(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — II. Le Corbeau et le Renard. » p. 124
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — II. Le Corbeau et le Renard. » p. 124

II.

Le Corbeau et le Renard.

Maistre Corbeau sur un arbre perché,
Tenoit en son bec un fromage.
Maistre Renard par l’odeur alleché
Luy tint à peu prés ce langage :
Et bon jour, Monsieur du Corbeau.
Que vous estes joly ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si vostre ramage
Se rapporte à vostre plumage,
Vous estes le Phenix des hostes de ces bois.
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joye :
Et pour monstrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proye.
Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flateur
Vit aux dépens de celuy qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendroit plus.