(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — VII. Le Satyre et le Passant. » p. 35
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — VII. Le Satyre et le Passant. » p. 35

VII.

Le Satyre et le Passant.

Au fond d’un antre sauvage,
Un Satyre et ses enfans,
Alloient manger leur potage
Et prendre l’écuelle aux dents.

On les eust vûs sur la mousse
Luy, sa femme, et maint petit ;
Ils n’avoient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appetit.

Pour se sauver de la pluye
Entre un Passant morfondu.
Au broüet on le convie ;
Il n’estoit pas attendu.

Son hoste n’eut pas la peine
De le semondre deux fois ;
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts.

Puis sur le mets qu’on luy donne
Delicat il souffle aussi ;
Le Satyre s’en étonne :
Nostre hoste, à quoy bon cecy ?

L’un refroidit mon potage ;
L’autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le Sauvage,
Reprendre vostre chemin.

Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous mesme toit.
Arriere ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid.