Chambry 84 Chambry 84.1 Γεωργὸς καὶ τύχη — Le laboureur et la fortune. […] Mais la Fortune lui apparut et lui dit : « Pourquoi, mon ami, imputes-tu à la Terre les dons que je t’ai faits, dans le dessein de t’enrichir ? Si en effet les temps viennent à changer et que cet or passe en d’autres mains, je suis sûre qu’alors c’est à moi, la Fortune, que tu t’en prendras. » Cette fable montre qu’il faut reconnaître qui vous fait du bien et le payer de retour.
Car comme il est plus aisé de pousser un cheval à toute bride, que de le retenir au milieu de la Carriere ; il est de mesme bien plus difficile de dégourdir nostre ame contre les miseres, et la porter dans le chemin de la consolation, que d’arrester tout à coup ses mouvements, quand la bonne Fortune l’emporte avec violence au delà de ses limites. […] Mais quant à la bonne Fortune, elle a cela de mauvais, qu’estant ordinairement accompagnée de la santé, elle nous fait considerer les malheurs de si loing, que nous les jugeons petits, et hors de mesure pour nous pouvoir approcher. […] Comme il est donc mal-aisé de reprimer un excés de joye, il est plus facile aussi de se detracquer de la Vertu au milieu des prosperitez, que dans les contraires évenements de la Fortune. Pour remedier de bonne heure à toutes ces choses, proposons-nous sans cesse devant les yeux l’exemple de la mort, la fragilité de nos jours, et l’inconstance de la Fortune, qui n’a jamais si bien favorisé quelqu’un, qu’il ne luy ayt donné le change bien-tost apres. […] Mais si laissant à part toutes ces Histoires, qui sont si fameuses dans l’Antiquité, nous en voulons alleguer de plus recentes ; Où trouvera t’on de fortune plus diversement meslée de bien et de mal que celle de l’Empereur de Trebizonde, de Bajazet, de Solyman, de François I. de Charles V. et de plusieurs autres ?
Car les hommes peuvent déchoir de leur fortune, ou par leur propre faute, ou par l’envie, et la malignité d’autruy, ou par le seul malheur de leur vie. […] Voila comme quoy les personnes, qui d’une basse condition parviennent à une haute fortune, sont fort sujettes à tomber, ou par leur faute, ou par les embusches de leurs Envieux. […] Aussi est ce pour cela que l’on appelle fort à propos telle espece de calamité un revers de medaille, comme s’il estoit aussi necessaire à toute prosperité d’estre sujette au changement, comme à une medaille d’avoir son revers ; au lieu qu’une personne qui est éminente en qualité, n’en a pas l’obligation à la fortune, mais à sa naissance, et qu’ainsi elle n’en doit point craindre la cheute avecque tant de raison.
Chambry 262 Chambry 262.1 Ὁδοιπόρος καὶ Τύχη — Les voyageurs et la fortune. […] Il allait à coup sûr tomber dedans, quand la Fortune, s’étant approchée de lui, l’éveilla et lui dit : « Hé, l’ami !
C’est estre coûpable envers telles gents, que d’avoir de la mauvaise fortune. […] De telle nature sont ceux qui plaident, ou qui persecutent les Orphelins, qui tourmentent les femmes veufves, qui dépoüillent les pauvres du peu de bien qui leur est resté, qui se joüent des maladies et des affligez ; et bref, tous ces courages dénaturez, qui se rendent malfaisants à ceux pour qui la fortune n’a point de caresses ny de bon traictement.
Comme elle disoit ces mots, Le Loup de fortune passe. […] Où seroit le Biquet s’il eust ajoûté foy Au mot du guet, que de fortune Nostre Loup avoit entendu ?
Le rossignol répondit : « Je ne veux point raviver le souvenir de mes anciens malheurs : voilà pourquoi j’habite les lieux déserts. » Cette fable montre que l’homme affligé par quelque coup de la fortune veut éviter jusqu’au lieu où le chagrin l’a frappé.
. – Moi, répondit la rose, je ne vis que peu de jours, amarante, et même si l’on ne me cueille pas, je me flétris ; mais toi, tu es toujours en fleur et tu restes toujours aussi jeune. » Il vaut mieux durer en se contentant de peu que vivre dans le luxe quelque temps, pour subir ensuite un changement de fortune et même la mort.
Ceste éminence de Fortune, dont ils se piquent si fort, n’est que trop souvent la pire de leurs ennemies, à cause des Envieux qu’elle leur suscite. […] Ce qui se dit des exemples generaux, doit, à mon jugement, estre entendu des particuliers : Car les embusches que nos Envieux nous tendent, et les factions que les meschants trament contre nous, viennent de nostre seule prosperité : Ceux qui vivent dans une mediocre fortune n’attirent point contr’eux la calomnie, ny l’usurpation, non plus que les brossailles ne sont pas si sujettes aux coups de coignée, que les grands arbres.
Les gens d’une médiocre fortune se sauvent aisément ; mais on voit rarement un homme qui jouit d’une grande renommée échapper aux périls.
Deux hommes passants par des lieux deserts, trouverent fortuitement un Asne en leur chemin ; Ils commencerent alors à debattre à qui l’auroit, et le meneroit en sa maison, chacun d’eux s’imaginant que la Fortune luy eust envoyé cette belle rencontre.
Il répondit : « Si je détourne les yeux de lui, c’est qu’au temps où j’étais parmi les hommes, je le voyais presque toujours acoquiné aux méchants. » Cette fable pourrait se conter à propos d’un homme enrichi par la fortune, mais méchant de caractère.
Il en prend de mesme qu’à toy à tous ces Presomptueux, qui entreprennent de se déguiser, et de passer long-temps pour plus éminents en fortune et en Vertu, qu’ils ne sont effectivement. […] Les Pauvres qui font les Riches, les Roturiers qui se disent Nobles, et les insolents qui veulent passer pour discrets, courent la mesme fortune que ceux-cy : leur artifice peut quelquefois surprendre l’esprit, mais il est impossible qu’on ne le descouvre bien tost aprés.
Toutefois il voulut savoir si, en changeant de fortune, il avait aussi changé ses habitudes de convoitise ; et, tandis que le nouveau roi passait en litière, il lâcha un escarbot sous ses yeux.