FABLE XLVII.
Du Singe, et du Renard.
Le Singe voulant persuader au Renard de luy donner▶ une partie de sa queuë, pour en couvrir son derriere, luy fit entendre que cela l’incommodoit par trop, au lieu que pour son regard il en tireroit ensemble de l’honneur, et du profit. Mais le Renard luy dit pour response, qu’il n’en avoit point plus qu’il ne luy en falloit, et qu’il aymoit beaucoup mieux baleyer la terre de sa queuë, qu’en couvrir les fesses d’un Singe.
Discours sur la quarante-septiesme Fable.
Quant au refus que le Renard fait au Singe de la moitié de sa queuë, on le peut interpreter en deux façons, à bien, et à mal, et de toutes les deux il est aisé d’en tirer de l’instruction. La premiere s’entend de la chicheté des Riches, qui font gloire de refuser aux personnes incommodées, les choses mesmes qu’ils ont avecque superfluité ; ce qui doit apprendre aux Pauvres, qu’ils n’ont guere à esperer des grands Seigneurs, mais que le meilleur pour eux, c’est de s’attendre à un honneste labeur, et tirer de là le soustien de leurs familles. L’autre sens qu’on peut ◀donner à la Fable, c’est la reprehension des demandeurs impertinents, qui exigent de leurs amis beaucoup de choses indiscretement, quoy qu’à la verité il n’y en eût pas une d’elles qui le pût accommoder, et qui n’incommodast extrémement le donneur. En ce sens là, certes, je trouve fort loüable le refus de cét animal, qui juge avecque raison, qu’il ne se peut desfaire de sa queuë sans une douleur extrême, ny l’appliquer à l’usage du Singe, quand elle sera desfaite.