XViI.
Le Paon se plaignant à Junon.
Le Paon se plaignoit à Junon :
Deesse, disoit-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure ;
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaist à toute la Nature :
Au lieu qu’un Rossignol, chetive creature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatans ;
Est luy seul l’honneur du Printemps.
Junon répondit en colere :
Oyseau jaloux, et qui devrois te taire,
Est-ce à toy d’envier la voix du Rossignol ?
Toy que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soyes,
Qui te panades, qui déployes
Une si riche queuë, et qui semble à nos yeux
La Boutique d’un Lapidaire ?
Est-il quelque oyseau sous les Cieux
Plus que toy capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes proprietez ;
Nous vous avons donné diverses qualitez,
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est leger, l’Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage ;
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contens de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t’osteray ton plumage.