Cela procede en effect, de ce que toute Vertu a tous-jours deux Vices qui la costoyent, si bien qu’estant assise entre l’un et l’autre, elle donne moyen aux meschants, ou de luy imposer le nom des Vices, ou de leur donner le sien propre, pour colorer une meschante action.
Tout animal n’a pas toutes proprietez ; Nous vous avons donné diverses qualitez, Les uns ont la grandeur et la force en partage ; Le Faucon est leger, l’Aigle plein de courage ; Le Corbeau sert pour le présage ; La Corneille avertit des malheurs à venir ; Tous sont contens de leur ramage.
Il donne la pate, Puis aussi-tost il est baisé.
Le sage Esope dans ses Fables Nous en donne un exemple ou deux.
Comme il l’eust abordé, il se donna l’alarme à soy-mesme en le salüant. […] Ces paroles fâcherent fort le Maistre de Zenas, qui pour luy témoigner son ressentiment ; « Va », luy dit-il, « je te remets Esope, pour en faire à ta volonté, et le vendre, ou le donner à qui bon te semblera ». […] » « Donne m’en trois oboles », respondit Zenas, « et l’emmene avecque toy ».
Alors Mercure jugeant de sa probité par une si libre declaration, les luy donna toutes trois. […] Mais ce Dieu le voulant punir de son impudence, et de son mensonge, ne luy donna, ny la coignée d’or, ny celle que cet Artificieux avoit tout exprés jettée dans la riviere. […] que c’est luy dont ils doivent tout pretendre ; et bref, que c’est luy qui ne les delaissera jamais, et qui au lieu d’un bien contemptible et fresle comme une coignée de bois, leur en donnera une d’or et d’argent ; c’est à dire, que pour les biens corruptibles et vains, il leur en baillera les éternels.
il suffit qu’on nous aperçoive, pour qu’on nous donne la chasse ; mais que ceux-ci osent s’approcher, on leur fait risette. » Cette fable fait voir que les gens malfaisants se reconnaissent à leur mine même et à première vue.
Elle empestra si bien les serres du Corbeau, Que le pauvre animal ne put faire retraite ; Le Berger vient, le prend, l’encage bien et beau ; Le donne à ses enfans pour servir d’amusette.
La paix se conclud donc ; on donne des ostages ; Les Loups leurs Louveteaux, et les Brebis leurs Chiens.
Aussi nostre sage Phrygien n’attribuë ceste deception qu’au plus noble des Oyseaux, et nous donne à entendre par là, que c’est le vice d’une belle ame, que la facilité. […] Car de donner son cœur à la premiere occasion entre les mains d’une personne que nous n’avons point pratiquée, c’est, à mon advis, la mesme imprudence, que de se hazarder sur un vaisseau, sans avoir pris garde s’il est entier, ou bien calfutté.
Ce qui arrive, comme dit Aristote, plus aux jeunes gents qu’aux autres, pour la chaleur de leur sang, qui ne leur donne pas la patience de raisonner pour conclure, et pour le peu de pratique qu’ils ont dans le monde, qui ne leur a permis encore de cognoistre les inesgalitez de la fortune, et les divers artifices des hommes ; au lieu que les Vieillards, à cause de la tiedeur, ou plustost de la froidure de leur sang, raisonnent lentement aux occurrences qui leur surviennent, et panchent tousjours devers la crainte, qui comme elle glace les temperaments, elle reside aussi pour l’ordinaire dans les humeurs froides. […] Il nous donne donc des parents et des Precepteurs qui prestent leur jugement à nos actions, et sont les guides prevoyantes de nos mouvements impetueux.
Mais luy, qui en pensoit bien autrement ; « Vous n’en serez pas les Juges », leur dit-il : « c’est à Jupiter à donner le prix de la Beauté à qui bon luy semblera : Pour moy, mes Enfans me semblent si gentils, et de si bonne mine, qu’ils meritent bien, à mon advis, d’estre preferez à tous les autres ». […] Car il faut bien donner beaucoup à l’amitié, mais non pas au mensonge.
Un lion, étant tombé sur un lièvre endormi, allait le dévorer ; mais entre temps il vit passer un cerf : il laissa le lièvre et donna la chasse au cerf.
Il pria donc Jupiter de luy en donner ; mais luy se mit à rire de sa folie, et mesme luy accourcist les oreilles, apres s’estre mocqué de sa requeste incivile.
Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Le sort de sa plainte touché Luy donne un autre Maistre ; et l’Animal de somme Passe du Jardinier aux mains d’un Corroyeur.
Un acheteur se présenta et demanda si la truie était féconde. « Oui, elle est féconde, répondit-il, elle l’est même extraordinairement : aux Mystères elle enfante des femelles, et aux Panathénées des mâles. » Comme l’acheteur était surpris de ce qu’il entendait, le créancier ajouta : « Cesse de t’étonner ; car cette truie te donnera aussi des chevreaux aux Dionysies. » Cette fable montre que beaucoup de gens n’hésitent pas, quand leur intérêt personnel est en jeu, à jurer même des choses impossibles.
