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8. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CIV. De la Corneille, et de la Cruche. »

La source, à mon advis, en est tirée de bien plus loing, à sçavoir de la Metempsicose de Pythagore, qui ayant publié par toute l’Italie, que les ames humaines passoient d’un corps à l’autre jusques à la fin des siecles, donna sujet à ceste opinion, et fist croire à beaucoup de gents, que les esprits vertueux avoient leur retraicte asseurée dans des corps aggreables et tranquilles, comme sont le Cygne, la Brebis, et quantité d’autres ; que les genereux ranimoient des Aigles ou des Lions, et que les Malicieux avoient à devenir Renards, les Voluptueux, Pourceaux, les Bien-advisez, Elephants, les Fideles, Chiens, les Ingenieux, Singes, et ainsi des autres ; Puis il disoit, que ces mesmes ames rentroient dans des corps humains, et revenoient faire une course en leur premiere lice, continüant de cette sorte jusqu’à l’entiere revolution des siecles, qu’ils appelloient la Grande Année, à sçavoir celle-là qui ramenoit les choses à leur premier poinct, et faisoit revenir en mesme estat, en mesme circonstance, et en mesme progrez toutes les actions de la vie. […] A cela se rapporte aucunement ce que disent les Saincts Personnages, à sçavoir que les bestes publient avecque leurs voix les loüanges de Dieu, comme si elles prononçoient, non des paroles indistinctes, et sans dessein, mais des Hymnes particuliers, pour la loüange de leur Createur. […] Car il est tres-veritable qu’ils ne cessent de chanter les loüanges de Dieu ; c’est à dire que la Nature le loüe par leur voix, de la mesme façon qu’un excellent portraict publie la gloire de son autheur, ou qu’un luth qui est touché d’une bonne main, annonce luy-mesme l’addresse du Musicien.

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