
XVIII.
Le Chat et un vieux Rat.
J’ay lû chez un conteur de Fables,
Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des Chats,
L’Attila, le fleau des Rats,
Rendoit ces derniers miserables.
J’ay lû, dis-je, en certain Auteur,
Que ce Chat exterminateur,
Vray Cerbere, estoit craint une lieuë à la ronde ;
Il vouloit de Souris dépeupler tout le monde.
Les planches qu’on suspend sur un leger appuy,
La mort▶ aux Rats, les Souricieres,
N’estoient que jeux au prix de luy.
Comme il void que dans leurs tanieres
Les souris estoient prisonnieres ;
Qu’elles n’osoient sortir ; qu’il avoit beau chercher ;
Le galand fait le ◀mort ; et du haut d’un plancher
Se pend la teste en bas. La beste scelerate
A de certains cordons se tenoit par la pate.
Le peuple des Souris croit que c’est châtiment ;
Qu’il a fait un larcin de rost ou de fromage,
Egratigné quelqu’un, causé quelque dommage :
Enfin qu’on a pendu le mauvais garnement.
Toutes, dis-je, unanimement
Se promettent de rire à son enterrement ;
Mettent le nez à l’air, montrent un peu la teste ;
Puis rentrent dans leurs nids à rats ;
Puis ressortant font quatre pas ;
Puis enfin se mettent en queste.
Mais voicy bien une autre feste.
Le pendu ressuscite ; et sur ses pieds tombant
Attrape les plus paresseuses.
Nous en sçavons plus d’un, dit-il en les gobant :
C’est tour de vieille guerre ; et vos cavernes creuses
Ne vous sauveront pas ; je vous en avertis ;
Vous viendrez toutes au logis.
Il prophetisoit vray ; nostre maistre Mitis
Pour la seconde fois les trompe et les affine ;
Blanchit sa robe, et s’enfarine ;
Et de la sorte déguisé
Se niche et se blotit dans une huche ouverte :
Ce fut à luy bien avisé :
La gent trote-menu s’en vient chercher sa perte.
Un Rat sans plus s’abstient d’aller flairer autour.
C’estoit un vieux routier ; il sçavoit plus d’un tour ;
Mesme il avoit perdu sa queuë à la bataille.
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille,
S’écria-t-il de loin au General des Chats.
Je soupçonne dessous encor quelque machine.
Rien ne te sert d’estre farine ;
Car quand tu serois sac je n’approcherois pas.
C’estoit bien dit à luy ; j’approuve sa prudence.
Il estoit experimenté ;
Et sçavoit que la méfiance
Est mere de la seureté.