(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XXI. Les Frelons, et les Moûches à miel. » p. 504
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XXI. Les Frelons, et les Moûches à miel. » p. 504

XXI.

Les Frelons, et les Moûches à miel.

Àl’œuvre on connoist l’Artisan.

Quelques rayons de miel sans maistre se trouverent.

Des Frelons les reclamerent.

Des Abeilles s’opposant,

Devant certaine Guespe on traduisit la cause.

Il estoit mal-aisé de décider la chose.

Les témoins déposoient qu’autour de ces rayons

Des animaux aîlez bourdonnans, un peu longs,

De couleur fort tannée ; et tels que les Abeilles,
Avoient long-temps paru. Mais quoy, dans les Frelons

Ces enseignes estoient pareilles.

La Guespe ne sçachant que dire à ces raisons,

Fit enqueste nouvelle ; et pour plus de lumiere

Entendit une fourmilliere.

Le point n’en pût estre éclaircy.

De grace, à quoy bon tout cecy ?

Dit une Abeille fort prudente.

Depuis tantost six mois que la cause est pendante,

Nous voicy comme aux premiers jours.

Pendant cela le miel se gaste.

Il est temps desormais que le Juge se haste :

N’a-t-il point assez leché l’Ours ?

Sans tant de contredits, et d’interlocutoires,

Et de fatras, et de grimoires,

Travaillons, les Frelons et nous :

On verra qui sçait faire avec un suc si doux

Des cellules si bien basties.

Le refus des Frelons fit voir

Que cet art passoit leur sçavoir :

Et la Guespe adjugea le miel à leurs parties :

Plust à Dieu qu’on reglast ainsi tous les procez ;

Que des Turcs en cela l’on suivist la methode :

Le simple sens commun nous tiendroit lieu de Code.

Il ne faudroit point tant de frais.

Au lieu qu’on nous mange, on nous gruge ;

On nous mine par des longueurs :
On fait tant à la fin, que l’huistre est pour le Juge,

Les écailles pour les plaideurs.