VII.
La Besace.
Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire
S’en vienne comparoistre aux pieds de ma grandeur.
Si dans son composé quelqu’un trouve à redire,
Il peut le declarer sans peur :
Je mettray remede à la chose.
Venez singe, parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux : faites comparaison
De leurs beautez avec les vôtres.
Estes-vous satisfait ? Moy, dit-il, pourquoy non ?
N’ai-je pas quatre pieds aussi-bien que les autres ?
Mon portrait jusqu’icy ne m’a rien reproché.
Mais pour mon frere l’Ours, on ne l’a qu’ébauché.
Jamais, s’il me veut croire, il ne se fera peindre.
L’Ours venant là-dessus, on crut qu’il s’alloit plaindre.
Tant s’en faut ; de sa forme il se loüa tres-fort ;
Glosa sur l’Elephant : dit qu’on pourroit encor
Ajoûter à sa queue, ôter à ses oreilles :
Que c’étoit une masse informe et sans beauté.
L’Elephant estant écouté,
Tout sage qu’il estoit, dit des choses pareilles.
Il jugea qu’à son appetit
Dame Baleine estoit trop grosse.
Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit ;
Se croyant pour elle un colosse.
Jupin les renvoya s’estant censurez tous :
Du reste contens d’eux : mais parmy les plus fous
Nôtre espece excella : car tout ce que nous sommes,
Lynx envers nos pareils, et Taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.
On se void d’un autre œil qu’on ne void son prochain.
Le Fabricateur souverain
Nous créa Besaciers tous de mesme maniere,
Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’huy.
Il fit pour nos défauts la poche de derriere,
Et celle de devant pour les défauts d’autruy.