Ils sont faschez de ce que Dieu ne fait pas un miracle pour eux seuls, et dequoy la Nature ne se détraque point de son cours ordinaire en leur faveur. Je me souviens à ce propos d’avoir ouy une excellente imagination de Socrate, quand il discouroit du partage de la Nature. […] Car, de grace, croyons-nous que le stupide et le contre-faict soit de tout poinct mal traitté de la Nature, et qu’elle ne luy ayt pas donné dequoy se satisfaire ? […] N’est-elle point juste et raisonnable dispensatrice ; et pour le dire en un mot n’est-elle pas également Nature à tout le Monde ? […] Par où il nous est enseigné, que la division des biens est faite avecque beaucoup d’égalité, et que la Nature recompense un defaut par un autre avantage plus considerable.
On dit que les hyènes changent de nature tous les ans et deviennent alternativement mâles et femelles. Or une hyène, apercevant un renard, lui reprochait de la repousser, alors qu’elle voulait devenir son amie. « Ce n’est pas à moi qu’il faut t’en prendre, repartit le renard, mais à ta nature, qui fait que j’ignore si j’aurai en toi une amie ou un ami. » Ceci vise l’homme ambigu.
Nenil, nenil », fet la geline, « si devant mei estut une mine tuz jurs pleine, pas ne lerreie ne pur ceo ne [me] targereie que jo ne quesisse tuz jurs plus sulunc ma nature, sulunc mon us. » Par ceste essample veut mustrer que plusurs genz pöent trover aveir e ceo quë unt mester, mes [il] ne poënt pas changier lur nature ne lur usage ; tuz jurs coveitent en lur curage.
Alors le cavalier, arrêtant son cheval, dit : « Qu’y a-t-il d’étrange à ce que des cheveux qui ne sont pas les miens me quittent, eux qui ont abandonné même leur vrai propriétaire, avec qui la nature les a fait naître ? » Il ne faut pas nous affliger des accidents qui nous surviennent : ce qu’on ne tient pas de sa nature dès sa naissance, on ne saurait le garder : nus nous sommes venus, nus nous partirons.
Les hyènes, dit-on, changent de nature chaque année et deviennent alternativement mâles et femelles. Or un jour une hyène mâle prit à l’égard d’une hyène femelle une posture contre nature.
Le Chesne un jour dit au Rozeau : Vous avez bien sujet d’accuser la Nature. […] La Nature envers vous me semble bien injuste.
En effect, à quel propos veut-il forcer aujourd’huy sa stupide nature, pour imiter les gentillesses du Chien, qui sont entierement contraires à sa lenteur ? […] Car la sage Nature nous ayant tous produits esgalement, composez de pieces substantielles, qui sont le corps et l’ame, et derechef nous ayant fait participer aux facultez de tous les deux, n’a pas laissé de mettre quelque difference en la facilité de nos actions, et a doüé particulierement les uns d’une chose, et les autres d’une autre ; Comme par exemple, Milon le Crotonien, et Aristote, estoient également hommes, et également individus de leur espece. […] Et toutesfois, ils ne les exerçoient pas avecque la mesme perfection : Car la complexion de Milon le Crotoniate estoit plus robuste quant au corps, et le rendoit par consequent plus capable que tout autre, de la lutte, de l’escrime, et de la course ; au lieu que le temperament d’Aristote estoit plus subtil et plus delié ; son sang pur, et aërien, et les sieges de l’entendement, et de la memoire, plus favorablement organisez en luy qu’en nul autre homme de son âge, pour vacquer à la contemplation des choses de la Nature ; Tellement que son Genie le portoit à mediter, et à raisonner ; En quoy certes il a excellé de la façon que ses escrits le tesmoignent. Cela estant, comme nul n’en doit douter, la consequence que l’on en tire, c’est qu’il n’y a point d’homme en qui la Nature n’ait fait naistre l’action qui luy est la mieux seante, et la plus utile. […] Car quant aux Arts et aux Sciences, il arrive quelquefois qu’un naturel rude et grossier, surmonte ses propres défauts par l’obstination, et devient capable des choses difficiles, en despit mesme de la nature.
Tous deux s’estant trouvez differens pour la cure, Leur malade paya le tribut à Nature ; Aprés qu’en ses conseils Tant-pis eust esté cru.
