XVIII.
Le Chartier embourbé.
Le Phaëton d’une voiture à foin
Vid son Char embourbé. Le pauvre homme estoit loin
De tout humain secours. C’estoit à la campagne
Prés d’un certain canton de la basse Bretagne
Appellé Quimpercorentin.
On sçait assez que le destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage.
Dieu nous préserve du voyage.
Pour venir au Chartier embourbé dans ces lieux ;
Le voilà qui deteste et jure de son mieux.
Pestant en sa fureur extrême
Tantost contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char, contre luy-mesme.
Il invoque à la fin le Dieu dont les travaux
Sont si celebres dans le monde.
Hercule, luy dit-il, aide-moy ; si ton dos
A porté la machine ronde,
Ton bras peut me tirer d’icy.
Sa prière estant faite, il entend dans la nuë
Une voix qui luy parle ainsi :
Hercule veut qu’on se remuë,
Puis il aide les gens. Regarde d’où provient
L’achopement qui te retient.
Oste d’autour de chaque rouë
Ce malheureux mortier, cette maudite bouë,
Qui jusqu’à l’aissieu les enduit.
Pren ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit.
Comble-moy cette orniere. As-tu fait ? Oüy, dit l’homme.
Or bien je vas t’aider, dit la voix ; pren ton foüet.
Je l’ay pris. Qu’est cecy ? Mon char marche à souhait.
Hercule en soit loüé. Lors la voix : Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirez de là.
Aide-toy, le Ciel t’aidera.