Tous les hommes ont été favorisés de Dieu qui leur a donné la raison ; mais certains sont insensibles à une telle faveur et préfèrent envier les animaux privés de sentiment et de raison.
» Ne soyez pas trop fier de la force que donne la jeunesse ou la renommée : pour bien des gens le temps de la vieillesse s’est consumé en pénibles travaux.
Un homme ayant attrapé un choucas et lui ayant lié la patte avec un fil de lin, le donna à son enfant.
Un jour qu’il donnait à dîner, il alla chercher le cygne et le pria de chanter pendant le festin.
Donnez-nous, dit ce peuple, un Roy qui se remuë.
Si le Ciel t’eust, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, Tu n’aurois pas à la legere Descendu dans ce puits.
Esope se mit alors à foüiller prés d’une motte de terre, esloignée de luy d’environ quatre pas, et y trouva le thresor, dont il estoit question : S’estant mis en mesme temps en devoir de le donner à Xanthus : « Tiens », luy dit-il, « voila dequoy : il ne reste plus, sinon que tu me tiennes promesse ». « Je ne suis pas si fol de le faire », respondit Xanthus, « si premierement tu ne m’expliques ces lettres, car ce me sera une chose plus precieuse de les entendre, que de posseder tout l’or, que tu sçaurois jamais trouver ». « A cela ne tienne », reprit Esope ; « Sçache donc, que celuy qui cacha ce thresor dans la terre, comme sçavant qu’il estoit, s’avisa d’y faire graver ces lettres, qui joinctes ensemble, forment un sens qui est tel. […] Ce n’est point toy qui me le donnes, respondit Esope, mais celuy qui l’a icy caché.
Icy l’on blâme l’envieuse malignité de quelques-uns, qui ne peuvent pretendre à une bonne fortune, et s’opposent toutesfois à la pretension d’un autre homme, non pour aucune haine qu’ils ayent conçeuë contre luy, mais seulement par une envieuse qualité, qui les empesche de consentir à l’avancement du Prochain, Estrange, certes, et déloyale maxime, de faire dépendre son contentement de l’ennuy des autres, et de vouloir nuire à celuy qui ne nous en donna jamais l’occasion. […] Mais sur toutes choses, il se donnera le soing d’estendre ses bons offices jusques aux personnes mesme qu’il envie, puis qu’il est certain que nous aymons d’ordinaire plus que les autres, ceux à qui nous avons fait plaisir, et que cela nous oblige à les considerer comme un ouvrage de nostre main.
Esope s’en alla en mesme temps, disant à par soy le long du chemin, « voila qui va bien, je ne sçaurois avoir une meilleure occasion que celle cy, pour me vanger de ma Maistresse, et des brocards qu’elle me donna la premiere fois que je me presentay devant elle : On verra bien à ce coup, s’il est veritable qu’elle ayme mon Maistre ». […] Là dessus ayant appellé à soy une petite chienne, qu’on nourrissoit dans le logis ; « Tien Mignonne », dit-il, « voylà ce que mon Maistre a commandé que je t’apportasse » ; et ce disant, il luy donna toute ceste viande morceau par morceau. Cela fait, il retourna vers son Maistre, qui d’abord luy demanda, s’il avoit tout donné à sa bien aymée ; « Elle a eu tout », respondit Esope, « et l’a mangé en ma presence ». « Qu’a-t’elle dit en mangeant », adjousta Xanthus ?
S’il ne reste aux vieillards pour le soulagement de leurs chagrins, que le repos et le respect dont la jeunesse est obligée de leur donner des témoignages continuels, n’est-ce pas une maniere de desespoir à ces pauvres gents, de se voir accueillis d’une inquietude necessiteuse, et abandonnez au mespris de tous les autres hommes ? […] Ce Prince des Poëtes ayant pris naissance de parents incognus, et passé toute sa vie en l’étude des lettres hors de sa Province, et mesme estant privé du plus agreable de nos sens, à sçavoir de la veuë, se trouva sur le declin de son âge, accueilly d’une pauvreté si grande, qu’il estoit reduit à la mercy des autres hommes, pour trouver du pain, et ne mangeoit que ce qui luy estoit charitablement donné. Toutesfois en ceste extraordinaire calamité, jointe à un aveuglement perpetuel, il posseda si bien le repos de son esprit : il s’occupa à de si hautes pensées, et composa des ouvrages si Divins, qu’on luy donna depuis à bon droict le tiltre de Pere des Lettres, et à bon droict aussi sept Villes fameuses débatirent entr’elles apres sa mort, l’honneur de sa naissance et consacrerent des honneurs Divins à celuy qu’ils n’avoient daigné regarder durant sa vie.
