(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XIX. L’Enfant et le Maistre d’Ecole. » p. 211
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(1692) Fables choisies, mises en vers « Livre premier. — XIX. L’Enfant et le Maistre d’Ecole. » p. 211

XIX.

L’Enfant et le Maistre d’Ecole.

Dans ce recit je pretens faire voir

D’un certain sot la remontrance vaine.

Un jeune enfant dans l’eau se laissa choir,

En badinant sur les bords de la Seine.

Le Ciel permit qu’un saule se trouva

Dont le branchage, aprés Dieu, le sauva.

S’estant pris, dis-je, aux branches de ce saule ;

Par cet endroit passe un Maistre d’école.

L’Enfant luy crie : Au secours, je peris.

Le Magister se tournant à ses cris,

D’un ton fort grave à contre-temps s’avise

De le tancer. Ah le petit baboüin !

Voyez, dit-il, où l’a mis sa sotise !

Et puis prenez de tels fripons le soin.

Que les parens sont malheureux, qu’il faille

Toûjours veiller à semblable canaille !

Qu’ils ont de maux, et que je plains leur sort !

Ayant tout dit, il mit l’enfant à bord.

Je blâme icy plus de gens qu’on ne pense.

Tout babillard, tout censeur, tout pedant,

Se peut connoistre au discours que j’avance :

Chacun des trois fait un peuple fort grand ;

Le Createur en a beny l’engeance.

En toute affaire ils ne font que songer

Aux moyens d’exercer leur langue.

Hé, mon amy, tire-moy de danger :

Tu feras aprés ta harangue.