L’Aigle et l’Escarbot. L’Aigle donnoit la chasse à Maître Jean Lapin, Qui droit à son terrier s’enfuyoit au plus vîte. […] L’Aigle estant de retour, et voyant ce ménage, Remplit le Ciel de cris, et pour comble de rage, Ne sçait sur qui venger le tort qu’elle a souffert. […] Quand l’Aigle sçut l’inadvertance, Elle menaça Jupiter D’abandonner sa Cour, d’aller vivre au desert : Avec mainte autre extravagance. […] On fit entendre à l’Aigle enfin qu’elle avoit tort.
L’Aigle, la Laye, et la Chate. L’Aigle avoit ses petits au haut d’un arbre creux La Laye au pied, la Chate entre les deux : Et sans s’incommoder, moyennant ce partage Meres et nourrissons faisoient leur tripotage. […] Elle grimpa chez l’Aigle, et luy dit : Nôtre mort, (Au moins de nos enfans, car c’est tout un aux meres) Ne tardera possible gueres. […] L’Aigle, si vous sortez, fondra sur vos petits : Obligez-moy de n’en rien dire. […] L’Aigle n’ose sortir, ny pourvoir aux besoins De ses petits : La Laye encore moins : Sottes de ne pas voir que le plus grand des soins Ce doit estre celuy d’éviter la famine.
De l’Aigle, et du Renard. […] L’Aigle bâtist donc son nid sur un haut arbre, auprés duquel le Renard fit sa terriere, et mit ses petits dedans. Mais un jour entre les autres, il arriva qu’estant sorty, pour leur chercher quelque proye, l’Aigle, qui en avoit besoin aussi bien que luy, volla droit au lieu où estoient les petits Renards, qu’elle ravist promptement, et en fist curée à ses poussins. […] Alors les poussins de l’Aigle, qui ne pouvoient encore voler, sentans l’ardeur de la flamme, se laisserent cheoir à terre, où toutesfois ils ne furent pas long-temps : car le Renard, qui estoit en bas, se jetta sur eux incontinent, et les engloutit en la presence de leur mere. […] L’Aigle donc ne sera point excusable, pour avoir usé de tromperie envers un animal infidele, quand mesme il l’eust esté mille fois davantage.
Il y avoit une fois un Liévre, qui se voyant tenu de prés par une Aigle, et ne sçachant où se cacher, se retira dans la terriere de l’Escarbot, luy requerans d’avoir soing de sa conservation. L’Escarbot se mit alors à prier l’Aigle, de ne point tuër le pauvre suppliant, et la conjura par le grand Dieu Jupiter de ne dédaigner sa petitesse : Mais l’Aigle irritée donna un coup d’aisle à l’Escarbot, puis il mit le Liévre en pieces, et le mangea. L’Escarbot offensé de ceste injure, s’envola avecque l’Aigle, pour sçavoir où elle faisoit son nid, et n’y fust pas plustost entré, que roulant ses œufs du haut en bas, il les cassa tous. […] Jupiter donc ne voulant point que la race des Aigles défaillit, fut d’advis que l’Escarbot se reconciliast avecque l’Aigle ; luy toutesfois n’en voulut rien faire. Ce qui fut cause que Jupiter ordonna pour le mieux, que les Escarbots n’eussent à paroistre durant tout le temps que les Aigles pondroient leurs œufs.
Chambry 79 Chambry 79.1 Γεωργὸς καὶ ἀετός — Le laboureur et l’aigle. […] Un laboureur, ayant trouvé un aigle pris au filet, fut si frappé de sa beauté qu’il le délivra et lui donna la liberté. L’aigle ne se montra pas ingrat envers son bienfaiteur ; mais le voyant assis au pied d’un mur qui menaçait ruine, il vola vers lui et enleva dans ses griffes le bandeau qui lui ceignait la tète. […] L’aigle laissa tomber le bandeau.
Marie de France, n° 10 Le renard et l’aigle Dë un gupil cunt la manere quë ert eissuz de sa tesniere ; od ses enfanz devant jua. […] Un tisun prist de feu ardant e secche buche vet cuillant ; entur le chesne le meteit u li aigle sun ni aveit.
De l’Aigle, et de la Corneille. L’Aigle ne pouvant, ny par son industrie, ny par sa force, arracher un poisson hors d’une coquille qu’elle avoit trouvée, la Corneille vint là dessus, qui luy conseilla de voller bien haut, et de laisser tomber la coquille sur des pierres, disant, que c’estoit le vray moyen de la rompre. Elle cependant demeura en bas, pour en attendre l’issuë, qui fut telle, que l’Aigle ayant laissé cheoir sa proye, la coquille se rompit : ce que voyant la Corneille, elle en desroba le poisson, et ainsi la mocquerie et la perte en demeurerent à l’Aigle. […] Que cela suffise pour la preuve de ceste verité, à sçavoir que les bons amis ne sont pas compatibles avecque les desseins mercenaires, et que d’en admettre de ceste sorte en sa frequentation, c’est courir la fortune de l’Aigle, qui ne gagna que de la honte dans le conseil de la Corneille.
Et alors l’aigle prenant son essor s’établit sur un arbre très élevé et y fit sa couvée, tandis que le renard, se glissant dans le buisson qui était au pied de l’arbre, y déposa ses petits. Mais un jour que le renard était sorti pour chercher pâture, l’aigle à court de nourriture fondit sur le buisson, enleva les renardeaux et s’en régala avec ses petits. […] Or il arriva que l’aigle ne tarda pas à subir la punition de son crime contre l’amitié. Des gens sacrifiaient une chèvre à la campagne ; l’aigle fondit sur l’autel, y ravit un viscère enflammé et l’apporta dans son nid. […] Le renard accourut et sous les yeux de l’aigle les dévora tous.
Chambry 5 Chambry 5.1 Ἀετὸς καὶ κολοιὸς καὶ ποιμήν — L’aigle, le choucas et le berger. […] Un aigle, fondant d’une roche élevée, enleva un agneau. […] Ceux-ci lui demandant quelle espèce d’oiseau c’était, il répondit : « Autant que je sache, moi, c’est un choucas ; mais, à ce qu’il prétend, lui, c’est un aigle. » C’est ainsi qu’à rivaliser avec les puissants non seulement vous perdez votre peine, mais encore vous faites rire de vos malheurs.
Chambry 4 Chambry 4.1 Ἀετὸς καὶ κάνθαρος — L’aigle et l’escarbot. […] Une aigle poursuivait un lièvre. […] L’escarbot le rassura, et, voyant approcher l’aigle, il la conjura de ne pas lui ravir son suppliant. Mais l’aigle, dédaignant sa petitesse, dévora le lièvre sous les yeux de l’escarbot. […] Depuis ce temps-là, dit-on, pendant la saison où paraissent les escarbots, les aigles ne nichent plus.
Chambry 6 Chambry 6.1 Ἀετὸς <τὰ πτερὰ τιλθεὶς> καὶ ἀλώπηξ — L’aigle aux ailes écourtées et le renard. […] Un jour un aigle fut pris par un homme. […] Alors l’aigle, prenant l’essor, saisit un lièvre dans ses serres et le lui rapporta en présent.
Marie de France, n° 12 L’aigle et la corneille Ci dit que uns egles vient volant juste la mer peissun querant : une welke truva entiere, mes [il] ne sot en quel manere peüst la scale depescer. […] Li aigles ad mut grant desirer de la welke qu’il tient manger ; haut la porte, cheïr la leit.