leur conta ceste fable. « Escoutez moy », leur dit-il, « hommes Delphiens. […] Voyant donc qu’il ne les pouvoit fléchir en façon quelconque, il se mit à leur faire cét autre conte. « Hommes cruels et meurtriers », reprit-il, « donnez-vous la patience d’écouter ce que j’ay encore à vous dire. […] C’est de la mesme façon que je m’attriste, pource que ce ne sont pas des gens de courage et d’honneur qui me font mourir ; mais des hommes de peu, et qui ne peuvent estre pires qu’ils sont ». […] Depuis, les principaux d’entre les Grecs, et les plus sçavans hommes de ce temps-là, estans advertis de la fin tragique d’Esope, s’en allerent tous en Delphes, où s’estans enquis de ceux qui avoient esté les autheurs de sa mort, ils en firent la vengeance eux-mesmes.

75. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 28 » p. 25

On dit que, pour se garder contre les hommes qui le chassent, il niche dans les rochers du rivage. […] » C’est ainsi que certains hommes, qui se tiennent en garde contre leurs ennemis, tombent, sans qu’ils s’en doutent, sur des amis beaucoup plus dangereux que leurs ennemis.

76. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 105 » pp. 76-76

en fuyant les hommes, je me suis jetée dans les pattes d’une bête féroce. » Ainsi parfois les hommes, par crainte d’un moindre danger, se jettent dans un plus grand.

77. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 311 » pp. 205-205

Un homme riche avait deux filles. […] L’autre fille dit à sa mère : « Nous sommes bien malheureuses : c’est nous que regarde le deuil et nous ne savons pas faire les lamentations, tandis que ces femmes, qui ne nous sont rien, se frappent et pleurent avec tant de violence. » La mère lui répondit : « Ne t’étonne pas, mon enfant, si ces femmes font des lamentations si pitoyables : elles les font pour de l’argent. » C’est ainsi que certains hommes, poussés par l’intérêt, n’hésitent pas à trafiquer des malheurs d’autrui.

78. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 60 » pp. 35-35

Chambry 60 Chambry 60.1 Ἄνθρωπος καὶ σάτυρος — L’homme et le satyre. […] Jadis un homme avait fait, dit-on, un pacte d’amitié avec un satyre. L’hiver étant venu et avec lui le froid, l’homme portait ses mains à sa bouche et soufflait dessus. […] Comme le mets était très chaud, l’homme le prenant par petits morceaux, les approchait de sa bouche et soufflait dessus.

79. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCIX. Du Sapin, et du Buisson. »

Cela se prouve par toutes les inductions des choses crées ; par la commune opinion des hommes, par les proverbes, et par les raisons. Car l’on ne peut mettre en doute que l’excez ne soit nuisible, au lieu que la mediocrité est une chose commode à la nature du monde, et particulierement à celle des hommes. […] Je dis donc, que l’estat de la richesse immoderée est pernicieux à l’homme, autant qu’une chose le peut estre, c’est à dire, à l’ame et au corps tout ensemble. […] Les plus riches hommes de l’Antiquité doivent estre considerez, ou comme Souverains, ou comme Particuliers. […] Or ces deux sortes d’inconvenients sont beaucoup plus frequents à l’homme riche qu’au pauvre, et par consequent la richesse est plus ruyneuse au corps, que la mediocrité.

80. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XVIII. De l’Arondelle, et des autres Oyseaux. »

Alors l’Arondelle quittant la compagnie de tous les autres Oyseaux, rechercha celle de l’homme, avec qui elle fit amitié, d’où vient qu’elle demeure maintenant avecque luy, et le resjouït de son chant, au lieu que luy-mesme chasse les autres, et se sert du lin, pour faire des rets et des lacets à les prendre. […] Mais de quelque source que naisse ceste imprudence, soit de l’une de ces causes soit de toutes ensemble, c’est tousjours un dangereux effect parmy les hommes, et qui ne leur laisse pour tout remede que ces paroles, ô que si je l’eusse pensé ! […] Ce qu’Esope a fort judicieusement remarqué en la personne de l’Arondelle, qui voyant que les autres Oyseaux mesprisoient les profitables enseignements qu’elle leur avoit donnez, changea de party contre leur esperance ; Et se tournant du costé de l’homme, elle y trouva plus de satisfaction qu’avec ses premiers compagnons.

81. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXII. Du Chat, et du Coq. »

Le Chat s’estant jetté sur le Coq, et n’ayant pas autrement sujet de le traitter mal ne sçeut que luy reprocher, sinon qu’il étoit un importun, qui par son chant éveilloit les hommes, et les empeschoit de reposer. « Ce que j’en fais », respondit le Coq en s’excusant, « est pour leur profit, affin qu’ils se levent pour s’en aller travailler ». « Tu as beau dire », reprit le Chat, « cela n’empesche pas que tu ne sois meschant, et vilain jusques à ce poinct, que pour assouvir ta lubricité, tu as à faire à ta Mere, et n’espargnes pas mesmes tes sœurs ». […] Car comme il n’est point d’homme si vertueux dans le monde, en la vie duquel il n’y ait tous-jours quelque chose à dire : aussi n’en est-il point de si abandonné, qui ne trouve un pretexte à ses malices, et ne colore ses actions par une assez specieuse apparence. […] Aussi est-ce devant elle que les Puissants sont foibles, et mal armez, que les Malings ne produisent aucuns faux tesmoins : que les Nobles n’alleguent point d’alliance, que les Innocents ne craignent plus d’oppression, que les Vertueux pretendent des recompenses, et devant qui finallement la difference des hommes ne se fait que par les Vertus, ou par les Vices qu’ils ont acquis.

82. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XX. Testament expliqué par Esope. » p. 512

Un certain homme avoit trois filles, Toutes trois de contraire humeur. […] Cet Homme par son Testament Selon les Loix municipales, Leur laissa tout son bien par portions égales, En donnant à leur Mere tant ; Payable quand chacun d’elles Ne possederoit plus sa contingente part. […] Le peuple s’étonna comme il se pouvoit faire Qu’un homme seul eust plus de sens Qu’une multitude de gens.

83. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 171 » pp. 125-125

La corneille conçut de la jalousie contre le corbeau, parce qu’il donne des présages aux hommes, qu’il leur annonce l’avenir et que pour cette raison il est pris à témoin par eux ; aussi voulut-elle s’arroger les mêmes privilèges. […] À sa voix, les voyageurs se retournèrent, effrayés ; mais l’un d’eux prenant la parole dit : « Allons, amis, continuons notre chemin : ce n’est qu’une corneille, ses cris ne donnent pas de présage. » Il en est ainsi chez les hommes : ceux qui rivalisent avec de plus forts qu’eux, non seulement ne peuvent les égaler, mais encore ils prêtent à rire.

84. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 347 » p. 271

Aussitôt qu’il paraissait, personne ne restait plus en repos ; l’un allait aux prés ou aux bois, se plaisant à cueillir des fleurs, des lis et des roses, à les faire tourner devant ses yeux et à les mettre dans ses cheveux ; l’autre s’embarquait, et, à l’occasion, traversait la mer pour aller voir d’autres hommes ; personne ne prenait plus souci des vents ni des averses épaisses. « Moi, ajoutait-il, je ressemble à un chef et à un monarque absolu. Je veux qu’on tourne ses yeux, non pas vers le ciel, mais en bas vers la terre, et je force les gens à craindre et à trembler, et à se résigner parfois à garder le logis toute la journée. — C’est pour cela, répondit le Printemps, que les hommes ont plaisir à être délivrés de ta présence.

85. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXVI. Du Chat, et des Rats. »

Car comme le diable, qui est leur Prince, se déguise quelquesfois en Ange de lumiere, pour seduire les hommes, il arrive tout de mesme que les meschans se couvrent d’une fausse contrition de leurs malices, et témoignent un feinct repentir, pour r’atrapper dans leurs pieges ceux qu’ils y ont une fois tenus. Mais qui sera l’homme si ennemy de soy-mesme, que se fier à leurs impostures, principalement apres en avoir porté la penitence ?

86. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXIV. De l’Homme, et d’une Idole. »

De l’Homme, et d’une Idole. Un Homme avoit en sa maison une Idole de bois, qu’il pria de luy faire quelque bien ; Mais plus il la prioit, et plus il devenoit pauvre. […] Et comment nostre Esope mesme, qui n’avoit pas moins de sagesse que les plus sobres Esprits, et à qui Plutarque a voulu assigner une place au Banquet des sept Sages, auroit-il religieusement introduit en ceste Fable un homme si peu respectueux envers son Dieu, que de le mettre en pieces, et luy dire quantité d’injures, apres l’avoir ainsi mal traité ? […] Ne voyons nous pas multiplier en peu d’années l’heritage des hommes injustes, voire mesme s’accroistre jusques à une prodigieuse grandeur ?

87. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XC. De deux Chiens. »

Car les hommes, au lieu de ne s’appliquer qu’à la juste loüange qui est deuë à l’action de mediocrité, pource que la Vertu ne consiste qu’en elle seule, ont outre passé le poinct du milieu, et sont venus à loüer l’extrême, non pas celuy qui demeure au deçà de la mediocrité, mais cét autre, qui s’estend au delà de ses limites. […] Ainsi loüons-nous dans les compagnies un homme de belle humeur, ou, si vous voulez, qui est Facecieux et Bouffon, ne jugeant pas au contraire qu’il faille souffrir un Melancholique, ou un Estourdy. De là s’est ensuivy que les premiers hommes d’entre les Sages ayant condamné ce qui leur sembloit mauvais, et tous d’un commun accord approuvé le bien, c’est à dire la mediocrité, nous les avons outre-passez à force de les vouloir imiter. […] En un mot, plus un homme en a fait mourir d’autres, et plus on l’estime digne de vivre, comme si les vrais effects du courage ne consistoient qu’à imiter la cruauté des Ours et des Tygres, et à s’entre-tuër inhumainement sur une simple imagination, et pour la moindre picoterie.

88. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXIII. D’un Homme qui avoit deux femmes. »

D’un Homme qui avoit deux femmes. […] Comme au contraire, s’ils l’aiment autant ou plus qu’avant la Nopce, ô la honteuse condition d’un pauvre homme ! […] N’est-ce pas une belle chose à voir, qu’un Vieillard assotté prés d’un enfant, ou si vous voulez, qu’un homme qui devroit donner des Loix aux Republiques, en reçoive d’une petite Niaise, qui ne sçaura pas seulement conter son âge ? […] Que cela ne soit, considerez un peu, je vous prie, avec quelle bien-seance un homme avancé en âge se peut reduire à complaire et à cajoler ? […] Mais pour ne faire ressembler mon discours à quelque regime de Medecin, je viens à une raison plus delicate pour prouver la misere des hommes âgez, quand ils se rendent amoureux de telles femmes.

89. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 310 » pp. 204-204

Un homme riche vint demeurer près d’un tanneur. […] Comme leur débat se renouvelait sans cesse, il advint à la longue que l’homme riche s’habitua à l’odeur et cessa d’importuner le tanneur.

90. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XI. De l’Aigle, et de la Corneille. »

Le noble et courageux Oyseau de Jupiter instruit aujourd’huy par son exemple, les hommes, qui avec trop de franchise et de simplicité, se gouvernent par le conseil des Trompeurs, car ayans suivy celuy de la Corneille, il se trouva n’avoir esté que le cuisinier de ce vil animal, et luy avoir appresté en mesme temps, et à manger et à rire. […] Ceux-cy trament des menées artificieuses avec un but interessé, et sur le poinct que leurs pratiques s’en vont esclorre, ils se tiennent aux aguets pour en voir l’issuë, et rencontrent à la fin leur accommodement dans les fatigues des autres hommes, avec lesquels ils ont fait une amitié de dessein, et qui n’est ny noble ny vertueuse. […] D’ailleurs, comment pourra travailler l’homme interessé, pour le contentement de celuy qu’il ayme, si sa reflection va premierement à luy seul ?

91. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXII. De la Brebis, et de la Corneille. »

Premierement les hommes puissants et injurieux se peuvent representer qu’ils ne tiennent leur force que de Dieu, qui ne la leur donne point à dessein d’affliger les foibles, mais plustost pour leur faire du bien, et les secourir. […] Quel honneur est-ce à un homme riche et bien qualifié, de venir à bout d’un petit ennemy, qui n’a non plus de force qu’un vermisseau, et qui succumbe au premier coup qu’on luy porte ? Telles et autres meditations peuvent rappeller un homme de l’injustice, et le rendre non seulement moins rude, mais encore tres misericordieux envers les petits.

92. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXVI. De la Tortuë, et de l’Aigle. »

Car les hommes peuvent déchoir de leur fortune, ou par leur propre faute, ou par l’envie, et la malignité d’autruy, ou par le seul malheur de leur vie. […] Dequoy sont cause en partie les animositez qu’ils suscitent à l’encontre d’eux, estant bien plus ordinaire aux hommes de murmurer contre ceux qui changent de condition, que contre les autres, d’autant que c’est un effect moins commun, et qu’ayant eu plus d’égaux en leur premiere bassesse, ils ont par consequent plus d’Envieux, puis que selon Aristote, l’envie est entre les semblables. […] Quant à la troisiesme cause de leur achoppement, elle leur est, sans comparaison, beaucoup plus commune qu’aux hommes de condition, veu qu’il est presque asseuré, qu’apres un bonheur extrême, il arrive une disgrace infaillible.

93. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXVIII. De l’Asne vestu de la peau du Lion. »

On les descouvre aussi tost ; et n’est point d’homme de courage qui n’ait pitié de leur valeur pretenduë. […] Le seul Hypocrite, qui cache la malice et l’impieté sous le voile d’une fausse devotion, est capable de tenir les personnes plus long temps abusées, à cause que l’exercice de la Vertu n’est pas sujet à la censure des hommes, mais à celle de Dieu : Son espreuve se fait au Ciel, et non pas en terre. […] La mesme chose arriva, mais plus effroyablement, en la personne de ce fameux Docteur, que toute l’Université de Paris reputoit pour sainct personnage, et qui toutesfois, Dieu le permettant ainsi, se leva du cercueil par trois fois, pour publier sa condemnation, et des-abuser luy-mesme les hommes de l’opinion qu’ils avoient de sa saincteté.

94. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCV. Du Singe, et de ses Enfans. »

Telle fût encore la Mere de Brasidas, à qui un Ambassadeur estranger ayant voulu dire, pour luy complaire, qu’en la Cour de son Maistre on avoit en grande reverence la memoire et la vertu d’un tel homme, et qu’il estoit reputé parmy les autres nations le plus courageux de Lacedemone, elle luy fist ceste genereuse response ; « Estranger mon amy, ne doute point que tu ne t’abuses en ce jugement que tu fais de Brasidas : Je m’asseure qu’il estoit homme de bien, mais je sçay aussi que Sparthe en avoit beaucoup qui estoient meilleurs que luy ». […] ô esprit qui n’étoit ny foible ny interessé de l’amour propre, à la maniere des autres femmes, et des hommes mesmes, qui trouvent seulement loüable et beau ce qui est en leur possession ; Le reste, ils le jugent imparfaict, et de tout poinct defectueux, en cela semblables à ceste Lamie, qui portoit les pechez d’autruy dans le devant de sa besace, et les siens au derriere, pour ne les regarder jamais.

95. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXIII. De l’Enfantement des Montagnes. »

Je doute au commencement de ce Discours, si je le dois rapporter aux promesses des Arrogants et des Presomptueux, ou taxer generallement l’Orgueil et la Vanité des hommes, qui cherchent à se rendre immortels par des Bastiments, qui mettent sur pied des Armées, qui dévorent les Provinces entieres des yeux et du desir, et au partir de là, leur Ambition n’aboutit qu’à un peu de fumée. […] Mais laissons là leurs foiblesses, comme indignes de la censure d’un honneste homme ; et venons à faire une plus haute application de ce sujet, à sçavoir, à la vanité des plus grandes entreprises du monde. […] Le semblable aussi n’arriva-t’il pas en l’entreprise du Mont Athlas, à qui lon vouloit donner la forme d’un homme, en la separation de l’Isthme de Corinthe, et en celuy de la Mer Rouge ? […] Ce sera, sans doute, celuy qui par un excés d’Ambition met dix-huict cents mille hommes sur pied, et n’aboutit qu’à la desfaicte de son Armée, tandis que ce Philosophe se rit de la vanité de ce Temeraire, et qu’il condamne sa presomption, jugeant fort à propos avec Esope, que c’est la grossesse d’une Montagne, qui n’accouche que d’une Souris.

96. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LI. Du Paon, et du Rossignol. »

Le Paon se plaignoit à Junon, Sœur et Femme de Jupiter, de ce que le Rossignol chantoit doucement ; au lieu que pour son regard, il estoit moqué de tous les autres Oyseaux, à cause de sa voix déplaisante. « Mon amy, luy respondit Junon, les Dieux ont differemment partagé les dons aux hommes ; le Rossignol te surmonte à chanter, et tu le surpasses par la beauté du plumage ; Il faut donc que chacun se contente de sa condition ». […] Or ne croy-je pas qu’aucun homme raisonnable voulust contre-dire cette verité : autrement il faudroit advoüer que l’estat de maintenant ne pourroit pas estre appellé naturel ; ce qui seroit un miracle aussi bien que le reste. […] Car il se void d’ordinaire qu’un homme extrémement laid, sera doüé d’un esprit excellent, et s’il est stupide, ou hideux tout ensemble, il aura une tranquilité d’humeur, preferable à tous les agréements du monde. […] Ce qui doit asseurément obliger les hommes, non seulement à ne point mespriser ceux qui semblent imparfaicts, mais encore à estre contents de leur condition, et à remercier Dieu des biens qu’ils possedent, au lieu de se plaindre de ceux qu’ils n’ont pas.

97. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXVI. Du Renard, et du Chat. »

Car à foüiller dans l’obscurité des affaires, il n’y a point d’homme si aveugle à qui l’on oppose une finesse, qui ne trouve presque tous-jours le moyen de s’échapper par une autre ; Et cela, comme nous avons dit en quelque autre endroict, pource que toutes propositions ont deux faces. […] Il n’y a point de doute que la Romaine n’ait emporté l’avantage sur la Carthaginoise, soit en la durée de sa grandeur, soit en la prosperité de ses armes ; et toutesfois les Citoyens de Rome estoient si pleins de probité, qu’ils alloient volontairement jusques à Carthage, pour y mourir en gardant leur parole, comme fit Attilius, Et les autres tout au contraire, vivoient si fallacieusement, que leur coustume estoit passée en Proverbe : de sorte que pour encherir la perfidie d’un homme, on luy reprochoit d’avoir une foy Punique, c’est à dire Carthaginoise. Y eut il jamais des gents si fideles que les Lacedemoniens, ny des hommes si fallacieux que les Cretois ? […] Maintenant pour ce qui est de la subsistance particuliere des hommes, où trouvera t’on des Politiques qui ayent vescu avec moins de seureté que les Tyrans ?

98. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXII. D’un Enfant, et de sa Mere. »

L’on en peut dire de mesme des hommes d’affaires, parmy lesquels je veux croire qu’il y en a plusieurs d’incorruptibles en leur profession : mais il faut aussi que l’on m’advouë qu’il ne s’en trouve que trop, qui se servent d’un specieux pretexte de Justice et de Pieté, pour mieux authoriser leur voleries et leurs usures. Bref, il est presque asseuré, qu’aussi-tost qu’un homme a fait un excessif amas de richesses, la mauvaise conscience y a plus eu de part que la bonne. […] Que s’il est question de venir à la source de ce mal, l’on cognoistra que tels Voleurs, sur qui la justice des hommes s’exerce, ne tombent d’ordinaire en ceste disgrace, que pour n’avoir esté bien repris en leur Enfance, comme le remarque fort à propos nostre sage Phrygien. […] D’ailleurs, n’ayant à escrire que pour les Vertueux, ou pour ceux qui ont de la disposition à le devenir, il semble qu’ils ne doivent point prendre part à la reprehension que je fais contre un peché si ravallé, et si loin des infirmitez d’un honneste homme.

99. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — De l’affranchissement d’Esope. Chapitre XXIII. »

Xanthus rasseuré par ces paroles d’Esope, se resolut de le croire, et ne faillist point le lendemain de se trouver en la Maison de Ville, ou, suivant le conseil de son serviteur, il se mit à parler aux Assistants, qui le prierent incontinent de faire venir Esope A son arrivée, il se tint debout devant les Samiens, qui bien estonnez de voir un homme de ceste mine, s’en rioient ouvertement, et disoient tout haut. « Vrayment voila un bel homme, pour nous expliquer le Prodige, dont nous sommes si fort en peine. […] Mais apres que devant l’assemblée il eust estendu la main, et obtenu silence des assistans, « Hommes Samiens », dit-il, « d’où vient que ma mine vous est un subjet de raillerie ? sçavez-vous pas que c’est à l’esprit de l’homme, qu’il faut s’arrester, et non pas à son visage, puis que bien souvent dans un laid corps, la Nature ne laisse pas de cacher une belle ame ? […] Comme il se vit donc en liberté, et en pleine assemblée des Samiens ; « Messieurs », se mit-il à dire, « l’Aigle (comme vous sçauez) estant le Roy des oiseaux, ce qu’elle a ravy cét anneau, qui est une marque de puissance, et l’a laissé choir au sein d’un homme de servile condition, signifie que parmy les Roys, qui sont maintenant vivans, il y en a un, qui de libres que vous estes, vous veut rendre serfs, et annuller les loix que vous avez de si longtemps establies ». […] Ce qu’Esope ayant appris, et s’estant presenté devant l’assemblée, « Hommes Samiens », dit-il, « je tiens à singuliere faveur de ce que je m’en vay trouver le Roy Cresus, pour me jetter à ses pieds, et le saluër ; Mais auparavant, souffrez que je vous die une Fable.

100. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 97 » p. 248

Diogène, le philosophe cynique, insulté par un homme qui était chauve, répliqua : « Ce n’est pas moi qui aurai recours à l’insulte, Dieu m’en garde !

101. (1180) Fables « Marie de France, n° 90. L’homme et son instrument de mesure » p. 

Marie de France, n° 90 L’homme et son instrument de mesure Ci nus cunte d’un mesurur, que tere mesurot un jur.

102. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 88 » p. 246

ma ruse même n’a fait aucun effet sur toi, mon homme ; car non seulement tu n’es pas assagi, mais encore tu es devenu pire, et ton défaut est devenu une seconde nature. » Cette fable montre qu’il ne faut pas s’invétérer dans la mauvaise conduite ; car il vient un moment où, bon gré, mal gré, l’habitude s’impose à l’homme.

103. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LVIII. Du Chevreau, et du Loup. »

Voylà le moyen dont ils se servent pour satisfaire à leur animosité, qui n’est toutesfois pas moindre interieurement, que celle des autres hommes. […] Ils en sont doncques touchez à la maniere des autres hommes ; et n’ayant pas assez de force pour en venir aux effects, qui sont les vrays moyens de s’acquerir de l’estime, ils s’aydent pour cela des paroles, esperant d’ebloüyr les esprits foibles, et de se debiter pour hardis par la seule invention des injures. C’est cela mesme qui les rend querelleux en compagnie, pource qu’ils veulent imprimer une opinion de leur fierté, et prevenir les esprits des hommes avecque le son des paroles hardies, ce qu’ils ne font neantmoins que lors qu’ils se voyent en estat d’estre empeschez, ou separez, si d’avanture des outrages il en falloit venir aux mains.

104. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXIII. Du Renard, et du Buisson. »

Ne seroit-ce pas une grande stupidité de frequenter un meschant, ainsi qu’un homme de bien ? […] D’ailleurs, nous devons encore faire de la distinction quant à nos pratiques, et vivre tout autrement avecque les grands qu’avec les petits, estant bien certain que les hommes de haute condition ayment beaucoup le respect, et que l’on se trompe de s’arrester à leurs compliments. […] J’obmets plusieurs autres differences touchant la maniere de converser avecque les hommes, à cause qu’il me semble fort difficile de les exprimer, veu que le nombre n’en est pas moins grand que des conditions, et des humeurs des personnes.

105. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXVII. Du Liévre, et de la Tortuë. »

Aussi ne douté-je point que par la Tortuë on ne puisse entendre un esprit tardif, bien que vigilant ; par le Liévre, un courage prompt, mais mal-advisé ; et par le Renard un homme accort et ingenieux, qui ne juge que de ce qu’il voit, sans s’arrester à la vaine monstre des Presomptueux, ny à la trop bonne opinion qu’ils ont ordinairement de leur Vertu pretenduë. […] Toutesfois comme l’eau croupit insensiblement, et devient puante, si elle n’est remüée, et le feu s’esteint si on l’empesche d’agir, en luy ostant la matiere qui l’entretient ; Ainsi, pour en parler sainement, ny la beauté de l’esprit, ny la force du corps, ne sont que des qualitez inutiles à l’homme, s’il ne s’en sert au besoin, et s’il ne reduict la puissance en acte. […] Quant au second, je n’en veux point d’autre preuve que celle de ce prodigieux Milon de Crotone, que l’on tient avoir couru une stade entiere aux jeux Olympiques, portant sur ses espaules un Bœuf, qu’il tua d’un coup de poing, apres l’avoir déchargé ; Ce qui fut asseurément un pur effet de l’exercice et de l’habitude, par qui la Vertu cultivée, a de tout temps rendu merveilleuses, et comme incroyables, les actions des hommes extraordinaires.

106. (1180) Fables « Marie de France, n° 64. L’homme, le cheval et le bouc » p. 674

Marie de France, n° 64 L’homme, le cheval et le bouc Un riches hum, ceo dit, aveit un cheval, que vendre voleit, e un sun buc tut a un pris.

107. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 6 » pp. 275-275

Un jour un aigle fut pris par un homme. […] Mais un autre homme l’ayant acheté, lui arracha les plumes de l’aile, puis les fit repousser en en frottant la place avec de la myrrhe.

108. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Du second service de Langues. Chapitre XV. »

elle qui est souvent cause de la mort des hommes ? […] » Esope n’eust pas plustost achevé ces mots qu’un des Assistants se tournant vers Xanthus ; « Asseurément », luy dit-il, « si tu ne prends garde à toy, j’ay belle peur que ce poinctilleux ne te fasse devenir fol, Car tel qu’est son corps, tel est son esprit » ; Mais Esope le renvoya bien viste, et sans s’émouvoir autrement : « Va », luy dit-il, « tu me sembles étre un tres mauvais homme de te mesler des affaires d’autruy, et d’irriter sans raison le Maistre contre le serviteur ».

109. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XVI. La mort et le Buscheron. » p. 60

Mecenas fut un galand homme :
 Il a dit quelque part : Qu’on me rende impotent,
 Cu de jatte, gouteux, manchot, pourveu qu’en somme
 Je vive, c’est assez, je suis plus que content.
 […] Plûtost souffrir que mourir,
 C’est la devise des hommes.

110. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXX. De l’Aigle, et du Corbeau. »

Ceste maniere de presomption a esté remarquée par Esope, comme la plus commune de celles qui tombent d’ordinaire en praticque parmy les hommes, qui estans presque tous naturellement enclins à l’émulation, aspirent à de mesmes desseins que les autres, sans mesurer leurs forces avecque celles de leurs rivaux. […] La disproportion est si haute d’elle à nous, qu’il n’y a eu que les hommes extrémement grands et ambitieux qui ayent voulu se rendre Salmonées, c’est à dire, imitateurs du haut Jupiter. […] Car quelque imparfait que soit un homme, il n’y a point d’estude où il se rende si sçavant, qu’en la cognoissance de soy-mesme. […] En quoy le Presomptueux, qui s’imagine follement de pouvoir égaler les grands et excellens hommes, attire presque tous-jours sur soy-mesme une generalle risée.

111. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXI. Du Dieu Mercure, et d’un Charpentier. »

Durant ces choses, voila que Mercure émeu de pitié luy apparut, et s’enquit de la cause de sa plaincte, qu’il n’eust pas plustost cognuë que luy monstrant une coignée d’or, il luy demanda si c’estoit la sienne : Le pauvre homme ayant répondu franchement que ce ne l’étoit pas, Mercure luy en apporta une d’argent, que ce bon homme confessa pareillement n’estre pas à luy. […] A quel propos Esope auroit-il introduit un Dieu, pour la consolation de ce pauvre homme, si ce n’estoit à dessein de nous apprendre, que c’est en Dieu que les Vertueux ont à mettre leur espoir ? […] Que si nous les voyons bien avant dans les prosperitez du monde ; s’ils sont environnez d’une suitte de gens serviles, et peu genereux ; s’ils ébloüyssent les hommes de l’éclat de leur ostentation, il ne s’ensuit pas pour cela qu’on les doive croire heureux.

112. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XII. De l’Aigle, et du Renard. »

Est-ce que nostre Phrygien a voulu donner à entendre par ceste Fable, la grande foiblesse des hommes, qui ne sont jamais si bien confirmez en l’habitude d’une Vertu, qu’ils ne courent fortune de tomber le lendemain dans le vice contraire, et de deshonnorer en un moment toute la gloire qu’ils s’estoient acquise ? […] Mais si c’estoit là son intention, je ne serois pas d’accord avecque luy ; Car j’estime tout au contraire, que s’il faut manquer de parole à l’un des deux, à sçavoir à l’homme de bien, ou au meschant, il est presque plus à propos que ce soit au premier, pource qu’il tire de si grandes satisfactions de sa propre vertu, qu’il luy est aisé de prendre patience en toute sorte d’accidents, voire mesme de trouver des delices en sa mauvaise fortune. D’ailleurs, l’homme de bien estant d’ordinaire beaucoup plus traictable que le meschant, il est à croire, qu’il prendra nos excuses en meilleure part, et se laissera peu à peu gagner aux raisons que nous aurions euës de luy manquer de parole. […] Comme ils ne sont pas d’humeur de rien endurer, ils fulminent d’abord contre ceux qui leur ont fait la moindre fourbe ; Et quand mesme la tromperie seroit capable d’excuse, c’est à quoy ils ne se cognoissent point, mais ils se laissent emporter aux plaintes, et aux paroles outrageuses : Ils reclament la foy qu’on leur a promise : ils prennent à tesmoins les Dieux et les hommes : ils nomment l’imprudence, malice, et bref ils scandalisent le Vertueux, sous le nom d’Hypocrite. D’où l’on peut conclurre aisément, qu’il est moins pernicieux de manquer de parole aux Bons qu’aux Meschants, encore qu’à la verité ce soit une chose indigne d’un homme bien né de tomber en cét inconvenient envers qui que ce soit, si ce n’est d’avanture qu’il y ait un avantage si grand en cela, qu’il soit hors de toute proportion ; encore est-il necessaire, à mon opinion, qu’il se rapporte à la gloire de Dieu, ou à l’utilité publique.

113. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 114 » p. 310

Le sacrificateur lui dit : « Quand je considère le sacrifice, je prie pour que tu deviennes père ; mais quand je vois ta personne, tu ne parais même pas être un homme. »

114. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « A MONSIEUR. MONSIEUR. DE SAINCT SYMON, premier Gentil-homme de la Chambre. du Roy, et son premier Escuyer. »

Que sa laideur donc, je vous prie, sa mauvaise mine, et sa fortune encore pire, ne le vous fassent point rejetter : tout ce qu’il a de recommendable est interieur, il a corrigé ses defauts naturels par la force de sa raison ; et jamais homme n’a mieux que luy fait mentir les Physionomistes. […] Comme elle est immortelle en son essence, elle vous fera revivre à jamais, et dans l’Histoire de nostre temps, et dans les autres ouvrages des hommes de lettres. […] De mesme je m’asseure que vous ferez quelque cas de celles de ce Philosophe, non pas pour le plaisir qu’elles peuvent donner ; mais à cause des belles leçons qu’elles font aux hommes.

115. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE II. Du Loup, et de l’Aigneau. »

Le sage Inventeur n’a voulu representer autre chose par ceste seconde Fable, que l’oppression des petits par les Grands, qui est si commune dans le commerce des hommes, qu’il n’y en a point de foible, ou de mal accommodé, qui ne soit sous la domination de plusieurs Tyrans. […] Or quoy que le procedé que tiennent ordinairement ceux qui veullent accabler l’Innocence, soit en tout temps des-agreable à Dieu et aux hommes ; si est-ce que les plus artificieux ont accoustumé de le colorer d’un faux pretexte de justice, imitant le Loup de ceste Fable, qui imposoit au malheureux Aigneau d’avoir troublé l’eau de la riviere pendant qu’il beuvoit, quoy que la delicate bouche de cét animal ne peut faire beaucoup d’agitation, eu égard à la distance qui estoit entre l’un et l’autre. […] Mais quand les hommes se voudront souvenir qu’il y a une justice au Ciel, pour la protection des Innocens, et que devant Dieu, le fort n’a pas plus d’avantage que le foible, je m’asseure qu’ils seront bien dénaturez, s’ils continüent en leur malice, et croy au contraire, qu’ils reduiront, le plus qu’il sera possible, leur mauvaise humeur à une vertueuse esgalité.

116. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE IV. Du Cerf, et de la Brebis. »

Or pour transferer aux hommes ce fabuleux exemple des animaux, et tirer quelque avantage de l’instruction de nostre Phrygien ; comme ce n’est pas le tesmoignage d’une vertu heroïque, de signer une imposture contre soy-mesme pour la crainte d’une violence, aussi n’est-ce point une meschanceté que de la refuser, en alleguant la contraincte dont l’on a usé, pour nous faire avoüer debiteurs. […] A cela l’on peut adjouster, que par cét adveu contre son profit particulier, l’on ne fait tort ny à Dieu, ny aux hommes, ny à soy mesme : A Dieu, pource qu’en la distribution qu’il a faite des biens du monde, il ne nous a pas rendu possesseurs des nostres propres, à condition de les maintenir au peril mesme de nostre vie, qui est un bien infiniment plus cher qu’un heritage, ou une dignité, qui n’en sont que les accessoires. […] Mais quant à nos propres successions, il est permis à qui que ce soit d’y renoncer, plustost qu’à sa vie, voire mesme à sa seureté, pource qu’en cela il n’y a rien qui offence la majesté divine, non plus que les hommes, qui n’ont nulle part à ce qui nous appartient ; et pour ceste raison ne se peuvent plaindre, de quelque façon que nous en usions.

117. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE VII. Du Loup, et de la Gruë. »

Que celuy-là donc s’estime heureux avec la Gruë d’Esope, qui estant engagé dans l’intrigue des meschants, en peut eschapper, sans ressentir contre soy-mesme les effects de leur iniquité, et que cependant tout homme sage se garde bien de leur rendre aucune sorte de bons offices, si ce n’est d’avanture ceux qu’enseigne la vraye Charité, ne leur donnant pas loisir d’infecter nostre renommée par leur hantise, et de tourner contre nous-mesmes l’exercice de leurs desseins. […] Car outre que ce n’est pas le propre d’un genereux courage de faire une courtoisie avec l’espoir d’en estre payé, ce seroit de plus une chose ridicule de le penser estre bien à propos par de meschants hommes. Car celuy qui a mis en arriere le souvenir de ce qu’il doit à Dieu et à soy-mesme, comment s’acquitera-t’il religieusement de ce qu’il doit à un homme tout seul ?

118. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXI. Du Geay. »

Ces Ambitieux sont à la fin découverts, pour n’estre pas hommes de condition, pour avoir dissipé leurs moyens en despenses frivoles, et bref pour manquer tout à fait de jugement en la conduitte de leur vie. […] Ces hommes falsifiez, qui n’ont soin que de la beauté superficielle, qui empruntent une qualité, un habit, un panache, une mine, une reputation, et qui mesme ne se contentent pas de leurs cheveux propres ; Ces hommes, dis-je, doivent estre fuys, comme le fût le Cavalier Punctuel, qui sous le nom emprunté de Dom Jean de Tolede, vint à la Cour de Madrid, où il fût si mal traitté, que sa disgrace doit servir d’exemple à ceux qui l’imitent.

119. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — De quelle façon Esope nourrit, et dressa quatre Poussins d’Aigle. Chapitre XXVIII. »

Cependant le Roy des Egyptiens ne sçeut pas plustost l’arrivée de cet homme extraordinaire, que se tournant vers quelques-uns de ses amys ; « Je suis trompé », leur dit-il, « car j’avois ouy dire qu’Esope estoit mort, bien que toutesfois il soit icy plain de vie ». […] Nectenabo bien estonné de voir ces galants s’élever si haut ; « Qu’est-cecy », dit-il, « d’où nous est venuë ceste engeance d’hommes volants ? » « Du pays de Lycerus », respondit Esope, « qui en a quantité à son commandement : et toutesfois toy qui n’és qu’un homme, te veux comparer à un Roy semblable aux Dieux ». « Tu as raison », reprit Nectenabo, « et pour ne t’en point mentir, je me confesse vaincu. […] C’est à toy maintenant à montrer, si tu és assez habile homme pour m’en dire la cause ». « Je le feray », répondit Esope, « mais ce ne sera que demain ». […] » Par ceste responce, il se mit si bien dans l’esprit du Roy, qu’il l’estima grandement pour son sçavoir, et pour sa prudence : de maniere qu’un peu apres, ayant fait venir de la ville d’Eliopolis un bon nombre d’hommes sçavants, fort versez aux questions Sophistiques, il se mit à les entretenir sur la suffisance d’Esope, et voulut que luy-mesme fust de la partie, en un festin où il les avoit invitez.

120. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CIII. Du Lion, et de la Chévre. »

Le sens Moral de ceste Fable a esté deux ou trois fois expliqué, à sçavoir qu’il faut s’abstenir du frauduleux conseil des hommes ; dequoy nostre Autheur nous fait adviser par la resistance de cette Chevre, qui bouche l’oreille à la persuasion du Lion son ennemy, bien qu’en apparence ses Discours soient profitables, et plausibles. […] Elle est toutesfois plus proprement appliquée à la Volupté, qui fait coustume de plonger les hommes dans les delices, c’est à dire de les engager dans des labyrinthes, d’où il leur est impossible de se tirer.

121. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 47 » p. 245

Un homme lâche partait pour la guerre ; mais ayant entendu croasser des corbeaux, il posa ses armes et ne bougea plus ; puis il les reprit et se remit en marche.

122. (1692) Fables choisies, mises en vers « A monseigneur, le dauphin. »

Je me sers d’animaux pour instruire les Hommes.

123. (1180) Fables « Marie de France, n° 99. L’homme et le navire » p. 690

Marie de France, n° 99 L’homme et le navire Un riches hum voleit aler utre [une] mer pur converser.

124. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 21 » pp. 23-23

Un homme qui avait des coqs dans sa maison, ayant trouvé une perdrix privée à vendre, l’acheta et la rapporta chez lui pour la nourrir avec les coqs. […] Mais peu de temps après ayant vu que les coqs se battaient entre eux et ne se séparaient pas qu’ils ne se fussent mis en sang, elle se dit en elle-même : « Je ne me plains plus d’être frappée par ces coqs ; car je vois qu’ils ne s’épargnent pas même entre eux. » Cette fable montre que les hommes sensés supportent facilement les outrages de leurs voisins, quand ils voient que ceux-ci n’épargnent même pas leurs parents.

125. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 312 » pp. 207-207

Assez longtemps après, un homme vint à passer. […] Cette fable montre que les accidents sont des leçons pour les hommes.

126. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXX. De la Mouche. »

Je compareray la Mouche de cette Fable aux hommes voluptueux, qui se plongent si avant dans leurs delices, qu’ils y rencontrent leur fin avec celle de leurs insatiables desirs. […] O la belle et honnorable fin d’un si grand homme !

127. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXVII. De deux Escrevices. »

La presence d’un homme de bien a je ne sçay quelle force sur les volontez, qui ne leur permet pas de se dégager aisément de ses conseils, et fait passer des charmes inévitables jusqu’au profond de l’ame de ceux qui l’écoutent. […] Car il est si penible en ses commencements, qu’un homme tout seul en peut estre diverty facilement.

128. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXVIII. De l’Ours, et des Mouches à Miel. »

Quant à la Vengeance, comme elle est une espece de Justice sauvage et brutalle, elle me semble plus seante aux Bestes, qu’aux Hommes. […] En quoy, certes, je me suis tenu dans une simple façon de moraliser, et de dire des choses plustost vrayes que subtiles : car en ces Discours tout mon dessein n’a esté que d’acheminer les hommes à la Vertu, combien que je sois l’homme du monde le moins Vertueux.

129. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 254 » pp. 173-173

Un homme qui coupait du bois au bord d’une rivière avait perdu sa cognée. […] L’homme lui ayant répondu que ce n’était pas celle-là, il plongea de nouveau et en rapporta une d’argent. L’homme ayant déclaré que celle-là non plus n’était pas la sienne, il plongea une troisième fois et lui rapporta sa propre cognée. L’homme affirma que c’était bien celle-là qu’il avait perdue.

130. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 11 » p. 393

Un homme avait acheté un nègre, s’imaginant que sa couleur venait de la négligence du précédent propriétaire.

131. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 155 » p. 119

Un homme, s’étant arrêté près d’un jardinier qui arrosait ses légumes, lui demanda pourquoi les légumes sauvages étaient florissants et vigoureux, et les cultivés chétifs et malingres, « C’est que, répondit le jardinier, la terre est pour les uns une mère, pour les autres une marâtre. » Pareillement les enfants nourris par une marâtre ne sont pas nourris comme ceux qui ont leur mère.

132. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 177 » p. 135

Ainsi certains hommes se soumettent, dans l’espérance d’un profit, à des travaux dangereux, et se perdent avant d’atteindre l’objet de leurs désirs.

133. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 292 » p. 198

Un serpent, souvent foulé aux pieds par les hommes, alla s’en plaindre à Zeus.

134. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 341 » p. 242

Or une hyène, apercevant un renard, lui reprochait de la repousser, alors qu’elle voulait devenir son amie. « Ce n’est pas à moi qu’il faut t’en prendre, repartit le renard, mais à ta nature, qui fait que j’ignore si j’aurai en toi une amie ou un ami. » Ceci vise l’homme ambigu.

135. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXIX. Du Renard, et de la Cigongne. »

Tu sers bien d’exemple à ces Artificieux, qui conversent parmy les hommes, pour leur apprendre que toutes les ruses ont leur contre-ruse, et qu’il est mal-aisé de faire profession de dupper tout le monde, sans estre duppé de quelqu’un ; ce qui est certes une chose honteuse aux maistres de ce mestier. […] Si c’est en paroles, à sçavoir en reprochant à un homme ses imperfections, il est mal-aisé qu’on n’ait quelque prise sur eux, puis que nul n’est parfaict en ce monde, et que chacun a un endroit par où il est sensible et defectueux, et par consequent sujet à la reprehension d’autruy. […] Souvenons-nous donc de ces belles paroles de Salomon, « Que l’homme de bien va le grand chemin, au lieu que l’Artificieux tourne ses pas à la tromperie ».

136. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE L. Du Renard, et des Chasseurs. »

Ce pauvre homme tout effrayé se jetta d’abord aux pieds de cette personne, et la pria tres instamment de luy sauver la vie ; Ce que la Dame luy ayant accordé, elle luy donna la clef d’un cabinet pour se cacher dedans, en attendant qu’il peust eschapper à la faveur des tenebres. […] Elle attendit donc que l’obscurité de la nuict donnast moyen au Meurtrier de s’échapper de ce lieu, et luy ouvrant elle mesme la porte ; « Va », luy dit-elle, « ô miserable, contre qui j’ay plus de haine que contre tous les hommes du monde, joüy à ton ayse des fruicts de ma loyauté ». […] Par la mesgarde des Chasseurs, qui n’apperçeurent point les signes de l’infidele Bucheron, nous est monstré combien vainement on travaille quelquesfois à la ruyne des hommes, et qu’ils eschappent ordinairement des plus visibles dangers du monde, lors qu’ils sont sous la protection du Ciel.

137. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CI. De l’Avare, et de l’Envieux. »

Ils le feroient plustost de nostre émulation, qui est une Vertu par laquelle nous sommes poussez à nous rendre aussi gents de bien, et aussi grands hommes que les autres. […] Or la folle et aveugle imagination des hommes ! […] On void assez d’hommes sains et vigoureux, qui ne se couvrent que du poil des animaux, comme ceux de Norvege et de Groenland. […] Les premiers hommes ne se nourrissoient-ils pas de glands et d’herbages ? […] Les plus sçavans hommes n’ont-ils point blâmé l’Avarice, témoins Aristote et Platon.

138. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXI. De Venus, et d’une Chatte. »

Cela nous arrive par je ne sçay quel malheur de nostre nature, soit qu’elle se porte d’inclination à penetrer tous-jours plus avant dans les choses, et par consequent à violer les limites qu’on luy prepare, soit que la grande amour de la liberté nous y convie, et que ce soit une espece de gehenne pour nostre humeur, de voir un obstacle, ou une barriere devant nous, comme il en advint à ce Vieillard Milannois, qui ayant vescu jusqu’à soixante ans sans sortir des fauxbourgs de sa ville, reçeut un commandement de l’Empereur Charles V. de n’en bouger jamais, afin que tous les Estrangers peussent admirer le peu de curiosité de cét homme ; dequoy toutesfois il eût un déplaisir si extrême, qui ayant fait instamment prier l’Empereur de luy permettre de voyager, comme il se veid rebutté de toutes ses demandes, il en mourut de regret dans sa maison. Ce qu’on ne peut attribuër à l’inclination des voyages, puis qu’il avoit passé tant d’années dans une seule Ville, mais à une certaine humeur libertine, qui estant commune à la pluspart des hommes, leur fait hayr toutes les contrainctes, quelques justes qu’elles soient. […] Ce que les Poëtes ont expressément témoigné par la Fable de Circé la Magicienne, à qui ils ont donné le pouvoir de changer en bestes les corps des hommes, pour monstrer par là que les vices immoderez nous ostent l’usage de la raison. […] Car il est presque impossible qu’un homme achoppé à ceste passion, s’en rende jamais bien le maistre. […] Mais je passe insensiblement de mon Discours à un autre, et ne m’apperçois pas que j’anticipe le sens de la Fable suivante, qui en veut aux hommes extraordinairement complaisants.

139. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 132 » p. 110

Un homme, ayant un demi-dieu dans sa maison, lui offrait de riches sacrifices.

140. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 168 » p. 128

Mais le serpent se retourna et le mordit, et le corbeau, sur le point de mourir, dit : « Je suis bien malheureux d’avoir trouvé une aubaine telle que j’en meurs. » On pourrait dire cette fable à propos d’un homme que la découverte d’un trésor met en péril de mort.

141. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 213 » pp. 341-341

» Évitons les hommes emportés et habitués à faire du mal, quand ils ont pris le pouvoir et qu’ils règnent.

142. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Description du corps, et de la vivacité de son esprit. Chapitre II. »

Esope ne fût pas seulement serf de condition, mais le plus difforme de tous les hommes de son temps.

143. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — XIX. L’Oracle et l’Impie. » p. 36

Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux ; Même les actions que dans l’ombre il croit faire.

144. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XI. La Fortune et le jeune Enfant. » p. 174

Un honneste homme en pareil cas Auroit fait un saut de vingt brasses.

145. (1180) Fables « Marie de France, n° 27. L’homme et ses membres » p. 130

Marie de France, n° 27 L’homme et ses membres Dë un humme voil ci cunter e par essample remembrer – de ses meins cunte e de ses piez e de sun chief — k[i]’ ert iriez vers sun ventre, qu[e]’il porta pur lur guaainz qu[e]’il gasta.

146. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 125 » pp. 100-100

Zeus, Prométhée et Athéna, ayant fait, l’un un taureau, Prométhée un homme, et la déesse une maison, prirent Momos pour arbitre. Momos, jaloux de leurs ouvrages, commença par dire que Zeus avait fait une bévue en ne mettant pas les yeux du taureau sur ses cornes, afin qu’il vît où il frappait, et Prométhée aussi en ne suspendant pas dehors le cœur de l’homme, afin que la méchanceté ne restât pas cachée et que chacun laissât voir ce qu’il a dans l’esprit.

147. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 135 » pp. 114-114

Celui-ci étant mort, le médecin disait aux gens du cortège : « Cet homme, s’il s’était abstenu de vin et avait pris des lavements, ne serait pas mort. — Hé ! mon bel ami, reprit l’un d’eux, ce n’est pas à présent qu’il fallait dire cela, alors que cela ne sert plus à rien ; c’est quand il pouvait encore en profiter que tu devais lui donner ce conseil. » Cette fable montre que c’est au moment où ils en ont besoin qu’il faut prêter son aide à ses amis, au lieu de faire l’habile homme, quand leurs affaires sont désespérées.

148. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 255 » pp. 65-65

L’ours approcha de lui son museau et le flaira partout ; mais l’homme retenait sa respiration ; car on dit que l’ours ne touche pas à un cadavre. Quand l’ours se fut éloigné, l’homme qui était sur l’arbre descendit et demanda à l’autre ce que l’ours lui avait dit à l’oreille. « De ne plus voyager à l’avenir avec des amis qui se dérobent dans le danger », répondit l’autre.

149. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 284 » pp. 193-193

L’alouette, se fiant aux discours de cet homme, s’approcha et fut prise au lacet. […] l’homme, si c’est une ville comme celle-ci que tu fondes, tu n’y trouveras pas beaucoup d’habitants. » Cette fable montre que si l’on déserte les maisons et les villes, c’est surtout quand les maîtres y sont incommodes.

150. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — FABLE I. Le Buscheron et Mercure. » p. 173

Hommes, Dieux, Animaux, tout y fait quelque rôle ; Jupiter comme un autre : introduisons celuy Qui porte de sa part aux Belles la parole : Ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’huy. […] Lors une d’or à l’homme estant montrée, Il répondit : Je n’y demande rien.

151. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Subtile response d’Esope, touchant les superfluitez que la Nature rejette. Chapitre XVIII. »

Il arriva un jour qu’au sortir de la garde-robbe, il prit fantasie à Xanthus de demander à Esope, « pourquoy les hommes souloient regarder leur ordure, apres avoir purgé leur ventre ? » Esope voulant tout aussi tost satisfaire à ceste demande ; « Il y eust », dit-il, « autresfois un homme, qui vivant dans les delices, se plaisoit d’estre long-temps à la garde-robbe ; de sorte que pour s’y estre par trop assis, le malheur voulut pour luy, qu’il mit dehors ses entrailles. […] Que s’il advient qu’il te responde que tu és demeuré d’accord de boire toute l’eau de la Mer, t’addressant alors au Peuple ; “Hommes Samiens”, diras-tu, “il n’est pas que vous ne sçachiez bien que les Fleuves se vont rendre dans la Mer ; or est il qu’il a esté accordé entre nous, que je boirois la Mer seule, et non les Rivieres qui entrent dedans.

152. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 110 » p. 102

Zeus, ayant façonné l’homme et la femme dit à Hermès de les mener sur la terre et de leur montrer à quel endroit ils devaient creuser la terre pour se procurer des aliments.

153. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 112 » p. 103

Cette fable s’applique à un homme qui tient des propos mensongers.

154. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 256 » p. 236

» Pareillement les hommes qui sont aveugles sur leurs propres intérêts sont mal qualifiés pour conseiller leur prochain.

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