(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre sixiéme. — XII. Le Soleil et les Grenoüilles. » p. 314
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre sixiéme. — XII. Le Soleil et les Grenoüilles. » p. 314

XII.

Le Soleil et les Grenoüilles.

Aux noces d’un Tyran tout le peuple en liesse
Noyoit son soucy dans les pots.
Esope seul trouvoit que les gens estoient sots
De témoigner tant d’allegresse.
Le Soleil, disoit-il, eut dessein autrefois
De songer à l’Hymenée.
Aussi-tost on ouït d’une commune voix
Se plaindre de leur destinée
Les Citoyennes des Etangs.
Que ferons-nous, s’il lui vient des enfans ?
Dirent-elles au Sort, un seul Soleil à peine
Se peut souffrir. Une demi-douzaine
Mettra la Mer à sec, et tous ses habitans.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite.
Bien-tost on la verra reduite
À l’eau du Styx. Pour un pauvre Animal,
Grenoüilles, à mon sens, ne raisonnoient pas mal.