Xanthus▶ voulant tromper Esope, est trompé luy-mesme.
Chapitre XI.
Uu peu apres, Esope étant revenu ; comme il voulut foüiller dans le pot, il n’y trouva que trois pieces, par ou il cognût, qu’on luy avoit fait une fourbe. Il courut donc à l’estable, où il sçavoit qu’on engraissoit un Pourceau, auquel il couppa un des pieds, qu’il mit dans le Pot avecque les autres, pour le faire cuire, apres l’avoir bien lavé. Cependant, l’apprehension qu’eust ◀Xanthus▶, qu’Esope ne s’enfuyt, apres qu’il auroit apperçeu le larcin qu’il avoit fait de ce pied, fut cause qu’il le remit dans le pot. Comme il fut donc question de servir sur table, Esope ayant vuidé les pieds dans le plat, et ◀Xanthus▶ en voyant cinq. « Qu’est cecy », dit-il, « en voy-la plus que je n’en ay fait achepter ». « Il est vray » respondit Esope, « et voicy comment. Combien de pieds ont deux Pourceaux », luy demanda t’il ? « Ils en ont cinq », continua ◀Xanthus▶ : « Il y en a donc cinq dans ce plat », repartit Esope, « et le Porc qu’on engraisse là bas, n’en a que trois ». ◀Xanthus▶ bien fâché qu’Esope luy avoit joüé ce tour là, devant ses amis. « Hé bien », leur dit-il, « Messieurs, me suis-je trompé, quand je vous ay advisé n’aguere que ce Malheureux me feroit devenir fol ? » Mais Esope qui le voulut payer de raison : « Seigneur, adjousta-il, ne sçavez vous pas bien, qu’il n’y peut avoir du mécompte en une somme, qu’autant qu’on adjoûte, ou qu’on diminuë de la quantité ? » ainsi ◀Xanthus fût contrainct de s’appaiser, comme il vid qu’il n’avoit point de juste sujet de frapper Esope.