(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — VI. Le combat des Rats et des Belettes. » p. 165
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre quatriéme. — VI. Le combat des Rats et des Belettes. » p. 165

VI.

Le combat des Rats et des Belettes.

La nation des Belettes,
Non plus que celle des Chats,
Ne veut aucun bien aux Rats ;
Et sans les portes étretes
De leurs habitations,
L’animal à longue eschine
En feroit je m’imagine,
De grandes destructions.
Or une certaine année
Qu’il en estoit à foison,
Leur Roy nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les Belettes de leur part
Déployerent l’étendard.
Si l’on croit la Renommée,
La Victoire balança.
Plus d’un Gueret s’engraissa
Du sang de plus d’une bande.
Mais la perte la plus grande
Tomba presque en tous endroits
Sur le peuple Souriquois.
Sa déroute fut entière :
Quoy que pust faire Artarpax,
Psicarpax, Meridarpax,
Qui tout couverts de poussiere,
Soûtinrent assez long-temps
Les efforts des combattans.
Leur resistance fut vaine :
Il falut ceder au sort :
Chacun s’enfuit au plus fort,
Tant Soldat que Capitaine.
Les Princes perirent tous.
La racaille dans des trous
Trouvant sa retraite preste,
Se sauva sans grand travail.
Mais les Seigneurs sur leur teste
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes ;
Soit comme marques d’honneur :
Soit afin que les Belettes
En conçussent plus de peur :
Cela causa leur malheur.
Trou, ny fente, ny crevasse
Ne fut large assez pour eux :
Au lieu que la populace
Entroit dans les moindres creux.
La principale jonchée
Fut donc des principaux Rats.
Une teste empanachée
N’est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.
Les petits en toute affaire
Esquivent fort aisément :
Les grands ne le peuvent faire.