FABLE▶ XXXV.
De la Grenoüille, et du Bœuf.
La Grenoüille avoit un si grand desir de devenir aussi grosse que le Bœuf, qu’elle faisoit un estrange effort, et se roidissoit en tous ses membres : dequoy son fils s’estant apperçeu, « Ma mere », luy dit-il, « quittez moy là cette entreprise ; il n’y a nulle comparaison d’une Grenoüille à un Bœuf ». Elle toutesfois n’en voulut rien croire, et s’enfla derechef plus qu’auparavant : Ce qui fit peur à son fils, qui pour ne la perdre ; « Ma mere », luy cria-t’il derechef, « vous creverez plustost, que de surmonter le Bœuf » : Comme en effet elle ne tarda guere à crever, apres qu’elle eust fait un troisiesme effort.
Remarque sur la trente-cinquiesme ◀Fable▶.
Ce que nous avons dit cy-dessus de l’impertinence du Geay, pourroit estre raporté à ceste trente-cinquiesme ◀Fable▶, où la Grenoüille pretend d’entrer en comparaison avecque le Bœuf, touchant la grosseur et la force. Je croy que la vraye Mithologie de ceste ◀Fable, c’est l’exemple des gens de peu, qui se veulent rendre égaux en despence et en mine, à ceux de haute condition. Quant au succez qui en arrive, il est tel, qu’ils demeurent au milieu de leur entreprise, et crevent comme la Grenoüille, ou de dépit, ou d’impuissance.