La Corneille ayant soif, trouva de bonne fortune une Cruche pleine d’eau, où ne pouvant atteindre pour boire, à cause qu’elle estoit un peu trop profonde, elle essaya de la rompre, et n’en pût venir à bout. […] Car quant à ce qu’ils nous objectent de la prevoyance des Animaux en la generation de leurs petits, en leur maniere de vivre, en la violente ardeur qu’ils ont pour la propagation de leur espece, et ainsi de plusieurs autres choses merveilleuses, il n’est rien si aisé que de l’attribuër au seul instinct de leur nature : Car comme ceste sage Mere fait germer et croistre les plantes, sans que toutesfois elles en sçachent rien au vray, ny distinctement, ny mesme confusément ; Ainsi ceste puissante et universelle Cause rend les Animaux capables de tout ce qu’ils font, non pas à la verité sans qu’ils cognoissent rien, car ils ont une maniere de cognoissance, comme estant plus parfaicts que les Vegetaux, mais pour le moins sans qu’ils raisonnent, pour n’estre pas si relevés que les hommes. […] Or il arriva qu’un soir le mesme Maistre s’estonnant au possible dequoy sa beste n’avoit pas l’en-bon-poinct, ny la vigueur accoûtumée, voulut sçavoir si elle mangeoit bien l’avoine, ou si sa maigreur provenoit de quelque autre cause. […] Dequoy le Maistre infera, que le perfide Valet frustroit tous les jours ce pauvre Animal de la moitié de sa nourriture, et que c’estoit la veritable cause de sa maigreur.