(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XVII. L’Homme entre deux âges, et ses deux Maistresses. » p. 31
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XVII. L’Homme entre deux âges, et ses deux Maistresses. » p. 31

XVII.

L’Homme entre deux âges, et ses deux Maistresses.

Un homme de moyen âge,

Et tirant sur le grison,

Jugea qu’il étoit saison

De songer au mariage.

Il avoit du contant.

Et partant

Dequoy choisir. Toutes vouloient luy plaire ;

En quoy nostre amoureux ne se pressoit pas tant.

Bien adresser n’est pas petite affaire.

Deux veuves sur son cœur eurent le plus de part ;

L’une encor verte, et l’autre un peu bien mûre ;

Mais qui reparoit par son art

Ce qu’avoit détruit la nature.

Ces deux Veuves en badinant,

En riant, en luy faisant feste,

L’alloient quelquefois testonnant,

C’est-à-dire ajustant sa teste.

La Vieille à tous momens de sa part emportoit

Un peu du poil noir qui restoit,

Afin que son amant en fust plus à sa guise.

La Jeune saccageoit les poils blancs à son tour.

Toutes deux firent tant que nostre teste grise

Demeura sans cheveux, et se douta du tour.

Je vous rends, leur dit-il, mille graces, les Belles,

Qui m’avez si bien tondu ;

J’ai plus gagné que perdu :

Car d’Hymen, point de nouvelles.

Celle que je prendrois voudroit qu’à sa façon

Je vécusse, et non à la mienne.

Il n’est teste chauve qui tienne ;

Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.