(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XLII. Du Serpent, et de la Lime. »
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(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XLII. Du Serpent, et de la Lime. »

FABLE XLII.

Du Serpent, et de la Lime.

Le Serpent voulut ronger une Lime qu’il trouva dans une forge ; Mais elle s’estant mise à rire, « Sotte beste », luy dit-elle, « qu’est-ce que tu fais ? Ne vois-tu point que tu te briseras toutes les dents, avant que me pouvoir consommer, et qu’avec les miennes j’ay accoustumé de mordre le fer, quelque dur qu’il soit ».

Remarque sur la quarante-deuxiesme Fable.

Quant à la vaine entreprise du Serpent, qui s’efforce de ronger une lime, elle nous apprend à ne choquer point les Grands, de peur que nostre foiblesse ne nous soit enfin un fascheux sujet de confusion et de ruyne. Tout le dommage qu’on pretend faire à un ennemy de ceste nature là, retombe sur celuy qui l’attaque. C’est cracher contre le Ciel, c’est ronger une lime, c’est sapper un bastiment qui nous accablera : bref, c’est s’exposer à un mal asseuré, pour n’en faire à son Ennemy qu’un leger et un incertain.