
XXII.
Le Chesne et le Rozeau.
Le Chesne un jour dit au Rozeau :
Vous avez bien sujet d’accuser la Nature.
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau
Vous oblige à baisser la teste :
Cependant que mon front au Caucase pareil,
Non content d’arrester les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempeste.
Tout vous est Aquilon ; tout me semble▶ Zephir.
Encor si vous naissiez à l’abry du feüillage
Dont je couvre le voisinage ;
Vous n’auriez pas tant à souffrir ;
Je vous defendrois de l’orage :
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me ◀semble bien injuste.
Vostre compassion, luy répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce soucy.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’icy
Contre leurs coups épouvantables
Resisté sans courber le dos :
Mais attendons la fin. Comme il disoit ces mots,
Du bout de l’orizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfans
Que le Nort eust porté jusques-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon, le Roseau plie ;
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celuy de qui la teste au Ciel estoit voisine,
Et dont les pieds touchoient à l’Empire des Morts.