(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVII. Le Liévre et la Perdrix. » p. 473
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVII. Le Liévre et la Perdrix. » p. 473

XVII.

Le Liévre et la Perdrix.

Il ne se faut jamais moquer des miserables :
Car qui peut s’asseurer d’estre toûjours heureux ?
Le sage Esope dans ses Fables
Nous en donne un exemple ou deux.
Celuy qu’en ces Vers je propose,
Et les siens, ce sont mesme chose.
Le Lievre et la Perdrix concitoyens d’un champ,
Vivoient dans un état ce semble assez tranquille :
Quand une Meute s’approchant
Oblige le premier à chercher un azile.
Il s’enfuit dans son fort, met les chiens en défaut ;
Sans mesme en excepter Briffaut.
Enfin il se trahit luy-mesme
Par les esprits sortans de son corps échauffé.
Miraut sur leur odeur ayant philosophé,
Conclut que c’est son Liévre ; et d’une ardeur extrême
Il le pousse ; et Rustaut qui n’a jamais menti,
Dit que le Liévre est reparti.
Le pauvre malheureux vient mourir à son giste.
La Perdrix le raille et luy dit :
Tu te vantois d’estre si vîte :
Qu’as-tu fait de tes pieds ? Au moment qu’elle rit,
Son tour vient, on la trouve. Elle croit que ses aisles
La sçauront garentir à toute extremité :
Mais la pauvrette avoit compté
Sans l’Autour aux serres cruelles.