Par ces mots de raillerie il vouloit monstrer, qu’en matiere de valeur il ne faut jamais donner des loüanges excessives à certains hommes, estant veritable que l’on ne voit point de si mauvais garçon, qui ne puisse facilement rencontrer son Maistre. […] Le mesme Autheur nous donne une seconde preuve de cela, en la personne de Burés, qui ayant défié au combat du Fleau toute la jeunesse Troyenne et Sicilienne, fût neantmoins vaincu par le Vieillard Entellus, bien que l’âge et la discontinuation semblassent le dispenser de ceste sorte d’escrime. […] Or quoy que cela ne semble pas ordinaire en la Nature, si est-ce qu’on en peut donner des raisons tres legitimes ; Et premierement on peut dire, que ces Ennemis fiers et presomptueux vont la pluspart dans le Combat avec tant de negligence contre les foibles, qu’ils dédaignent de mettre en œuvre tout ce qui est d’ordinaire praticqué pour la seureté des Combattans, à sçavoir d’estre couverts de bonnes armes, montés sur un cheval adroict, et faire avec soin tous les passages de l’escolle.
» Sauver les méchants, c’est leur donner à notre insu des forces qu’ils tourneront contre nous d’abord.
Comme la discussion s’animait, une ronce qui les écoutait de la haie voisine, dit : « Mes amis, cessons enfin de nous quereller. » C’est ainsi que, dans les temps où les meilleurs citoyens sont divisés, les gens de rien essayent de se donner de l’importance.
Laissons doncques en arriere une verité si manifeste, apres avoir donné cét Eloge à la Concorde ; Qu’elle est entierement bien-seante et vertueuse, qu’elle establit les maisons, augmente et affermit les Empires, repousse les forces estrangeres, maintient les intestines, rend les hommes sociables, et perfectionne les Arts ; bref, qu’elle est le plus desirable, bien qui se puisse rencontrer parmy les mortels.
Le Roy des animaux en cette occasion Montra ce qu’il estoit, et luy donna la vie.
L’Homme luy mit un frein, luy sauta sur le dos, Ne luy donna point de repos Que le Cerf ne fust pris, et n’y laissast la vie.
On luy donna certaine somme.
Il n’est point de gents relevez, ny d’autres, qui ne leur donnent un coup de bec, et qui n’assaillent leur misere avec des brocards. […] Car la confusion qui suit les pompes de ces gents-là, est partagée à ceux qui les ont causées, ou qui ont pris la moindre part à leur intelligence ; Et comme en matiere d’opinions, il ne faut pas se laisser charmer aux specieuses maximes, mais rechercher la solide verité, et choisir plustost à dire les choses vrayes, que les subtiles ; De mesme aux amitiez que nous voulons establir, il ne faut pas tant donner à l’esclat et à la monstre exterieure, qu’à la vraye et parfaite vertu de l’ame.
Comme on le menoit ainsi à la mort, il leur disoit en s’y en allant. « Au temps que les bestes parloient, le Rat ayant fait amitié avec la Grenoüille, luy voulut donner à souper, et l’amena pour cét effect au Cellier d’un riche homme, où il y avoit quantité de viandes, l’invitant à se saouler par ces mots qu’il luy reïteroit, “Mange m’amie Grenoüille”. […] L’Escarbot se mit alors à prier l’Aigle, de ne point tuër le pauvre suppliant, et la conjura par le grand Dieu Jupiter de ne dédaigner sa petitesse : Mais l’Aigle irritée donna un coup d’aisle à l’Escarbot, puis il mit le Liévre en pieces, et le mangea. […] Voyant donc qu’il ne les pouvoit fléchir en façon quelconque, il se mit à leur faire cét autre conte. « Hommes cruels et meurtriers », reprit-il, « donnez-vous la patience d’écouter ce que j’ay encore à vous dire.
Le paon prétendit se faire nommer roi à cause de sa beauté, et les oiseaux allaient voter pour lui, quand le choucas s’écria : « Mais si, quand tu règneras, l’aigle nous donne la chasse, quel secours pourrons-nous attendre de toi ?
Mais le Lion, qui ne prenoit pas plaisir à cela ; « Tout beau », leur dit-il en rugissant, « la premiere de ces parts est mienne, pour-ce qu’il n’y a pas un de vous qui me vaille ; la seconde l’est aussi, à cause des grands advantages que ma force me donne par dessus vous ; et la troisiesme m’appartient encore, pour avoir plus travaillé que tous à prendre le Cerf ».
Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens Portans bastons, et mendians ; Flater ceux du logis ; à son Maistre complaire ; Moyennant quoy vostre salaire Sera force reliefs de toutes les façons ; Os de poulets, os de pigeons : Sans parler de mainte caresse.
J’avois franchi les Monts qui bornent cet Etat ; Et trotois comme un jeune Rat Qui cherche à se donner carriere.
Quelle abomination de voir que ce noble animal, à qui l’excellence de son estre a fait donner le tiltre de raisonnable, invente tous les jours de nouveaux appas, pour tromper ses ennemis, caressant plustost ceux qu’il veut perdre, que ceux qu’il ayme veritablement ? […] Mais diray-je, sans que les cheveux me herissent sur la teste, que parmy les hommes il s’en est trouvé de si execrables, que de se vouloir servir de la saincte Hostie, pour donner la mort à leurs Ennemis, en mesme temps que Dieu se donnoit à Eux pour vivifier leur ame ?
