(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre troisiéme. — XII. Le Cigne et le Cuisinier. » p. 399
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre troisiéme. — XII. Le Cigne et le Cuisinier. » p. 399

XII.

Le Cigne et le Cuisinier.

Dans une ménagerie

De volatiles remplie

Vivoient le Cigne et l’Oison :

Celuy-là destiné pour les regards du Maître,

Celuy-cy pour son goust ; l’un qui se piquoit d’estre

Commensal du jardin, l’autre de la maison.

Des fossez du Chasteau faisant leurs galeries,

Tantost on les eût vûs coste à coste nager.

Tantost courir sur l’onde, et tantost se plonger,

Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.

Un jour le Cuisinier ayant trop bû d’un coup,

Prit pour Oison le Cigne ; et le tenant au cou,

Il alloit l’égorger, puis le mettre en potage.

L’oiseau prest à mourir, se plaint en son ramage.

Le Cuisinier fut fort surpris,

Et vid bien qu’il s’estoit mépris.

Quoy ? je mettrois, dit-il, un tel chanteur en soupe ?

Non, non, ne plaise aux Dieux que jamais ma main coupe

La gorge à qui s’en sert si bien.

Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe,

Le doux parler ne nuit de rien.