Ce dernier loüoit hautement sa peau tachetée de diverses couleurs ; Ce que le Renard ne pouvant dire dire de la sienne, ny la preferer par consequent à celle du Leopard ; « J’advoüe », luy dit-il, « que tu as quelque raison de ce costé-là ; mais en recompense, l’advantage que j’ay sur toy, qui n’est pas petit, c’est d’avoir l’esprit madré, et non pas le corps ». […] Il n’est pas question de redire icy les advantages que la beauté de l’ame emporte sur celle du corps. Nous avons traité ce suject assez amplement, pour estre dispensez d’y revenir, joinct qu’encore qu’il n’y ait que trop de personnes dans le monde qui souhaittent plus ardemment la possession d’un beau corps, que celle d’un bel esprit, si est-ce qu’il est impossible, ce me semble, qu’en leur ame ils ne trouvent ce dernier plus estimable que l’autre.
Chambry 289 Chambry 289.1 Οὐρὰ καὶ μέλη ὄφεως — La queue et le corps du serpent. […] La queue commanda et conduisit, tirant à l’aveugle tout le corps, tant qu’enfin elle tomba dans un trou plein de pierres, où le serpent se meurtrit l’échine et tout le corps.
Description du corps, et de la vivacité de son esprit. […] Mais quelque imparfaict qu’il fust de corps, cela n’empeschoit pas, qu’il n’eust naturellement un esprit habile, et qui réüssissoit heureusement en toute sorte d’inventions.
Jamais le corps de l’animal Ne pût venir vers moy, ni trouver d’ouverture. […] Ce chef passe, et le corps, et chaque queuë aussi.
Le renard prenant la parole dit : « Combien je suis plus beau que toi, moi qui suis varié, non de corps, mais d’esprit. » Cette fable montre que les ornements de l’esprit sont préférables à la beauté du corps.
Ainsi le Ventre ne peut perir, que toutes les autres parties du Corps ne perissent, et tel fut l’effect de l’envie qu’ils luy portoient. […] Car, il dit, qu’en la Revolte du Peuple contre le Senat, comme il s’estoit retiré au Mont Aventin, avec une ferme resolution de n’entrer plus en mesme corps que le Senat, on députa vers luy Menenius Agrippa, qui estoit pour lors le plus sage, et le plus authorisé de tous les Romains. Celuy cy ne se mit point autrement en peine de desployer envers ces petites gents les hautes raisons que luy pouvoit fournir son éloquence ; mais il leur conta mot à mot toute ceste Fable, et leur fit voir par l’exemple du ventre, et des parties du corps humain, la mutuelle dépendance qu’a le Senat avecque la populace.
Car la sage Nature nous ayant tous produits esgalement, composez de pieces substantielles, qui sont le corps et l’ame, et derechef nous ayant fait participer aux facultez de tous les deux, n’a pas laissé de mettre quelque difference en la facilité de nos actions, et a doüé particulierement les uns d’une chose, et les autres d’une autre ; Comme par exemple, Milon le Crotonien, et Aristote, estoient également hommes, et également individus de leur espece. Ils estoient composez d’ame, et de corps, et derechef l’ame et le corps de tous les deux estoient doüez de facultez naturelles. Et toutesfois, ils ne les exerçoient pas avecque la mesme perfection : Car la complexion de Milon le Crotoniate estoit plus robuste quant au corps, et le rendoit par consequent plus capable que tout autre, de la lutte, de l’escrime, et de la course ; au lieu que le temperament d’Aristote estoit plus subtil et plus delié ; son sang pur, et aërien, et les sieges de l’entendement, et de la memoire, plus favorablement organisez en luy qu’en nul autre homme de son âge, pour vacquer à la contemplation des choses de la Nature ; Tellement que son Genie le portoit à mediter, et à raisonner ; En quoy certes il a excellé de la façon que ses escrits le tesmoignent. […] Mais nul n’a jamais veu qu’on se soit rendu plaisant, sans y avoir une grande disposition naturelle, soit que la gentillesse du Bouffon consiste aux postures, et au maniment du corps, comme aux Histrions, et aux Pantomimes ; soit qu’elle dépende entierement de la grace de l’esprit, comme aux diseurs de bons mots, soit qu’elle participe de tous les deux, comme aux Comediens.
Un lion dormait ; une souris courut tout le long de son corps. […] À quoi le lion répondit : « Ce n’est pas que j’aie eu peur de la souris, mais j’ai été surpris que quelqu’un ait osé courir sur le corps du lion endormi. » Cette fable montre que les hommes sensés ne dédaignent pas même les petites choses.
L’un des deux Compagnons grimpe au faiste d’un arbre ; L’autre, plus froid que n’est un marbre, Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent ; Ayant quelque part oüy dire Que l’Ours s’acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ny ne respire. […] Il void ce corps gisant, le croit privé de vie, Et, de peur de supercherie Le tourne, le retourne, approche son museau, Flaire aux passages de l’haleine.
A toute peine il regagna les bords, Et n’eut ny l’ombre ny le corps.
Car la Nature ayant fait naistre Esope d’un Esprit libre, la Loy des hommes livra son corps à la servitude. Elle ne pût toutesfois ny corrompre la liberté de son esprit, ny le mettre hors de son assiette, quoy qu’elle transportast son corps en plusieurs lieux, et en diverses affaires.