V.
L’Asne et le petit Chien.
Ne forçons point nostre talent ;
Nous ne ferions rien avec grace.
Jamais un lourdaut, quoy qu’il fasse,
Ne sçauroit passer pour galant.
Peu de gens que le Ciel cherit et gratifie,
Ont le don d’agréer infus avec la vie.
C’est un point qu’il leur faut laisser ;
Et ne pas ressembler à l’Asne de la Fable,
Qui, pour se rendre plus aimable
Et plus cher à son Maistre, alla le caresser.
Comment, disoit-il en son ame,
Ce Chien, parce qu’il est mignon,
Vivra de pair à compagnon
Avec Monsieur, avec Madame,
Et j’auray des coups de baston ?
Que fait-il ? Il donne la pate,
Puis aussi-tost il est baisé.
S’il en faut faire autant afin que l’on me flate,
Cela n’est pas bien mal-aisé.
Dans cette admirable pensée,
Voyant son Maistre en joye, il s’en vient lourdement,
Leve une corne toute usée ;
La luy porte au menton fort amoureusement.
Non sans accompagner pour plus grand ornement
De son chant gracieux cette action hardie.
Oh oh ! quelle caresse, et quelle mélodie !
Dit le Maistre aussi-tost. Holà, Martin bâton.
Martin bâton accourt ; l’Asne change de ton.
Ainsi finit la Comedie.