(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVIII. L’Aigle et le Hibou. » p. 
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVIII. L’Aigle et le Hibou. » p. 

XVIII.

L’Aigle et le Hibou.

L’Aigle et le Chat-huant leurs querelles cesserent ;
Et firent tant qu’ils s’embrasserent.
L’un jura foy de Roy, l’autre foy de Hibou,
Qu’ils ne se goberoient leurs petits peu ny prou.
Connoissez-vous les miens ? dit l’Oiseau de Minerve.
Non, dit l’Aigle. Tant pis, reprit le triste Oiseau.
Je crains en ce cas pour leur peau :
C’est hazard si je les conserve.
Comme vous estes Roy, vous ne considerez
Qui ny quoy : Rois et Dieux mettent, quoy qu’on leur die,
Tout en mesme categorie.
Adieu mes nourriçons si vous les rencontrez.
Peignez-les moy, dit l’Aigle, ou bien me les montrez.
Je n’y toucheray de ma vie.
Le Hibou repartit : Mes petits sont mignons,
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons.
Vous les reconnoistrez sans peine à cette marque.
N’allez pas l’oublier ; retenez-la si bien
Que chez moy la maudite Parque
N’entre point par vostre moyen.
Il avint qu’au Hibou Dieu donna geniture,
De façon qu’un beau soir qu’il estoit en pasture,
Nostre Aigle apperceut d’avanture,
Dans les coins d’une roche dure,
Ou dans les trous d’une mazure
(Je ne sçai pas lequel des deux),
De petits monstres fort hideux,
Rechignez, un air triste, une voix de Megere.
Ces enfans ne sont pas, dit l’Aigle, à nôtre amy :
Croquons-les. Le galand n’en fit pas à demy.
Ses repas ne sont point repas à la legere.
Le Hibou de retour ne trouve que les pieds
De ses chers nourriçons, hélas ! pour toute chose.
Il se plaint, et les Dieux sont par luy suppliez
De punir le brigand qui de son deüil est cause.
Quelqu’un luy dit alors : N’en accuse que toy,
Ou plutost la commune loy,
Qui veut qu’on trouve son semblable
Beau, bien fait, et sur tous aimable.
Tu fis de tes enfans à l’Aigle ce portrait,
En avoient-ils le moindre trait ?