IX.
Le Rat de Ville, et le Rat des Champs.
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le regal fut fort honneste :
Rien ne manquoit au festin ;
Mais quelqu’un troubla la feste
Pendant qu’ils estoient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit.
Le Rat de ville détale,
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire,
Rat en campagne aussi-tost :
Et le Citadin de dire,
Achevons tout nôtre rost.
C’est assez, dit le Rustique ;
Demain vous viendrez chez moy :
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de Roy.
Mais rien ne vient m’interrompre ;
Je mange tout à loisir.
Adieu donc, fy du plaisir
Que la crainte peut corrompre.