Cette Histoire est la veritable Allegorie de cette Fable, puis que par une experience asseurée, elle prouve que c’est oster entierement le credit à ses paroles, que d’en donner souvent de fausses. […] L’on pourra m’objecter là dessus, que je peche moy-mesme imprudemment contre l’advis que je donne aux autres, en ce que je n’entretiens mon Lecteur que de pures Fables, et que je m’amuse à gloser dessus des choses imaginaires.
Elle nous apprend qu’un seul ne peut rien contre plusieurs : Que les Grands doivent apprehender la colere des petits ; Qu’il n’y a point de jeu à se vouloir vanger de ceux à qui nous avons donné sujet de nous nuire ; Et qu’en tout cas il vaut mieux endurer un mal qu’ils nous font, que se mettre en danger d’en souffrir une infinité. […] Je sçay que l’on pourroit donner à ceste Fable quantité d’autres explications, et dans la Politique, et dans la Morale.
Car, ô miserable que tu és, quand le Bucheron te met en pieces, et t’abat à coups de coignée, combien voudrois-tu donner pour estre semblable à moy, et en aussi grande seureté ? […] La seconde sera tirée du danger qu’apporte l’un, et de la parfaicte asseurance que l’autre nous donne. […] Car comme dit fort à propos un ancien Poëte, En ce malheureux siecle on ne donne qu’aux riches. […] Telle espece de mort nous peut estre donnée par les grands, par les petits, ou par nos égaux.
L’Amant aura de la peine de se resoudre à quitter la possession d’une Beauté mediocre, sur le poinct mesme qu’elle se voudra donner à luy, pour l’attente d’une plus belle acquisition. […] Si par ce premier, difficilement y pourrez vous parvenir, puis qu’aujourd’huy l’on donne tout à la Faveur, et rien au Merite, et qu’il semble que ce soit un obstacle au bien, que d’en estre extrémement digne. […] Car pour la premiere, à sçavoir la certitude, ne voyez-vous pas une infinité de bonnes actions à qui l’on ne donne aucune loüange ; au lieu qu’il y en a quantité de meschantes que l’on vante bien hautement, comme si la memoire en devoit estre immortelle ? […] Certes plus elle est specieuse, plus elle est ternie au moindre suject que nous en donnons.
Et de faict, il feignit devant luy de rejoindre la fente de ceste Cruche, et donna quelques coups de marteau dessus, comme si c’eust esté à dessein de la resouder. […] Ce qui ne seroit point, à la verité, si avec les advantages du corps, la Nature leur avoit donné la faculté de discourir. […] Pour le regard des loüanges que les Oiseaux mesme donnent à Dieu, cela doit estre reçeu avec explication, plustost qu’au pied de la lettre. […] Homere nous a voulu persuader cela fort subtilement dans son Poëme, où il donne tous-jours l’advantage à Ulysse sur tous les autres Heros des Grecs, qui neantmoins estoient en partie plus Vaillants, mais tous ensemble moins ingenieux que luy. […] En quoy il me semble plus judicieux que Virgile, qui ne donne pour conseil à son Enée que sa Mere Venus, Déesse de la Volupté, si ce n’est quand il suppose quelque apparition de Mercure, ou d’Anchise son Pere.
Ceste douziesme Fable fait representer à l’Aigle un personnage bien different du precedent, par une preuve évidente qu’elle donne de perfidie et de cruauté. […] Est-ce que nostre Phrygien a voulu donner à entendre par ceste Fable, la grande foiblesse des hommes, qui ne sont jamais si bien confirmez en l’habitude d’une Vertu, qu’ils ne courent fortune de tomber le lendemain dans le vice contraire, et de deshonnorer en un moment toute la gloire qu’ils s’estoient acquise ? […] Ou bien, est-ce qu’Esope a voulu monstrer, qu’on n’est point obligé de garder sa parole aux meschants, en quelque temps qu’on la leur ait donnée, et qu’à ceste occasion l’Aigle ne fist point difficulté de trahir le Renard, en luy ravissant ses petits, pour en repaistre les siens propres ?
Si cela m’advenoit, je ne donnerois pas ma fortune pour celle de toutes les autres bestes ». Le Chien voyant l’extrême desir qu’avoit le Loup de changer de condition, luy promit de faire en sorte envers son Maistre, qu’il luy donneroit quelque charge dans sa maison, pourveu qu’il voulust retrancher un peu de sa felonie accoustumée, et s’addonner à le bien servir. […] Car, comme les Chrestiens et les Payens mesme l’asseurent, ce qui fait differer l’homme des animaux, et qui luy donne de l’avantage par dessus eux, c’est la liberté de vouloir, et d’agir, causée par le raisonnement et par la volonté.
