(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXV. Du Pescheur. »
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(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXV. Du Pescheur. »

FABLE LXXV.

Du Pescheur.

Un Pescheur, qui ne sçavoit guere bien son mestier, ayant pris sa flûte et ses filets, s’approcha de la rive de la Mer, et s’assid sur une pierre pour faire sa pesche. Or auparavant il se mit à joüer de la fluste, s’imaginant que par ceste belle Musique il en prendoit bien plus de poisson. Mais comme il vid que cela ne luy servoit de rien, il jetta ses rets dans la Mer, et en prit plusieurs : Et d’autant qu’en les tirant de son filé, ils ne cessoient de sauter ; « Sottes Creatures », leur dit-il, « vous n’avez jamais voulu danser tantost, quand j’ay joüé de ma fluste, et maintenant que je n’en joüe plus, vous ne faites que caprioler ».

Remarque sur la septante-cinquiesme Fable.

Il n’y a pas beaucoup à dire sur le sujet de ce Pescheur, sinon que toutes choses ont bonne grace faites en leur saison, et qu’au contraire elles sont déplaisantes et importunes, quand on les tire de leur assiette naturelle, pour les transferer à d’autres usages. Je n’allegueray en cela pour toute preuve que l’experience journaliere, sans m’arrester plus long-temps sur ce sujet, tant pour en avoir touché quelque chose en la cinquiesme Fable, que pour la matiere de celle-cy, qui semble plustost appartenir à la bien-seance exterieure, qu’à la solide science des mœurs.