Aussi est-il vray que par l’esloignement, la lueur du bien que nous en esperons, se respand sur nous avec moins de force ; comme, au contraire nous courons fortune de nous brusler tout à fait si nous en sommes trop proches, et trop ardents à l’importuner.
Il prit la fuite, et le devança d’une longue distance ; car la force des cerfs est dans leurs jambes, celle des lions dans leur cœur.
Que sa laideur donc, je vous prie, sa mauvaise mine, et sa fortune encore pire, ne le vous fassent point rejetter : tout ce qu’il a de recommendable est interieur, il a corrigé ses defauts naturels par la force de sa raison ; et jamais homme n’a mieux que luy fait mentir les Physionomistes.
Un lion devenu vieux, et dès lors incapable de se procurer de la nourriture par la force, jugea qu’il fallait le faire par adresse.
Or ce n’est pas la moindre attaque dont ils ayent à se parer, que celle des dons, où la resistance est plus rare, que contre la force.
A force de mentir ce petit Berger se rend indigne de foy, quand il crie tout de bon, et comme cela il perd une de ses brebis ; ordinaire advanture de ceux qui mentent, ausquels on n’ajouste point de creance, encore qu’ils disent vray.
Tout ce qu’il pût dire, pour prouver son innocence, ne les empescha point de foüiller par force dans ses males et ses valises, où trouvant la phiole d’or qu’on y avoit mise, ils la prirent et la monstrerent aux Citoyens, qui en firent un grand bruict.
Un Laboureur ayant treuvé dans la neige une Couleuvre presque morte de froid, l’emporta en sa maison, et la jetta prés du feu ; mais un peu aprés, la Couleuvre ayant repris et sa force et son venin, par le moyen de la chaleur, et n’en pouvant supporter la violence, elle infecta toute la loge par son sifflement.
Le Renard fuyoit les Chasseurs, et n’en pouvoit plus de lassitude, à force d’avoir couru par les bois, lors que rencontrant de bonne fortune un Bucheron, il le pria de le mettre en seureté en sa maison.
Il en arrive de mesme aux Nageurs, entre lesquels, ceux qui vont tout à leur aise sont presque tous-jours asseurez de se sauver du danger, au lieu que ces autres, qui precipitent leurs mouvements plus que de raison, n’ont pas assez de force pour aller jusques au bout de l’endroict perilleux, et ne recouvrent point en l’avancement de leur route ce qu’ils perdent en la durée de leur vigueur.
L’Arbre et le Roseau disputoient ensemble, touchant leur force et leur fermeté.
De dire aussi que cela vienne de meschanceté, je n’y voy pas beaucoup d’apparence, puis que l’intention de la pluspart de ces personnes est de bien faire, et de se garantir des presentes calamitez par la force d’un Protecteur.
Ceste maniere de presomption a esté remarquée par Esope, comme la plus commune de celles qui tombent d’ordinaire en praticque parmy les hommes, qui estans presque tous naturellement enclins à l’émulation, aspirent à de mesmes desseins que les autres, sans mesurer leurs forces avecque celles de leurs rivaux.
Il n’y a donc point d’ennemis à mépriser, quand mesme ils seroient entierement hors de la proportion de nos forces.