(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XV. Le Coq et le Renard. » p. 671
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — XV. Le Coq et le Renard. » p. 671

XV.

Le Coq et le Renard.

Sur la branche d’un arbre estoit en sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois.
Frere, dit un Renard adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle :
Paix generale à cette fois.
Je viens te l’annoncer ; descends que je t’embrasse.
Ne me retarde point de grace :
Je dois faire aujourd’huy vingt postes sans manquer.
Les tiens et toy pouvez vaquer
Sans nulle crainte à vos affaires ;
Nous vous y servirons en freres.
Faites-en les feux dés ce soir.
Et cependant vien recevoir
Le baiser d’amour fraternelle.
Ami, reprit le Coq, je ne pouvois jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle,
Que celle
De cette paix.
Et ce m’est une double joye
De la tenir de toy. Je voy deux Levriers,
Qui, je m’assure, sont couriers,
Que pour ce sujet on envoye.
Ils vont viste, et seront dans un moment à nous.
Je descends ; nous pourrons nous entrebaiser tous.
Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire.
Nous nous réjouïrons du succès de l’affaire
Une autre fois. Le galand aussi-tost
Tire ses gregues, gagne au haut,
Mal-content de son stratagême ;
Et nostre vieux Coq en soy-mesme
Se mit à rire de sa peur :
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.