Car il est fort mal-aisé qu’un homme ne donne à son ancre la teinture de ses passions, et ne transmette à son ouvrage les maladies dont il est taché ; tout de mesme qu’en la conception, les enfans retiennent presque tous-jours quelque chose de l’indisposition de leurs Peres, dont les maladies leur sont comme hereditaires : Il eust esté donc bien difficile à un Grec d’escrire à l’advantage des Perses, quand Xerxes couvrit de Vaisseaux tout l’Hellespont, et mit des Rivieres à sec par le grand nombre de ses Soldats. […] Car ils se croiroient coupables d’ingratitude, s’ils ne donnoient de la gloire à celuy qui leur donne du pain, et s’ils ne faisoient survivre à la mort le nom de ceux qui maintiennent le repos de leur vie. […] Mais au lieu de m’amuser au long recit d’une chose qui n’est que trop commune à la Cour de tous les grands Princes, il me suffira de redire les paroles de nostre Autheur ; que si les Lions avoient des Graveurs et des Sculpteurs, comme les hommes en ont, l’on en verroit plusieurs en peinture que ces animaux farouches esgorgeroient, c’est à dire, qu’il y a quantité de vaillants Guerriers, à qui, si l’Histoire avoit esté juste, elle auroit donné des loüanges immortelles ; ou, pour le prendre en un autre sens, qui aboutit neantmoins à celuy-cy, cela signifie que la corruption est si grande parmy ceux qui distribuent la reputation, que les bestes mesmes pourroient esperer des honneurs excellents, si elles avoient l’ambition et les moyens de seduire les Historiens peu fideles.
Ainsi souvent ce que l’art nous refuse, le hasard nous le donne gratuitement.
Ô trésor qui ne donne pas de plaisir !
Elle s’imagina que si elle lui donnait plus d’orge, sa poule pondrait deux fois par jour, et elle augmenta en effet sa ration.
Le boucher s’étant retourné et le voyant fuir, s’écria : « Toi, sache bien que, partout où tu seras, je te tiendrai à l’œil : car ce n’est pas à moi que tu as pris le cœur, bien au contraire tu m’en as donné. » Cette fable montre que souvent les accidents sont des enseignements pour les hommes.
Alors un des plus vieux, et des plus éloquents de leur trouppe, les voulant rasseurer ; « Pourquoy », dit-il, « nous donnons-nous ainsi l’alarme mal à propos ?
Ma bonne amie et ma voisine, Luy dit-elle tout bas, je vous donne un avis.
Tout en fut ; tant et si bien Que de cette double proye L’Oiseau se donne au cœur joye ; Ayant de cette façon, A souper chair et poisson.
Le Cerf est reconnu ; chacun prend un épieu ; Chacun donne un coup à la beste.
Il avint qu’au Hibou Dieu donna geniture, De façon qu’un beau soir qu’il estoit en pasture, Nostre Aigle apperceut d’avanture, Dans les coins d’une roche dure, Ou dans les trous d’une mazure (Je ne sçai pas lequel des deux), De petits monstres fort hideux, Rechignez, un air triste, une voix de Megere.
Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau.
tu me rends donc le mal pour le bien, et veux oster la vie à celuy qui te l’a donnée ! […] Mais je laisse en arriere tous ces exemples, pour alleguer seulement celuy qui est arrivé à la personne mesme de nostre Autheur, et qui est escrit cy-devant en l’Histoire de sa vie ; A sçavoir, qu’Esope estant dans Babylone, à la Cour du Roy Lycerus, adopta pour fils un jeune homme, qui luy sembla le plus aymable, et le mieux conditionné de toute la Ville, auquel il donna une entiere esperance de ses biens, et mit toute son affection en luy, comme s’il eust esté veritablement son enfant.
En quoy certes les grands Rieurs ont, comme je croy, moins d’avantage que les autres : Car encore qu’ils sçachent donner un coup de bec fort à propos, et de bonne grace, à cause de l’habitude qu’ils y ont acquise, si est-ce qu’ils ne laissent pas d’estre plus examinez que les autres, pour le grand nombre de gents qu’ils obligent à cela, l’exercice desquels n’est que d’esplucher leur vie, afin de trouver où mordre à leur tour, et rendre la pareille à l’aggresseur. […] Ceux qu’ils ont raillez cherchent à s’en revencher, et tel qu’ils ne cognoissent pas, devient quelquesfois leur ennemy, par la seule apprehension qu’il se donne de leurs brocards.
Mais quant aux Philosophes, ils ne vont pas si viste en besogne, et avant que donner à un homme le nom de meschant, ils examinent s’il en a fait les actions, et s’il les a reduittes en habitude. […] Dy leur plûtost comme cet advisé Conseiller, dans Virgile, J’ay peur des Grecs, et mesme quand ils donnent.
si tu achètes les deux premières, je te donnerai celle-ci par-dessus le marché. » Cette fable convient à un homme vaniteux qui ne jouit d’aucune considération chez autrui.
Les grenouilles répondirent : « Sache bien, camarade, que notre aide ne se donne point par les bras, mais par la voix seule. » Cette fable montre que, quand on a besoin des bras, les secours en paroles ne servent de rien.
Alors Esope les ayant premierement fait asseoir à l’ombre d’un arbre, leur donna dequoy manger sobrement : puis il leur servit de guide, et les remit dans le chemin, qu’ils luy demandoient.
La donner luy sembloit bien dur ; La refuser n’estoit pas seur.
