FABLE LXXIX.
De la Fourmy, et de la Colombe.
L’extréme soif qu’avoit la Fourmy, la fit décendre dans une fontaine, où quand elle voulut boire, elle y tomba par malheur. Alors une Colombe branchée fortuitement sur un arbre▶, qui panchoit sur l’eau, voyant la pauvre Fourmy en danger de mort, rompit incontinent avecque son bec un rameau de l’◀arbre, qu’elle laissa cheoir dans la fontaine ; et ainsi la Fourmy qui l’aborda, se preserva du danger d’estre noyée, et se mit en seureté. Sur ces entre-faites, voila survenir en ce mesme endroict, un cauteleux Oyseleur, qui dressa ses gluaux pour prendre la simple Colombe ; Ce qu’apperçevant la Fourmy, elle le mordit au pied de sorte que l’Oyseleur fût contrainct de laisser aller ses gluaux, surpris par la douleur que luy causa ceste picqueure ; Cependant la Colombe effrayée du bruit, s’envola soudain et ainsi elle eschappa du danger present.
Remarque sur la septante-neufviesme Fable.
Je ne mets aucune difference entre l’Allegorie de cette Fable, et celle de la seiziesme. C’est pourquoy je trouve à propos d’y renvoyer le Lecteur, apres l’avoir adverty que les bestes mesmes ne sont pas ingrattes des biens-faits receus, et qu’il n’est point de bon office qu’on puisse nommer perdu, soit qu’on en espere la recognoissance sur terre, soit qu’on l’attende infaillible du Ciel.