(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVI. Le Serpent et la Lime. » p. 93
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — XVI. Le Serpent et la Lime. » p. 93

XVI.

Le Serpent et la Lime.

On conte qu’un serpent voisin d’un Horloger,
(C’estoit pour l’Horloger un mauvais voisinage)
Entra dans sa boutique, et cherchant à manger
N’y rencontra pour tout potage
Qu’une Lime d’acier qu’il se mit à ronger.
Cette Lime luy dit, sans se mettre en colere,
Pauvre ignorant ! et que pretends-tu faire ?
Tu te prends à plus dur que toy,
Petit Serpent à teste folle,
Plutost que d’emporter de moy
Seulement le quart d’une obole,
Tu te romprois toutes les dents.
Je ne crains que celles du temps.

Cecy s’adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui n’estant bons à rien cherchez sur tout à mordre,
Vous vous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils sont pour vous d’airain, d’acier, de diamant.