(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XIX. Le Lion et l’Asne chassant. » p. 151
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XIX. Le Lion et l’Asne chassant. » p. 151

XIX.

Le Lion et l’Asne chassant.

Le Roy des animaux se mit un jour en teste
De giboyer. Il celebroit sa feste.
Le gibier du Lion ce ne sont pas moineaux ;
Mais beaux et bons Sangliers, Daims et Cerfs bons et beaux.
Pour réüssir dans cette affaire,
Il se servit du ministere
De l’Asne à la voix de Stentor.
L’Asne à Messer Lion fit office de Cor.
Le Lion le posta, le couvrit de ramée,
Luy commanda de braire, assuré qu’à ce son
Les moins intimidez fuïroient de leur maison.
Leur troupe n’estoit pas encore accoûtumée
A la tempeste de sa voix :
L’air en retentissoit d’un bruit épouventable :
La frayeur saisissoit les hostes de ces bois.
Tous fuyoient, tous tomboient au piége inévitable
Où les attendoit le Lion.
N’ay-je pas bien servy dans cette occasion ?
Dit l’Asne, en se donnant tout l’honneur de la chasse ;
Oüy, reprit le Lion, c’est bravement crié.
Si je ne connoissois ta personne et ta race,
J’en serois moy-mesme effrayé.

L’Asne s’il eût osé se fût mis en colere,
Encor qu’on le raillast avec juste raison :
Car qui pourroit souffrir un Asne fanfaron ?
Ce n’est pas là leur caractere.