C’est pourquoy l’Ours de ceste Fable, au lieu de dire à l’oreille du Voyageur, ne t’accompagne plus d’un tel Amy, eût eu plus de raison de luy donner ce conseil ; ne t’accompagne de personne sous l’esperance d’en estre aymé. A cela lon peut objecter, que ceste regle n’est pas si generale, qu’elle ne souffre quelque exception ; Que les sinceres amitiez peuvent estre verifiées par les exemples, qu’un Pilade a voulu donner sa vie pour Oreste, un Damon pour un Pithias, un Piritoüs pour un Thesée, et qu’aujourd’huy mesme il s’en trouve assez, à qui toutes les choses du monde sont de petite consideration, à comparaison de leur Amy ; Ce que je leur advoüeray pouvoir estre, et avoir esté.
Je suis content neantmoins de vous declarer sans rien craindre, ce que vous desirez si fort de sçavoir, pourveu que vous me fassiez donner ma liberté, et la permission de parler ». […] Alors n’estant pas possible à Xanthus de s’en dédire, il s’y accorda, et ainsi Esope fût declaré affranchy par un cry public qu’un trompette de la ville fit en ces termes. « Le Philosophe Xanthus donne aux Samiens la liberté d’Esope », et ainsi se trouva veritable, ce qu’un peu auparavant Esope avoit dit à son Maistre par ces paroles, je t’advise que malgré toy tu m’affranchiras. […] Mais depuis, voyant qu’elles avoient de leur costé quantité de chiens qui les chassoient, ils leur firent sçavoir par des Ambassadeurs envoyez exprés, que si elles vouloient desormais vivre en paix, et oster tout soupçon de guerre, qu’elles eussent à leur envoyer les chiens ; comme en effect les brebis furent si sottes, et si mal-advisées, que de les donner, en se laissant persuader une chose qui ne leur pouvoit estre que dommageable.
Un laboureur, ayant trouvé un aigle pris au filet, fut si frappé de sa beauté qu’il le délivra et lui donna la liberté.
Le laboureur répondit : « Mais j’ai deux bœufs qui me font tout sans rien promettre : il vaut donc mieux que je leur donne qu’à vous. » Cette fable s’adresse aux hommes corrompus qui promettent des services et causent de grands dommages.
Ce ne fust pas sans une grande émotion, qu’elle reçeut ce message, qui luy donna si fort l’allarme, qu’en mesme temps elle courut droit à son Mary, et se mit à crier bien fort contre luy, disant entr’autres choses : « Je ne sçay pas comme tu l’entends, mais je suis bien asseurée, ô Xanthus, qu’il ne t’est pas loisible de te marier à une autre femme durant ma vie ».
Prophete de malheur, babillarde, dit-on, Le bel employ que tu nous donnes !
Ce que les Poëtes ont expressément témoigné par la Fable de Circé la Magicienne, à qui ils ont donné le pouvoir de changer en bestes les corps des hommes, pour monstrer par là que les vices immoderez nous ostent l’usage de la raison. Mais d’autant que ceste Allegorie est assez cogneuë, et qu’en plusieurs endroicts de nostre œuvre, nous avons amplement touché ce Discours, il sera bien à propos de donner un sens exprés à cét endroict, pour en tirer un enseignement particulier. […] Bref, ils nous la transformeront toute en fort peu de temps, et nous la donneront à voir sous un autre teinct, et sous un autre visage.
Un renard, l’ayant aperçu, lui dit : « Ce n’est pas à celui-ci qu’il faut le donner, mais à ton premier maître ; le deuxième en effet est naturellement bon ; tâche plutôt de te faire bien venir de l’autre, de peur qu’il ne te reprenne et ne t’arrache les ailes. » Cette fable montre qu’il faut généreusement payer de retour ses bienfaiteurs, et tenir prudemment les méchants à l’écart.
Un escarbot l’aperçut et s’étonna de la voir si laborieuse, elle qui travaillait au temps même où les autres animaux, débarrassés de leurs travaux, se donnent du bon temps.
A un moment donné, laissant là leur seine, ils se retirèrent à quelque distance pour prendre leur déjeuner.
Le berger, étant descendu, et voyant le méfait, s’écria : « Méchantes bêtes, vous donnez aux autres de la laine pour se vêtir, et à moi qui vous nourris, vous m’avez enlevé même mon manteau. » Ainsi beaucoup de gens obligent sottement ceux qui ne leur sont rien, et se conduisent vilainement envers leurs proches.
En effect, il l’appella en mesme temps, luy commandant d’achepter ce qu’il trouveroit de pire et de moindre valeur pour le donner à ses escoliers, qui devoient soupper avecque luy.
Mais je ne me crois pas si cheri du Parnasse, Que de sçavoir orner toutes ces fictions : On peut donner du lustre à leurs inventions : On le peut, je l’essaye, un plus sçavant le fasse.
L’aisné les ayant pris, et fait tous ses efforts, Les rendit en disant : Je le donne aux plus forts.
