V.
La Chauvesouris et les deux Belettes.
Une Chauvesouris donna teste baissée
Dans un nid de Belette ; et sitost qu’elle y fut,
L’autre envers les Souris de long-temps courroucée,
Pour la devorer accourut.
Quoy ? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire,
Aprés que vostre race a tâché de me nuire ?
N’estes-vous pas Souris ? Parlez sans fiction.
Ouy vous l’estes, ou bien je ne suis pas Belette.
Pardonnez-moy, dit la pauvrette,
Ce n’est pas ma profession.
Moy Souris ! des méchans vous ont dit ces nouvelles.
Grace à l’Auteur de l’Univers,
Je suis Oyseau ; voyez mes aisles :
Vive la gent qui fend les airs.
Sa raison plut et sembla bonne.
Elle fait si bien qu’on luy donne
Liberté de se retirer.
Deux jours aprés nostre étourdie
Aveuglément va se fourrer
Chez une autre Belette aux Oyseaux ennemie.
La voila derechef en danger de sa vie.
La Dame du logis, avec son long museau,
S’en alloit la croquer en qualité d’Oyseau,
Quand elle protesta qu’on lui faisoit outrage.
Moy pour telle passer ? vous n’y regardez pas.
Qui fait l’Oyseau ? c’est le plumage.
Je suis Souris ; vivent les Rats.
Jupiter confonde les Chats.
Par cette adroite repartie
Elle sauva deux fois sa vie.
Plusieurs se sont trouvez qui d’écharpe changeans,
Aux dangers, ainsi qu’elle, ont souvent fait la figue.
Le Sage dit, selon les gens,
Vive le Roi, vive la Ligue.