
IV.
Les deux Mulets.
Deux Mulets cheminoient ; l’un d’avoine chargé :
L’autre portant l’argent de la Gabelle.
Celuy-cy glorieux d’une charge si belle,
N’eût voulu pour beaucoup en estre soulagé.
Il marchoit d’un pas relevé,
Et faisoit sonner sa sonnette :
Quand l’ennemi se presentant,
Comme il en vouloit à l’argent,
Sur le Mulet du fisc une troupe se jette,
Le saisit au frein, et l’arreste.
Le Mulet en se défendant,
Se sent percer de coups, il gemit, il soûpire.
Est-ce donc là, dit-il, ce qu’on m’avoit promis ?
Ce Mulet qui me suit, du danger se retire,
Et moy j’y tombe, et je peris.
Ami, luy dit son camarade,
Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut Employ.
Si tu n’avois servi qu’un Meusnier, comme moy,
Tu ne serois pas si malade.