Comme il eût donc estendu ses pieds, elle luy dit qu’il se lavât, ce qu’il fit incontinent, puis il s’alla mettre à table, où il ne fut pas plutost assis, que Xanthus commanda, qu’on donnât à boire à son hoste : Luy cependant se mit à raisonner de cette sorte. « Certes, il leur appartient bien d’étre servis les premiers, mais puis qu’ils le veulent ainsi, qu’ay-je affaire de m’en donner de la peine ?
Quant à la recognoissance du Rat envers le Lion, elle a esté tres-sagement inventée par Esope, pour nous donner à entendre, qu’il n’est point de si chetifve personne, de qui les Grands ne puissent avoir besoin ; et par consequent qu’il est bon d’user de clemence envers eux ; ce qu’il ne faudroit pas laisser de faire, quand mesme on n’en devroit esperer aucune sorte de recompense. […] Or il advint de bonne fortune, que le mesme Lion, dont il avoit esté le Medecin, luy fust presenté à combattre, pour donner du passe-temps au Peuple.
L’Aigle vola du haut d’un Rocher dessus le dos d’un Aigneau ; ce que le Corbeau voyant de loing, il en voulut faire autant, et s’alla jetter sur la toison du Mouton, où il s’enveloppa si bien qu’il ne pût s’en retirer, si bien qu’il fut pris, et donné aux Enfans pour s’en joüer. […] Il passe jusqu’à ce poinct d’execration, que de seduire réellement des Prestres, à qui Dieu donne l’authorité de le consacrer, et dés qu’il en a attiré quelqu’un à son damnable party, il le convie à celebrer la Messe au milieu de ses Sabats, et ainsi du Caractere Divin il en fait un instrument à ses abominations.
Car la Nature ayant donné à tous les animaux dequoy se contenter dans le monde, et dequoy s’empescher de la violence et de l’oppression, il ne faut pas que les forts et les puissants s’imaginent de pouvoir avec raison gourmander les foibles, qui ne sont pourveus d’aucune invention pour se deffendre, mais qui peuvent faire suppléer l’addresse au défaut de la puissance. Que si en cela mesme la necessité les contrainct de ceder à leur ennemy, en tel cas ils ont moyen de rencontrer une espece de seureté en leur méfiance, et en leurs soings continuels, voire mesme il y en a qui n’ont trouvé le moyen de leur conservation que dans leur propre foiblesse ; Témoins plusieurs petits Princes souverains, qui pour la consideration du peu de pouvoir qu’ils ont, s’attaquent aux plus grands Roys, pource qu’il leur est aisé de se donner, ou de se mettre en la protection de quelque tiers, égal à leur ennemy.
Cette fable montre que le Seigneur se range contre les orgueilleux et donne la grâce aux humbles.
De trésor, ils n’en trouvèrent point ; mais la vigne bien remuée donna son fruit au centuple.
Il se retourna et lui dit : « Je sais bien, loup, que je suis destiné à ton repas ; mais pour que je ne meure pas sans honneur, joue de la flûte et fais-moi danser. » Tandis que le loup jouait et que le chevreau dansait, les chiens accoururent au bruit et donnèrent la chasse au loup.
Cette fable montre que les gens sensés, quand leurs ennemis les attaquent, leur donnent le change en les adressant à de plus forts.
Sa mère, pour l’éprouver, lui donna un grain d’encens, et lui demanda ce que c’était : « C’est un caillou, dit-elle. – Mon enfant, reprit la mère, non seulement tu es privée de la vue, mais encore tu as perdu l’odorat. » Pareillement certains fanfarons promettent l’impossible et sont convaincus d’impuissance dans les cas les plus simples.
L’Aigle fondant sur luy nonobstant cet azile, L’Escarbot intercede et dit : Princesse des Oyseaux, il vous est fort facile D’enlever malgré moy ce pauvre malheureux : Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie : Et puisque Jean Lapin vous demande la vie, Donnez-la luy de grace, ou l’ôtez à tous deux : C’est mon voisin, c’est mon compere.
Les grenouilles, fâchées de l’anarchie où elles vivaient, envoyèrent des députés à Zeus, pour le prier de leur donner un roi.
Il se mit à l’injurier et à le railler, Le loup répliqua : « Pauvre hère, ce n’est pas toi qui m’injuries, c’est le lieu où tu es. » Cette fable montre que souvent c’est le lieu et l’occasion qui donnent l’audace de braver les puissants.
Un homme qui avait deux filles avait donné en mariage l’une à un jardinier, l’autre à un potier.
Ceux-ci lui firent accueil à cause de son intelligence et lui donnèrent place dans leurs demeures.
Or d’autant que cela dépend de la prudence, et que ceste Vertu n’a pas tous-jours des regles certaines, joinct que dans les divisions de la Moralle, on ne peut donner des instructions pour ce qui est d’examiner les fourberies ; il me semble que pour les éviter, il doit suffire à l’homme bien advisé, de prendre soigneusement garde aux actions de ceux qu’il soupçonne, y procedant de telle sorte qu’à la maniere du Renard, il s’embarrasse avec eux le moins qu’il pourra, principalement en visites, et en compliments.