Car l’on ne peut mettre en doute que l’excez ne soit nuisible, au lieu que la mediocrité est une chose commode à la nature du monde, et particulierement à celle des hommes. […] Comment nous apprendra la moderation une chose qui de sa nature est déreglée ? […] Car la puissance estant émeuë par l’object, il est presque impossible d’estre perpetuellement parmy les bonnes tables, de voir des viandes exquises, d’ouyr les chansons des Beuveurs, et de les considerer dans le vin, comme dans leur Element, sans estre induit à les imiter, et à s’accommoder à leur Vice, du moins par imitation, quand nous les aurions en horreur par nature. […] Mais il est certain aussi que la Nature en abhorre la destruction, et qu’elle haït ou doit haïr ce qui l’advance au deçà des bornes ordinaires de la vie. […] Car l’extrême impudicité, la Gourmandise, l’Yvrongnerie, et tels autres débordements, sont tellement nuisibles à nostre nature, qu’il est presque impossible d’en user et de vieillir.
Ce qui me fait croire tres-veritable ce qu’allegue le divin Platon en son Dialogue intitulé Gorgias, où il dit que la Nature et la Loy sont grandement contraires et differentes. Car la Nature ayant fait naistre Esope d’un Esprit libre, la Loy des hommes livra son corps à la servitude.
Ce qu’il faut faire en toutes façons, s’il est possible, à cause que ceste peine estant de la nature fort ennuyeuse, elle est en cela pire que toutes les autres, qu’elle ne peut servir de satisfaction à nos crimes, pource qu’elle en est elle-mesme un insupportable. […] Quant à la genereuse émulation des Vertus, non seulement je l’approuve fort, mais aussi je la conseille aux personnes qui se sentent d’une nature envieuse et maligne, affin d’occupper à cela leur ambition, et la repaistre d’une contentieuse amour de gloire. […] De ceste nature estoient les jeux Olympiques et Neméens, les courses de l’Hypodrome, la Danse Pyrrhique, les Batailles Navalles, et telles autres gentillesses, qui sont aggreablement décrites par les Autheurs, et nommement par Virgile, au cinquiesme de son Eneide.
C’est donc au seul instinct naturel que toutes ces choses se doivent attribuër, veu le desir que la Nature semble monstrer de sa conservation, qui est double, à sçavoir de l’Individu, et de l’Espece. […] Tels, et une infinité de semblables exemples se rapportent dans tous les Autheurs, touchant la nature des Elephants, apres lesquels il n’est pas aisé, ce me semble, de pardonner à l’erreur de ceux qui les ont jugé capables de raisonnement. […] Bref, en toute la suite de leur vie, ils semblent en quelque façon s’éloigner de la nature brutale, et se rendre compagnons de la nostre, de mesme qu’ils le sont de la demeure ; ce qui n’est possible pas sans mystere. […] Cela estant plus clair que le jour, et generallement avoüé par toutes les Escolles, nous voyons bien en quoy l’homme convient avec tous les autres corps de la nature, à sçavoir en l’estre, et pareillement en quoy il convient avecque les bestes, à sçavoir en l’Animalité. […] Ce qui ne seroit point, à la verité, si avec les advantages du corps, la Nature leur avoit donné la faculté de discourir.
Secondement, on tire les fables de la ressemblance de la Nature, et des operations ensemble, comme ce qu’on feint des hommes et des Dieux sous l’une et l’autre forme ; Et troisiesmement, des operations qu’on attribuë aux feintes Divinitez, et aux Creatures humaines. Mais possible qu’il ne seroit pas hors de propos d’en adjouster une quatriesme, tirée de la ressemblance tantost de la Nature, et des operations, et tantost des operations, et non pas de la Nature. […] Les Platoniciens expliquent cela bien delicatement, quand ils disent que par Venus il faut entendre une forte union de plusieurs choses discordantes, comme la celeste, où des Idées sans nombre sont joinctes à la Nature ; et celle de ce bas monde, qui est tres-estroicte, bien que composée de diverses Creatures, entre lesquelles il y a de la repugnance. […] Je laisse à part plusieurs autres fictions de ceste nature, qu’il me seroit facile de rapporter icy, pour vous faire voir les hauts mysteres que les Anciens ont cachez dessous le voile des fables ; où je pourrois dire encore que S.