FABLE LXVII.
Du Renard▶, et du Loup.
Le ◀Renard▶ tombé dans un puits, en danger d’estre noyé, pria le Loup, qui estoit en haut, de luy jetter une corde, pour le retirer de ce peril. « Pauvre malheureux ! », luy respondit le Loup, « comment t’es-tu laissé choir ? » « Ce n’est pas maintenant le temps de jaser », repliqua le ◀Renard : « quand tu m’auras tiré d’icy, je te raconteray le tout par ordre ».
Discours sur la soixante-septiesme Fable.
Cette Allegorie n’a pas besoin d’explication, pour estre assez claire de soy-mesme. Car qu’y a-t’il de si extravagant, ou de si hors de saison, que de faire à son amy des demandes superfluës, sur le poinct d’une pressante necessité ? N’est-ce pas une impertinence plus cruelle qu’un assassinat, puis que non seulement on y fait perir celuy qu’on ayme, mais encore on le fait perir avecque langueur, au lieu de haster le temps de son secours, autant qu’il est possible à la diligence humaine. Mais je tomberois en la faute que je reprens en autruy, si par des paroles superfluës je m’arrestois d’avantage, ou à déduire, ou à prouver le sentiment de mon Autheur. Passons plustost à un autre Discours, puis que ceste verité est de soy-mesme plus manifeste que le jour.