L’Athlete avoit promis d’en payer un talent : Mais quand il le vid, le galand N’en donna que le tiers, et dit fort franchement Que Castor et Pollux acquitassent le reste.
La mere aussi-tost le gourmande, Le menace, s’il ne se taist, De le donner au Loup.
L’impertinente vanité du Corbeau sert d’exemple à une infinité de gents, qui se laissent miserablement affiner aux Flatteurs, pour adherer trop niaisement aux loüanges qu’ils leur donnent : car à force d’estre enyvrez par leurs complaisances, ils prennent une opinion si excessive de leurs propres merites, qu’il leur est fort mal-aisé de se recognoistre. […] Ils vont du contraire au contraire, et donnent impunément le titre de bonté à ce qui est une pure malice ; Semblables en cela au Renard de ceste Fable, qui ose bien dire au Corbeau qu’il est blanc, et démentir en luy l’experience de tout le monde.
L’Avare fût long temps irresolu, pource qu’il ne croyoit-pas qu’on luy en pût jamais assez donner. […] Mais avec plus de raison encore il a fait intervenir Mercure pour faire droict sur la requeste des deux Suppliants, voulant donner à entendre l’humeur de l’un et de l’autre. […] Quant aux Bilieux, et aux Sanguins, ils dissipent et donnent abondamment, d’autant que leur naturel ardant et vigoureux leur fait croire toutes choses faciles, et les porte vertement aux plus hautes entreprises. […] Or pour revenir à l’Avarice, elle ne donne point de repos à son Patient. […] Ce n’estoit rien à ces courages ambitieux, apres avoir découvert ces nouvelles terres, de rendre esclaves tous les Mexicains, et les Peruviens : Ce n’estoit rien d’avoir donné des batailles à Atabaliba, et pillé le Temple de Cusco, avec toutes les Villes qui estoient en ces Royaumes.
Cette fable montre qu’il n’y a rien de si parfait qui ne donne prise à la critique.
mon bel ami, reprit l’un d’eux, ce n’est pas à présent qu’il fallait dire cela, alors que cela ne sert plus à rien ; c’est quand il pouvait encore en profiter que tu devais lui donner ce conseil. » Cette fable montre que c’est au moment où ils en ont besoin qu’il faut prêter son aide à ses amis, au lieu de faire l’habile homme, quand leurs affaires sont désespérées.
Les abeilles, enviant leur miel aux hommes, allèrent trouver Zeus et le prièrent de leur donner de la force pour tuer à coups d’aiguillon ceux qui s’approcheraient de leurs cellules.
Ces paroles prononcées avec authorité, eurent tant de pouvoir sur ces Mutins, qu’elles les rappellerent à leurs maisons ; ce qui nous donne à cognoistre combien sont puissantes et judicieuses les inventions du sage Esope.
Car pour ne meriter point de pardon, c’est assez qu’on ait donné des marques d’une pernicieuse volonté, quand mesme elle ne seroit pas suivie d’un mal extraordinairement grand, ou qui auroit esté diverty par quelque accident inopiné.
Car que donner ?
Mercure, au lieu de donner celle-là, Leur en décharge un grand coup sur la teste.
C’est juste ; mais l’explication me semble facile à donner. […] Il s’excuse de manquer à la parole donnée dans l’épilogue qui précède. […] Mais je m’abstiens d’en donner ici la nomenclature. […] Padiglione lui-même ne m’en eût donné les moyens. […] Je n’en veux donner qu’une.
En suite de tout cecy, Lycerus donna la lettre de Nectenabo au subtil Esope, qui ne l’eust pas plûtost leuë, que sçachant par quel moyen il falloit resoudre ceste question, il se mit à rire, et fist rescrire à Nectenabo, qu’incontinent que l’Hyver seroit passé, on luy envoyeroit des Ouvriers, qui luy bastiroient sa Tour, et un homme qui respondroit à toutes ses questions.
Car l’homme, le plus noble des animaux, et qui a de l’empire sur eux, vange la querelle des petits contre les grands, et nous apprend par cét exemple, qu’il faut que nous soyons protecteurs de l’innocence, quand la fortune nous en donne le pouvoir et l’authorité.
Car comme en la distribution de son heritage, le bon pere de famille accommode son testament à la bien-seance de ses Enfans, donnant à l’un du bien en argent, à l’autre des Vaisseaux plains de marchandise, s’il a l’inclination portée au traffic de la Marine ; à celuy-cy des fonds specieux, s’il se plaist à la campagne, et à celuy là une charge dans les Armées, ou un Office dans les Parlements, si son humeur l’attire à l’un ou à l’autre ; et tous ensemble seront satisfaits de la donation, quoy qu’en effect celuy qui a le plus de bien, ait l’advantage de son costé ; Ainsi nostre vray Pere celeste nous ayant produits au monde, pour nous faire du bien comme à ses legitimes Enfants, il donne à châcun ce qu’il juge luy estre propre, et le fait avecque tant de justesse, que nul ne le voudroit contre un autre, quoy que toutesfois il se puisse faire qu’il en envie les dons et les qualitez particulieres.